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CHAPITRE 3 – CADRES THÉORIQUES CONVOQUÉS

3.1 Mobilité(s)

3.1.2 Vers une nouvelle compétence ?

Dans le contexte d’échanges globalisés et d’immédiateté dans lequel nous évoluons, la mobilité occupe désormais une place de choix au rang des compétences requises lors de l’embauche de personnel polyvalent (que ce soit du point de vue géographique ou opéra- tionnel) – à côté de compétences plus traditionnelles tels que la prise d’initiative, l’esprit d’équipe ou encore l’autonomie. Qu’en est-il dans le champ de la didactique ? Peut-on éga- lement envisager la mobilité en tant que compétence ? C’est en tout cas le parti pris de Murphy-Lejeune (2002) qui pose comme axiome que tout le monde dispose d’un « capital- mobilité » constitué, entre autres, d’aptitudes telles l’ouverture à l’Autre, la curiosité, la so- ciabilité qui ont besoin de conditions favorables pour pouvoir fructifier. Elle admet volontiers que ledit capital varie d’une personne à l’autre voire d’une culture d’origine à l’autre, ce qui ne l’empêche pas de proposer une catégorisation des partants selon leur degré de maîtrise de la mobilité en tant que compétence (p. 71). Elle distingue, à cet effet, entre proficient, ex- perienced et expert tout en reconnaissant que ces catégories sont aisément perméables, se- lon la capacité en question.

Le CECRL° propose, quant à lui, une première distinction entre les compétences géné- rales et les compétences communicatives langagières. Une subdivision en plusieurs supra- catégories est ensuite effectuée, chacune étant, à sa manière, constitutive de la compé- tence générale : les savoirs, les savoir-faire, savoir-être et savoir-apprendre. Ajoutons à cela le « savoir-devenir »16 cité à plusieurs reprises lors du dernier Forum FLE 201417 organisé en mai par l’université Stendhal Grenoble 3. Une nouvelle appellation pour une nouvelle réali- té ? Ce serait manifestement une dénomination plus qu’appropriée aux mobilités interna- tionales étudiantes et pourtant, nous sommes d’avis qu’elle verbalise une réalité que l’on connaît depuis toujours : celle qui veut que tout apprentissage, même « sédentaire », soit un trajet migratoire – parfois, il est vrai, très modeste – qui nous mène vers des contrées incon- nues ou peu explorées. Nous pensons donc que, s’il est indéniable que le savoir-devenir doit

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Le savoir-devenir ajoute au savoir-être « une perspective dynamique et temporelle : la manière dont la per- sonne se met en projet en tentant d’infléchir le cours des choses » (Lebrun, 2007, p. 27). Nous estimons quant à nous que le savoir-devenir devrait aussi recouvrer la volonté de réfléchir sur le cours des choses, que celles-ci soient dérangeantes, inappropriées ou simplement surprenantes.

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Toutes les interventions sont accessibles en ligne sur http://mi2s.imag.fr/pm/forum-fle-2014-le-francais-sur- objectifs-universitaires-fou-de-la-formation-a-lemploi.

impérativement être abordé, travaillé, apprivoisé lors d’une préparation au départ par exemple, on devrait aussi être en mesure d’en retrouver des traces, même mineures, dans tout apprentissage. Parler aujourd’hui de savoir-devenir est la preuve sémantique incontes- table d’une prise de conscience que nous saluons : celle qu’il existe une dimension de trans- formation nécessaire que l’on avait sans doute trop négligée au profit des compétences lin- guistiques, socioculturelles ou pragmatiques.

Il n’en reste pas moins vrai que se limiter à envisager la mobilité sous le seul angle du sa- voir-devenir serait tristement réducteur. Les mobilités – et la MIÉ en particulier – sont le siège de processus de transformation importants, répétés, dont l’extensivité et l’amplitude ne doivent pas être dépréciées, sans même parler de l’empreinte que laisse la mobilité sur la Weltanschauung des migrants. La richesse et la complexité des aptitudes engagées nous poussent à considérer la mobilité comme une compétence à part entière. Nous constatons que remplacer18 « communication » par « mobilité » ne dénature en rien les propos du CE- CRL en matière d’investissement et d’enrichissement des compétences :

Afin de mener à bien les tâches et activités exigées pour traiter les situations de mobilité dans lesquelles ils se trouvent, les utilisateurs et les apprenants utilisent un certain nombre de compétences acquises au cours de leur expérience antérieure. En retour, la participation à des événements de mobilité (y compris, bien sûr, ceux qui visent l’apprentissage de la langue) a pour conséquence l’accroissement des compétences de l’apprenant à moyen et à long terme.

Reprenons la typologie des savoirs « qui ne sont pas en directe relation avec la langue », que les auteurs du Cadre ont établie (pp. 82-86). Nous en proposons une relecture person- nelle à la lumière des besoins et spécificités d’un public de MIÉ.

Typologie Descriptifs extraits du CECRL Propositions de réinvestissement dans le champ de la MIÉ

Savoirs Connaissance du monde (y inclus les savoirs socioculturels en vigueur dans les sociétés concernées) Prise de conscience interculturelle (communauté source vs communau- té cible)

Il faut accorder au moins autant d’attention et d’importance à ces savoirs qui sont, ni plus ni moins, la porte d’entrée vers une conception équilibrée de la mobilité. La prise de conscience interculturelle doit être présentée comme une composante latente de la mobilité.

Savoir-faire Aptitudes dérivées des savoirs men- tionnés ci-dessus

La mise en pratique et l’appropriation des sa- voirs théoriques est fondamentale

Savoir-être Attitudes, styles cognitifs

Motivations, traits de la personnalité

Développement d’une « personnalité intercul- turelle » (attitudes et conscience des choses)

Typologie Descriptifs extraits du CECRL Propositions de réinvestissement dans le champ de la MIÉ

Savoir-apprendre Capacité à observer, à participer, à intégrer les nouveaux acquis Capacité à l’étude, à la découverte

Savoirs également importants avec une atten- tion particulière accordée aux aptitudes heuris- tiques.

Savoir-devenir Non mentionné Développer des aptitudes spécifiquement liées

aux changements, aux ajustements

Tab. 6 – Typologie des savoirs CECRL et MIÉ

Vouloir démontrer que la mobilité internationale étudiante est, à juste titre, une compé- tence au sens où l’entend le Cadre ne suffit certes pas à faire changer les discours. Tout au plus cette démarche pourrait-elle contribuer à sensibiliser les décideurs, concepteurs et en- seignants à intégrer toujours plus cette dimension dans leurs approches politiques, ingénie- riques, didactiques et pédagogiques.