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SURVENANCE ET STATUT MORAL
1.1
Définitions
L’analyse conceptuelle du statut moral que je propose repose sur l’articulation de quatre notions: propriétés, survenance, valeur et obligation. J’épargnerai au lecteur des considérations trop techniques qui n’affectent de toute façon pas l’usage que je ferai de la notion de statut moral. En particulier, je ne pourrai évoquer ici les nombreuses disputes axiologiques et métaphysiques qui entourent les notions de valeur et de survenance. Je m’en tiendrai, en particulier pour la seconde, à une définition standard. Bien entendu, d’autres interprétations et distinctions plus fines pourraient être introduites pour préciser le type de survenance la plus adaptée à une analyse du statut moral. En présumant, par exemple, que la survenance forte et individuelle est la plus adaptée, je présume aussi que c’est une analyse correcte des relations de survenance entre faits naturels et faits moraux. Une autre distinction importante que je ferai sans entrer dans les détails est celle entre propriétés intrinsèques et extrinsèques. Il est notablement difficile de définir les premières, leur rapport aux secondes et le rapport entre les unes et les autres d’une part et la valeur intrinsèque d’autre part. J’espère toutefois en partant d’éléments relativement peu disputés et accessibles parvenir à établir un lien convaincant entre elles.
1.1.1
I
NTRINSEQUE/
E
XTRINSEQUESuivant l’usage courant, et sans m’embarrasser de complications extérieures au sujet qui nous préoccupe, j’entendrai par intrinsèque toute propriété qu’une entité possède en elle-‐même, c’est-‐à-‐dire indépendamment de ses relations à elle-‐même ou au reste du monde. Et même si certaines propriétés des états mentaux sont en un sens extrinsèques, en vertu de leur relation intentionnelle au monde ou de
l’externalité de leur contenu sémantique, il sera plus souvent question des capacités ou propriétés psychologiques qui rendent possible ces états mentaux. Or les auteurs qui font de ces capacités ou propriétés les critères déterminants du statut moral d’un organisme les considèrent explicitement comme intrinsèques. Une propriété est donc intrinsèque quand elle pourrait être possédée par une entité de façon isolée ou quel que soit son « accompagnement » à l’exclusion des propriétés relationnelles qu’elle entretient avec elle-‐même. En termes plus exacts, les propriétés intrinsèques sont celles que deux doubles parfaits ont exactement en commun. P est intrinsèque si et seulement il n’existe aucun x et aucun y tels que si x et y sont des doubles, ils diffèrent quant à P. Et x et y sont des doubles si et seulement si ils possèdent exactement les mêmes propriétés intrinsèques de base (Langton et Lewis 198). Mais dans des environnements différents, des doubles peuvent avoir des propriétés extrinsèques différentes (Lewis 1983)8.
Il faut donc distinguer parmi les propriétés individuelles d’un individu, celles qui sont intrinsèques (physiques et psychologiques), ses relations, qui ne sont pas des propriétés, et ses propriétés extrinsèques, comme la propriété d’être plus grand
que, ou d’être le premier homme à avoir marché sur la lune, ou d’avoir battu le record du 100m, ou d’être dépendant des soins de ses parents ou d’être le membre
de l’espèce homo sapiens.
1.1.2
S
URVENANCE1.1.2.1 Définition, usage et distinctions
D’après l’interprétation classique, une classe de propriétés ou de prédicats B survient
sur une classe de propriétés ou prédicats A si et seulement si, nécessairement, si x et y sont indiscernables quant à leurs propriétés de classe A, alors ils sont indiscernables quant à leurs propriétés de classe B. En d’autres termes, pas de différence de B sans différence de A. La thèse de la survenance n’explique pas comment ni pourquoi la
relation qui a lieu entre A et B est telle qu’elle est, elle sert simplement à exprimer un rapport de co-‐variation nécessaire entre deux ordres, niveaux ou types de
8 Je laisse de côté la distinction entre « intrinsèque/extrinsèque » et « possédé
intrinsèquement/extrinsèquement ». Une propriété extrinsèque (être dans la même pièce que X ; être
propriétés ou prédicats dépendance une contrainte9. En un mot, les propriétés de niveau « inférieur » (propriétés dites de base) déterminent les propriétés de niveau « supérieur » (survenantes), qui en dépendent de façon stricte. Une fois les premières fixées, les secondes n’ont pas la liberté de varier dans ce monde. La relation peut être utilisée pour décrire les rapports entre propriétés physiques et mentales (le « problème corps-‐esprit »), esthétiques, biologiques, ou encore naturelles et morales.
L’idée de survenance aurait été utilisée pour la première fois en philosophie morale, par G. E. Moore (1960 [1922 : 261]) :
si une chose donnée possède quelque sorte de valeur intrinsèque à un certain degré, alors non seulement cette même chose doit-‐elle la posséder, en toutes circonstances, au même degré, mais aussi toute chose exactement comme elle doit, en toutes circonstances, la posséder exactement au même degré10.
C’est sous la plume de Richard Hare que le terme aurait été employé pour la première fois :
Prenons d’abord pour « bon » sa caractéristique qu’on a appelée sa survenance [supervenience]. Supposons que nous disions « Saint François était un homme bon. » Il est logiquement impossible de dire ceci et de soutenir en même temps qu’il aurait pu y avoir un autre homme placé dans exactement les mêmes circonstances que Saint François, et qui se comporterait d’exactement la même façon, mais qui diffèrerait de Saint François sous le seul aspect qu’il ne serait pas un homme bon. (Hare 1952 : 145) Hare ne pense pas qu’on puisse dériver les propriétés morales (axiologiques et prescriptives) de, ou les réduire à des propriétés naturelles ou descriptives. Il admet cependant qu’elles en dépendent en un sens tel que la « logique du langage moral » nous interdit de briser la relations qui lie certains ensembles de propriétés non morales à certains ensembles de propriétés morales : deux objets (personnes, actes, états de choses, caractères) ne peuvent être semblables sous tous les aspects naturels sans être semblables sous tous les aspects moraux. Donald Davidson (1970) fut ensuite le premier à l’utiliser pour décrire les rapports (anomaux) du mental et
9 On peut aussi parler de survenance des faits, des événements, des propositions, de phrases.
10 Moore est bien connu pour son non-‐naturalisme et avoir tenté de montrer que « bon » était une
propriété non naturelle, simple et indéfinissable. Mais cela ne signifie pas que les propriétés morales ne dépendent pas de propriétés non morales, y compris naturelles.
du physique. Depuis Hare et Davidson, la notion a connu une grande fortune en philosophie de l’esprit, en philosophie des sciences et en méta-‐éthique.
Avant de prendre quelques exemples, il convient de noter que le rapport de co-‐variation n’est pas un rapport de co-‐dépendance, qu’en d’autres termes la direction de dépendance est normalement considérée asymétrique : le physique ne dépend pas du mental, par exemple. Deux entités ou états physiquement indiscernables ne peuvent être mentalement discernables, mais deux états entités ou états mentaux peuvent être « réalisés de façon multiple » par différentes propriétés physiques, tout comme différentes fonctions biologiques peuvent être réalisées par des organes ou systèmes aux compositions et configurations physico-‐ chimiques différentes d’un individu à l’autre et d’une espèce à l’autre. La relation de survenance décrit ainsi le fait que les niveaux — ontologiques ou épistémologiques — supérieurs ne sont pas nécessairement réductibles ou sont nécessairement irréductibles aux niveaux inférieurs mais n’en sont pour autant pas indépendants. Elle permettrait ainsi d’éviter à la fois les dualismes métaphysiquement et scientifiquement suspects et les réductionnismes jugés improbables.
L’asymétrie de la relation fait que, si le statut moral survient sur les propriétés naturelles d’une entité, alors deux entités indiscernables en termes de leurs propriétés moralement pertinentes auront un même statut moral, mais que deux entités peuvent néanmoins avoir un même statut moral réalisés par des propriétés naturelles différentes. Différentes propriétés peuvent être suffisantes (sensibilité, raison, communauté) pour le statut moral et permettre à des êtres qui n’auraient pas l’une ou l’autre de néanmoins partager un même statut. L’égalité des droits moderne énonce précisément une telle relation : l’égalité de droit des hommes est multi-‐réalisable dans toutes les propriétés physiques et intellectuelles qu’ils peuvent incarner, tous les climats et les époques qui les voient naître. Une égalité de fait implique nécessairement une égalité de droit mais une égalité de droit n’implique pas une égalité de fait. Justifier l’inégalité morale implique de pouvoir trouver une inégalité naturelle. Si aucune inégalité naturelle entre hommes n’est pertinente, c’est-‐à-‐dire ne rentre dans ce qu’on appelle la base de survenance, alors l’égalité morale dépendra, par exemple, d’autres égalités naturelles (appartenance à l’espèce humaine, à la communauté humaine, par exemple). La question qui se posera pour nous, nous le verrons, est ce qui doit être compris dans la base de survenance,
jusqu’où s’étendent les propriétés naturelles sur lesquelles les propriétés morales surviennent. Le rapport de dépendance entre niveaux suppose en effet que la base n’est pas illimitée, sinon n’importe quoi surviendrait sur n’importe quoi, ou sur l’univers tout entier, et la relation de survenance perdrait sa fonction de clarification. La base doit être spécifiée ou restreinte de façon pertinente pour ne pas inclure toutes les propriétés physiques d’un individu, ni toutes ses propriétés relationnelles.
La définition ci-‐dessus définit la survenance faible puisqu’elle permet que dans d’autres mondes possibles les mêmes relations ne soient pas réalisées. La similarité de propriétés A et B entre entités indiscernables est une relation intra-‐monde selon la survenance faible. Dans d’autres mondes, y compris similaires au nôtre sous tous les aspects non moraux des individus, il est possible que les personnes possédant les mêmes propriétés soient toutes morales, ou qu’aucune ne le soit (Kim 1993 : 60), si les lois y sont différentes ou que les relations entre individus similaires sont distribuées autrement. C’est d’ailleurs pourquoi la survenance faible peut apparaître insatisfaisante en morale. Peut-‐être Hare se contentait-‐il de survenance faible. Elle nous suffirait pour juger de la valeur de différents objets dans notre monde de façon cohérente, c’est-‐à-‐dire d’évaluer de la même façon les objets similaires sous tous les aspects descriptifs : il faut traiter les cas semblables de façon semblable, mais appartenir à un autre monde n’est peut-‐être pas un aspect sous lequel deux objets sont descriptivement semblables. Pour Hare, la survenance garantit le principe d’universalisabilité des jugements moraux, un aspect logique de ces jugements essentiel pour Hare (Hare 1952; 1963; 1981 ; voir aussi Singer 2011b : ch. 1).
On pourrait cependant attendre de l’universalisation qu’elle couvre tous les mondes possibles, que si Hitler est moralement monstrueux dans notre monde, il l’est dans tout monde possible, ou plutôt que tout monde indiscernable du nôtre en termes descriptifs est nécessairement un monde dans lequel Hitler est un monstre. Un principe d’universalisabilité fort correspondrait alors à une survenance forte (Kim 1993 : 62). Alors que la survenance faible permet de rendre compte de la contrainte de cohérence des jugements moraux, la survenance forte permet de décrire la détermination stricte des faits moraux par les faits naturels. La relation de nécessité est ici renforcée pour étendre la similarité survenante à tous les mondes possibles, où par là on peut entendre nécessité logique, ou métaphysique, ou nomologique
(aussi appelée empirique ou naturelle)11. Il n’est pas nécessaire ici de préciser de quelle nécessité nous parlons, cela dépendra du type de survenance envisagé (ibid. : 66). Jaegwon Kim propose de renforcer la survenance faible en partant de la définition suivante. Soit A et B deux familles de propriétés closes par les opérations booléennes :
A survient faiblement sur B si et seulement si nécessairement pour toute propriété F dans A, si un objet x possède F, alors il existe une propriété G dans B telle que X possède G, et si tout y possède G il possède F. (Kim 1993 : 64)
Pour passer de la généralisation de la relation G-‐F au intra-‐monde à une généralisation inter-‐mondes, Kim introduit un opérateur modal supplémentaire :
A survient fortement sur B exactement quand [just in case], nécessairement, pour toute propriété x et chaque propriété F dans A, si x possède F, alors il y a une propriété G dans B telle que x possède G, et nécessairement si tout y possède G, il possède F. (ibid. : 65)
Ainsi, si Saint François est un homme bon, il doit y avoir une combinaison donnée de vertus d’honnêteté, de bienveillance (en les supposant, assez invraisemblablement il est vrai, purement descriptives) telle qu’il la possède et tout individu qui la possède
est nécessairement [must be] un homme bon. Il peut y avoir différentes
combinaisons qui rendent un homme bon, par exemple le courage et l’honnêteté de Socrate. Différentes bases de survenance, chacune suffisante, sont possibles pour une même propriété survenante. Notons enfin que la survenance forte implique la survenance faible, mais pas l’inverse, et que les deux relations de survenance sont transitives, réflexives et ni symétriques ni asymétriques, quoique « dans la plupart des cas qui nous intéressent, la survenance semble en fait asymétrique » (ibid. : 67).
1.1.2.2 Quelques exemples
Deux tableaux physiquement indiscernables possèdent nécessairement les mêmes propriétés esthétiques. Ce serait faire preuve de mauvaise foi ou d’incohérence que d’affirmer que l’un est beau et l’autre non. Evidemment, si l’on inclut dans les critères d’indiscernabilité une propriété extrinsèque, telle que la propriété d’être
unique, alors une copie parfaite n’aura pas les mêmes propriétés esthétiques que l’original. Elle sera peut-‐être aussi belle, mais n’aura pas la même valeur artistique. Par propriété physique, il ne faut pas nécessairement entendre intrinsèque.
Deux états mentaux de même type et de même contenu intentionnel (la croyance qu’il pleut ; l’image du coucher de soleil ; le désir de se baigner ; la douleur) peuvent activer différentes aires cérébrales et terminaisons nerveuses. Ils peuvent se réaliser de façons multiples dans différents systèmes cognitifs, chez différents individus ou chez un même individu à des moments ou dans des contextes différents. Mais deux cerveaux physiquement identiques, possédant la même histoire et situés dans des environnements identiques seront le support ou le corrélat d’états mentaux identiques.
Selon une interprétation convaincante proposée par exemple par Simon Blackburn (1984; 1993), la relation de survenance entre propriétés naturelles et morales est non seulement compatible avec l’anti-‐réalisme moral, elle constitue un défi pour réalisme, et sa fonction est simplement d’exprimer une contrainte de cohérence de la compétence morale, permettant simplement d’après nos fins pratiques de « moraliser » :
Si nous nous autorisions un système (shmoralisation) qui était comme la pratique évaluative ordinaire mais sujet à aucune contrainte de ce genre, cela nous
autoriserait alors à traiter des cas naturellement identiques de façons moralement
différentes. Cela pourrait être une bonne shmoralisation. Mais cela ne rendrait la
shmoralisation inapte à constituer le moindre guide à la prise de décision pratique
(Blackburn 1984 : 86)12.
12 Ce rôle de contrainte logique ou sémantique est défendu en particulier par les non-‐cognitivistes
comme Blackburn, qui est un « projectiviste quasi réaliste » ou Hare, quant à lui prescriptiviste. Néanmoins, un réaliste cognitiviste ne nierait pas que la relation de survenance désigne une telle contrainte. Au contraire, il aurait tendance la renforcer en une exigence épistémique de correspondance avec les faits, affirmant que, indépendamment de la fonction pratique du jugement à laquelle devraient se plier les jugements, il existe des faits moraux constituant les conditions de vérité de ces jugements, une relation désignée par la relation de survenance. Mais comme l’écrivent Terence Horgan et Mark Timmons (1992 : 233) : « il y a de nombreuses associations mutuellement incompatibles de phrases et prédicats non normatifs avec des phrases et prédicats normatifs, chacun desquels respecte pleinement la contrainte [de cohérence]. Et selon le réalisme moral, une seule de ces associations saisit les faits objectifs concernant les relations de survenance naturel/moral de ce monde. » Ce que les auteurs qualifient, dans les traces de J. L. Mackie (1977), de « fardeau explicatif » est effectivement beaucoup plus lourd pour le réaliste que pour le non-‐réaliste. Voir aussi Sharon Street (2006). La question de savoir si effectivement, et comment, les tels jugements moraux du réaliste accomplissent en outre leur fonction pratique est distincte mais notons
La survenance du moral sur le naturel s’exprime souvent en termes de mondes possibles. Imaginons un monde indiscernable du nôtre en termes de toutes ses propriétés naturelles. On ne peut pas affirmer que François est bon dans notre monde mais qu’il ne l’est pas dans l’autre monde. Affirmer que le fait de faire souffrir autrui sans nécessité et sans son consentement est mal, c’est affirmer quelque chose de vrai dans tous les mondes possibles similaires sous les aspects pertinents. S’il existe un monde où François est mauvais et où faire souffrir autrui sans nécessité et sans son consentement est bon, alors ou bien nous nous trompons, nous sommes incohérents ou insincères, ou bien nous n’avons pas identifié correctement les faits naturels qui déterminent les faits moraux.
1.2
Survenance et propriétés extrinsèques
Reprenons l’exemple du faux. Supposons que n’importe quel observateur ordinaire est incapable de discerner un tableau original d’une copie. Son jugement esthétique devrait être déterminé par ce qu’il voit. Mais évidemment ce qu’il voit est aussi affecté par ce qu’il sait ou les relations entre les éléments qu’il voit. Ainsi, si un expert vient confier à l’observateur que le tableau de gauche est en fait un faux, le jugement de l’observateur en sera probablement affecté. Mais il n’est même pas nécessaire qu’il sache lequel des deux tableaux est un faux. Face à deux exemplaires d’apparence identique, il pourra inférer que l’un des deux est probablement une copie et, sans savoir lequel, sera bien conduit à altérer son jugement concernant celui des deux qui se trouve être le faux. L’observateur dans ce cas n’affirmera pas que les deux tableaux ont les mêmes propriétés artistiques (en particulier l’originalité, la valeur historique ou symbolique) même s’il est incapable de les discerner. La propriété survenante est dans ce cas contexte-‐dépendante. Cet exemple montre qu’il est possible d’inclure dans la base de survenance des propriétés autres que celles que possèdent intrinsèquement les entités, et même que l’on peut attribuer des propriétés aux entités elles-‐mêmes en vertu de propriétés qui leur sont extrinsèques (unicité, contexte d’observation, jugement d’expert).
On parle de survenance locale ou régionale pour désigner le fait que les propriétés survenantes sont distribuées à la même échelle que les propriétés de base13, et de survenance globale pour désigner le fait que deux mondes possèdent toutes les mêmes propriétés survenantes s’ils possèdent les mêmes propriétés de base14. Par exemple, les états mentaux d’un individu peuvent survenir sur des états physiques au sens large (corporels, sociaux, causaux-‐historiques) qui ne sont pas tous internes à l’individu : ses souvenirs, les aspects de ses désirs, de ses images, de ses perceptions dépendent évidemment de l’état du monde extérieur, de son passé, de son environnement (voir Kim 1993 : 86-‐88 ; 181-‐183). C’est a fortiori vrai de nos actions, dont les raisons, la signification et le succès dépend d’institutions, de coutumes, de pratiques sociales. Ses croyances, ses souvenirs, ses sensations surviennent sur ses propriétés internes (typiquement, et grossièrement, cérébrales) et certaines propriétés externes. La douleur et les souvenirs d’une grenouille sur Terre sont vraisemblablement différents de la douleur et des souvenirs de sa réplique sur Terre jumelle, si ses relations causales-‐historiques et son environnement extérieur est différent. Les leçons de Hilary Putnam (1975) et Tyler