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transfert du P dans un bassin versant et typologie des épisodes hydrologiques

3- Notions concernant les modèles hydrologiques et de calculs de flux

3.1 Les modèles de partitions des flux :

« Load Apportionment Model »

De nombreuses approches sont testées pour identifier l’origine des flux de nutriments en rivières (Pilleboue, 1987 ; Dorioz et al., 1998b ; Bowes et al., 2005 ; Greene et al., 2011). Cette diversité de méthode s’explique notamment en raison de la multiplicité des sources de phosphore (Pilleboue, 1987 ; Wither et Jarvie, 2008), des liens ténus entre exportation du phosphore et mode d’occupation des

sols d’une part (Vansteelant, 1997 ; Wood et al., 2005) et connexions

hydrologiques d’autres part (Dorioz et al., 1998b ; Jordan-Meille et al., 2007). Certaines de ces approches permettent seulement une estimation globale du flux de phosphore par l’évaluation de flux spécifique ou de coefficient d’exportation du phosphore (Wang et al., 2004) représentatifs d’une pression d’urbanisation ou d’usages des sols. En plus du suivi à l’exutoire, ces méthodes requièrent des données fines quant aux activités des bassins versants étudiés. Pour palier le problème de la distinction entre l’origine des pollutions (ponctuelles vs diffuses), de nombreux auteurs (Farhni, 1982 ; Pilleboue, 1987 ; Burher et Wagner, 1982 ; Bowes et al., 2010 ; Dorioz et al., 2004 ; Greene et al., 2011 ; Jarvie et al., 2010 ; Kronvang et al., 2007 ; Trevisan et al, 2012) développent des approches basées sur la relation entre l’hydrologie et les concentrations de phosphore mesurées à l’exutoire. Ils distribuent, via des fonctions mathématiques, le flux enregistré à l’exutoire entre les différentes sources de pollutions (ponctuelles, diffuses). Cette démarche nécessite de suivre et enregistrer les flux d’eau et les flux géochimiques à l’exutoire des bassins versants.

Pour ces modèles de partition de flux (Dorioz et al., 2004, Bowes et al. 2008), la concentration en phosphore est modélisée comme étant fonction du régime hydrologique. Les entrées en phosphore des sources ponctuelles (A) et diffuses (C) sont chacune modélisée par une fonction ‘puissance’ les reliants au débit. On considère généralement deux termes distincts définis comme suit :

C(p) = A.Q B-1 + C Q D-1

C(p) est la concentration de phosphore modélisée,

A.Q B-1 est une loi de dilution calculant la contribution de la pollution ponctuelle,

Cette relation est représentée à la Figure 1-5 :

Figure 1-5 : représentation graphique et théorique des fonctions de partage C(p) = A.Q B-1 + C Q D-1 pour le phosphore total eau filtrée (Ptef)

Le premier terme de la courbe est représenté en vert (loi de dilution) et le second terme est représenté en rouge (loi de concentration). La concentration en phosphore dissous (PTEF) en µg /l est fonction du débit (Q) en m3/s. Lors des épisodes de tarissement, les flux de pollutions ponctuelles sont constants (au pas de temps hebdomadaire, Pilleboue, 1987). Les concentrations qui résultent de ces épisodes sont d’autant plus diluées que le débit de tarissement est fort, d’où une fonction globale de dilution. A l’inverse les pollutions diffuses sont transférées en périodes pluvieuses, sous l’effet du ruissellement et de l’érosion. Ces transferts sont d’autant plus importants que les averses et les phénomènes érosifs sont intenses. D’où une fonction puissance croissante, positive. Lors d’apports ponctuels, nous considérons une loi de dilution dans la relation qui lie la

concentration au débit (Figure 1-5, courbe verte). A l’inverse, pour des flux

dominés par des pollutions diffuses, nous observons une loi de concentration (Figure 1-5, courbe rouge) en fonction de l’augmentation du débit. Dans le cas d’un système complexe, avec des apports d’origines ponctuelles et diffus, ces

relations se combinent (Figure 1-5, courbe bleue). La contribution moyenne

annuelle du diffus et du ponctuel peut être ainsi estimée à partir de données à l’exutoire (Bowes et al. 2008).

Cette méthode ne permet pas toutefois de prendre en compte explicitement les phénomènes in stream (stockage/déstockage des sédiments et de leurs charges en nutriments) s’opérant lors du transport au sein du réseau hydrographique,

0 50 100 150 200 250 300 0 1 2 3 4 5 6 7 Q (m3/s) P T E F ( µ g /l)

C

(p)

= A.Q

B-1

+ C Q

D-1 0 50 100 150 200 250 300 0 1 2 3 4 5 6 7 Q (m3/s) P T E F ( µ g /l)

C

(p)

= A.Q

B-1

+ C Q

D-1

ponctuel bloqué dans les sédiments, ce qui a pour effet de biaiser le calcul du poids respectif des pollutions diffuses ou ponctuelles (Bowes et al., 2008 ; Trevisan et al., 2012). Ces modèles font également l’hypothèse que les entrées ponctuelles sont continues dans le temps et que toutes les entrées diffuses sont dépendantes du débit (Bowes et al., 2005), alors que certaines entrées ponctuelles sont variables dans le temps (Neal et al., 2008), notamment les pertes liées au lavages des installations agricoles ou celles liées aux déversoirs d’orage ou aux surverses de station d’épuration.

3.2 Les modèles de transferts : eaux et

pollutions diffuses

Un modèle est une représentation conceptuelle plus ou moins détaillée de la réalité d’un système physique et des différentes composantes de son fonctionnement (Ambroise, 1999a). Bien que certains modèles garantissent une grande précision des processus physiques (Abbott et al., 1986), une analyse de terrain couplée à une analyse conceptuelle des processus est généralement nécessaire (Delattre, 1979 in Payraudau, 2002).

Les modèles sont développés pour répondre à plusieurs objectifs dont certains sont liés. Ces objectifs pourront être centrés sur la prévision des crues et des étiages (CEQUEAU, Girard et al., 1972, MORDOR, Garçon, 1996 ), sur les processus hydrologiques et transferts de polluants en milieux superficiel (ANSWER, Beasley et al., 1980 ; MODCOU, Ledoux, 1980 ; SHETRAN, Abbott et al., 1986 ) ou profonds (GARDIENA; Thiery, 1982 ; MODFLOW, McDonald and Harbaugh, 1988 ; NEWSAM, Levassor et Ledoux, 1996).

3.2.1 État de l’art

Cette partie présente une description succincte des principaux modèles de bassins versants ainsi qu’une rapide présentation de leur capacité et de leurs usages. Il existe une multitude de modèles variables par leur nature et leur complexité. Étant donné la complexité de fonctionnement des systèmes hydrologiques, les modèles sont généralement construits pour une problématique précise : répondre aux problèmes posés. Différentes typologies de modèles de transfert dans les bassins versants sont proposées dans la littérature (Singh, 1995 ; Regsfaard, 1997 ; Ambroise, 1999 ; Payraudeau, 2002) ainsi que différentes synthèses (Krysanova and Arnold, 2008 ; Yang and Wang, 2010 ; Sharpley et al., 2002 ; Nasr et al., 2007 ; Schoumans et al., 2009). C’est de cette littérature qu’est tirée cette partie sur les modèles bassins versants (Tableau 1-6).

Modèle Domaines d'applications Processus modélisés Type de Modèle discrétisation spatiale acces ANSWER

2000

bassin versant agricole, pratique des sols, BMP's

bilan hydrologique, transport de

substances (dissous - particulaire) distribué cellule libre

Ann-AGPNS

bassin versant agricole, pratique des sols, BMP's

bilan hydrologique, transport de

substances (dissous - particulaire) distribué

surface unitaire (HRU), cours d'eau, surface en

eau libre

HEC-HSM

bassin versant urbain, modélisation des crues, changement d'occupation des

sols bilan hydrologique, hydraulique semi-distribué cellule libre

HSPF

bassin versant agricole et urbain, transfert de sédiments et polluants

bilan hydrologique, transport de

substances (dissous - particulaire) semi-distribué

mode d'occupation des sols, cours d'eau, surface

en eau libre

INCA/INCA-P

bassin versant agricole , transfert de sédiments et polluants, transfert du P

bilan hydrologique, transport de

substances (dissous - particulaire) semi-distribué

surface unitaire (HRU),

cours d'eau, surface en libre

KINEROS2

bassin versant urbain de préférence, transfert de sédiments

bilan hydrologique, transport de

sédiments distribué sections, cours d'eau libre

MIKE SHE

bassin versant hétérogène, transfert de sédiments et polluants

bilan hydrologique, transport de

substances (dissous - particulaire) distribué

cellule - 2-D (surface) 1-D (cours d'eau) - 3-D (zone

saturée) protégé

SWAT

bassin versant hétérogène, transfert de sédiments et polluants, BMP's

bilan hydrologique, transport de

substances (dissous - particulaire) semi-distribué

surface unitaire (HRU),

cours d'eau, surface en libre

SHETRAN

bassin versant hétérogène, transfert de sédiments et polluants

bilan hydrologique, transport de

substances (dissous - particulaire) distribué cellule - 3-D libre

WEPP

bassin versant agricole, transfert de sédiments, érosion

bilan hydrologique, transport de

sédiments distribué sections de cours d'eau libre

Tableau 1-6 : les principaux modèles de bassins versants : domaines d’applications, processus modélisés et typologie (voir paragraphe suivant pour explications).

3.2.2 Typologie des modèles de transferts

Nous retiendrons une classification classique basée sur celle de Singh (1995), suivant la représentation des processus et selon une approche spatio-temporelle. La distinction est faite entre :

- la représentation des processus : modèles empiriques, modèles

conceptuels et modèles physiques,

- la représentation dans l’espace : modèles globaux, modèles

semi-distribués et modèles semi-distribués,

- la représentation dans le temps : modèle événementiels et modèles à pas

de temps continus.

Dans le cas des modèles empiriques, les équations mathématiques représentent directement des relations statistiques entre les variables d’entrées du modèle et les sorties du modèle. Ce type de modèle qui ne tient pas compte du fonctionnement interne d’un système est théorisé par Norbert Wiener (1948 – Cybernetics, or Control and Communication in the Animal and the Machine- MIT Press. Cambridge) sous le nom de « black box ». Perrin (2000) souligne les limites de ces modèles dans le cas de suivi en continu de bassin versant alors qu’ils semblent mieux adaptés à la représentation de périodes de crues (modèle événementiel). Gnouma (2006) souligne également que ce type de modèle est généralement global et est conçu pour modéliser à l’échelle événementielle.

convolution, associées en hydrologie à des échanges entre des réservoirs interconnectés. Les procédures de calcul prennent la forme de réservoirs qui se remplissent et se vident plus ou moins rapidement et ces réservoirs assurent aussi bien la transformation de pluie en débit que stockage et déstockage de polluants (Rouquet, 2012). C’est le cas, entre autres, du modèle hydrologique NAM (Nielsen et al., 1973) ou des modèles GR développés par le CEMAGREF (actuel IRSTEA- Perrin et al., 2003 ; Mouelhi et al., 2006a ; Mouelhi et al., 2006b). Ces modèles sont généralement structurés en deux modules complémentaires : un module qui assure la transformation de la pluie en débit (qui intègre le bilan hydrologique) et un module qui assure le transfert (routage) de l’eau dans le réseau hydrographique (Rouquet, 2012). Certains auteurs (Wheater et al., 1993) ont reproché aux modèle conceptuels, le manque de représentativité de la complexité et de la variabilité des processus de génération des débits au sein des bassins versants, notamment souligné par Ambroise (1999) ou Gineste (1998). Ces modèles sont généralement globaux mais certains peuvent être semi-distribués (Beven and Kirkby, 1979 ; Ledoux, 1980). Dans ces cas les modèles sont discrétisés en sous bassins versant et une méthode de routage permet de transférer les flux modélisés vers l’exutoire (Ledoux, 1980). Sous une forme distribuée, ils peuvent donc notamment répondre à des problématiques des effets de changement d’occupation des sols et servent à tester des méthodes d’atténuation des flux ou de gestion des pratiques (Best Management Practices) concernant les pollutions diffuses agricoles (Nasr et al., 2007). Les développements actuels des systèmes d’acquisition et de traitement de la donnée et l’expérience acquise sur les modèles conceptuels montrent qu’ils garantissent une bonne représentation de la réalité, et peuvent répondre à un critère

opérationnel d’économie de la donnée (Jorgensen, 1986 ; Nasr et al., 2004 ; Nasr

et al., 2007).

Les modèles à base physique tentent de reproduire un comportement hydrologique à l’exutoire sur la base d’une approximation de la réalité physique du bassin versant, à partir d’équation différentielles partielles rendant compte des échanges de masse et d’énergie dans le temps et dans l’esapce. Ces modèles (appelés aussi mécanistes) se basent sur les lois de la mécanique, de la physique, rendant compte des phénomènes d’advection et de dispersion/diffusion. Lorsqu’ils considèrent des phénomènes chimiques (échanges) ou biologiques (mortalité, multiplication,…), on introduit des fonctions puits/source ou des phénomènes d’échange interphasique, dont la nature est souvent empirique, partant d’une très bonne connaissance du fonctionnement. Ces modèles sont distribués, considèrant des domaines maillés (Ambroise, 1999). En théorie, ce type de modèle est exempts de calage car tous les paramètres sont censés être quantifiables et peuvent être appliqués à des bassins versants non jaugés. La réalité est bien différente et encore actuellement ces modèles doivent être calibrés et calés, notamment sur les fonctions puits-source. Pour un modèle à base physique

comme MIKE SHE (Abbott et al., 1986), tout un pan de la littérature spécialisée est

dédiée à ces procédures de calibration du modèle (Xevi et al., 1997 ; Sahoo et al., 2006 ; Wang et al., 2012). Construit pour être beaucoup plus précis, ces modèles peuvent souffrir d’un nombre important de paramètres régissant les processus à l’échelle de la maille ou de l’unité spatiale considérée. Les données nécessaires à la construction du modèle sont généralement longues et délicates à acquérir surtout dans le cadre de contexte opérationnelle et technique. Ces modèles lourds à manier restent généralement dans le domaine de la recherche et on recherchera dans certains milieux des modèles dits parcimonieux, plus économes en données et variables d’entrée notamment pour l’application au calcul de flux de pollutions diffuses agricoles (Hahn, 2012).

PARTIE 2