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CHAPITRE II : Marques d'altération thermique et oxydative de la MO

II.1.1 La notion du rang

II.1.1 La notion du rang

Les rangs des charbons analysés vont de celui de "High Volatile A Bituminous" à "Semi-Anthracite", soit des Ro comprises entre 0,8 et 2,15% et recouvrant donc un large domaine de la diagenèse thermique (Tab. AII.1). Comme nous le verrons ultérieurement, certains d'entre eux présentent un Tmax et une réflectance de la vitrinite qui fournissent des indications de rang contradictoires. Afin de tenter de comprendre les raisons d'un tel comportement, il paraît donc nécessaire de définir précisément ce qu'est la notion de rang, ainsi que les paramètres qui sont utilisés.

1) Définition

La conception idéale du rang a été décrite par Bertrand (1986) de la manière suivante (p.37) : "Il semble que la majorité des auteurs soit d'accord pour considérer que le rang

caractérise le stade thermique atteint par la matière organique (Tissot et Welte, 1978).

Cette définition "idéale" du rang suppose que son appréciation permette non seulement d'établir un classement diagénétique des matières organiques qui soit témoin de leur histoire thermique, mais aussi de rendre compte du taux et de la nature de leur transformation. Elle n'a donc que peu de sens pratique puisque, précisément, pour un même classement génétique, des types de matière organique différents peuvent avoir subi des transformations différentes".

Cependant, le rang peut être approché à partir de la mesure d'un ou de plusieurs paramètres de maturité classique de la MO. Néanmoins, ces paramètres ne sont pas valables tout au long de la gamme d'évolution diagénétique. Par exemple le Tmax de la pyrolyse RE62 permet de définir le rang des charbons pour des valeurs comprises entre 420 et 690°C, gamme de température pendant laquelle il peut se corréler avec le pouvoir réflecteur de la vitrinite (0,4<Ro<4,6%) (Lafargue et al., 1998). Par ailleurs, le Tmax semble se corréler aisément avec les teneurs en MV comprises entre 35 et 70%, teneurs pour lesquelles ce dernier n'est pas considéré comme un paramètre de rang habituel de la MO (Bostick et Daws, 1994). Enfin d'après les travaux de Teichmüller (1974), les teneurs en MV et la réflectance fournissent un rang identique tout au long de la diagenèse thermique, notamment entre des valeurs de Ro et de teneurs en MV allant de 0,5 à 4% et de 46 à 4%, respectivement.

Au total, un paramètre est dit de rang, si son évolution par rapport à la maturation de la MO, est fonction d'une cinétique simple. En d'autres termes, le paramètre choisi doit évoluer de façon monotone sous l'unique influence du couple température/temps. La gamme de rang étudiée autorisant la comparaison entre la réflectance et le Tmax (Bostick et Daws, 1994), nous utiliserons ces deux paramètres, et plus accessoirement les teneurs en MV.

2

Pour des appareils antérieurs au RE6 (e.g. le RE2), le Tmax et la réflectance se corrèlent pour des valeurs comprises entre 420 et 590°C et entre 0,4 et 3% respectivement (Bostick et Daws, 1994). Cette rectification provient simplement des limites de températures atteintes pendant la pyrolyse RE2 qui sont inférieures à celles du RE6 que nous utilisons.

2) Le pouvoir Réflecteur de la vitrinite (noté Ro, exprimé en %) et structure des

charbons

De par la reproductibilité des mesures et sa fiabilité, la réflectance est l'un des paramètres d'évaluation de maturité de la MO les plus anciennement utilisés (Teichmüller, 1958; Alpern, 1967). Les principes de sa mesure sont présentés dans l'annexe III.1.1.

Plus particulièrement, ce sont, d'une part, la normalisation de la mesure par les pétrographes du charbon (ICCP) et d'autre part, les caractères intrinsèques du groupe macéral de la vitrinite qui contribuent à la fiabilité des mesures effectuées. Pour ce dernier facteur et lors d'une augmentation du rang, les vitrinites, notamment les télocollinites, se caractérisent par une évolution monotone de leur réflectance sous une lumière naturelle réfléchie (Murchison et al., 1985).

Bien que l'on puisse considérer que les Unités Structurales de Base (USB) des MO immatures (Ro<0,5%) possèdent une orientation statistique qui correspond au plan du dépôt de la particule, c'est à dire liée à des processus d'anisotropie d'écoulement (Rouzaud, 1984), la majorité des auteurs considère que ces USB sont disposées au hasard au sein de la matrice carbonée (Robert, 1985; Bertrand et Pradier, 1993). Pour un degré de maturité plus élevé, le départ des hydrocarbures conduit à une augmentation relative du nombre d'unités polyaromatiques. Puis, les USB s'organisent progressivement, se parallélisent et forment des domaines d'orientation moléculaire locale dont la taille dépend de la nature du précurseur organique. Le matériau acquière alors une texture en papier froissé et microporeuse dont chaque paroi de pores correspond à une direction d'orientation moléculaire (Fig. II.1). Dans un diagramme de Van Krevelen (Fig.AII.3), ce stade est acquis lors de la chute du rapport H/C (O/C évoluant peu), soit à des Ro proches de 1,8% ce qui correspond donc au rang de" Low Volatile Bituminous coal" (Rouzaud, 1984).

Figure II.1 : modèle de la microtexture d'un carbonisat (similaire à un paquet de feuilles de papier froissé) montrant la porosité et l'étendue de l'orientation moléculaire (OM),

Avec l'accroissement du rang, se développe un aplatissement progressif des pores du charbon qui entraîne une orientation moléculaire parallèle au plan d'aplatissement. Ce processus est d'autant plus important que les contraintes tectoniques et lithostatiques sont fortes (Rouzaud, 1984). Enfin, c'est cette parallélisation qui entraîne une forte anisotropie optique de la vitrinite (Rouzaud, 1984; Murchison et al., 1985). L'importance de celle-ci peut être évaluée à partir de la mesure de la biréflectance1.

Au total, pour un Ro>1%, il existe une faible biréflectance qui est attribuable au caractère visquo-élastique du charbon alors qu'au dessus de 1,8-2%, se développe une forte biréflectance d'origine texturale. Les résultats de Rouzaud sont de plus conforme avec ceux de Robert (1985), qui, en s'appuyant sur les consignes des Charbonnages de France, observe une biréflectance dès 1,5% mais suggère de la mesurer systématiquement pour des charbons dont le Ro > 2%.

Selon Rouzaud (1984), la valeur de Ro dépend fortement de la composition élémentaire du précurseur et, comme nous venons de le voir, de la microtexture du charbon. C'est également à partir de ce facteur compositionnel que Burnham et Sweeney (1989) ont établi un modèle cinétique de la réflectance de la vitrinite (nous reviendrons ultérieurement sur ce modèle). Plus particulièrement, Rouzaud (1984) suggère une corrélation entre la réflectance et le rapport atomique H/C si et seulement si on se réfère à des charbons issus d'une même lignée, i.e. le même précurseur végétal, mais aussi si le précurseur est initialement riche en hydrogène. A contrario, la réflectance se corrèle avec le rapport O/C si le précurseur est oxygéné. En revanche, au-delà d'une valeur de Ro >1,8%, la réflectance n'est cohérente qu'avec le rapport H/C, quelle que soit la nature du précurseur végétal.

3) Le T

max

(pyrolyse Rock-Eval, exprimé en °C)

Il se définit comme la température de pyrolyse à laquelle se libère la quantité maximale de composés hydrocarbonés durant le craquage thermique du kérogène et selon une programmation linéaire de température (soit le sommet du pic S2, chapitre III.3.1). L'accroissement de ce paramètre s'explique par une thermostabilité croissante des liaisons chimiques résiduelles de la MO lors de son évolution et implique donc la mise en jeux d'Energie d'activation (Ea) de plus en plus forte au cours de la pyrolyse (Espitalié et al., 1985).

Pour les charbons humiques dérivés des végétaux supérieurs, pauvres en composés hydrocarbonés aliphatiques mais riches en entités aromatiques (type III, Fig. AII.2), la grande hétérogénéité des structures implique une large gamme d'Ea des liaisons susceptibles de craquer et donc une large gamme de Tmax (Fig. II.2, Espitalié et al., 1985).

Enfin, il est à noter que pour des MO dispersées au sein d'une fraction minérale, un effet de "matrice minérale" est susceptible d'entraîner une surévaluation des valeurs de Tmax. Ainsi une matrice argileuse riche en illites, accroît le Tmax de 10 à 12°C quel que soit le degré de maturité des échantillons (Espitalié et al., 1985).

1

Elle est mesurée en lumière polarisée avec une platine circulaire et calculée selon la formule (2Rmax+Rmin)/3. Ces deux réflectances, maximale et minimale, sont attribuables à l'anisotropie du charbon qui est considéré comme un solide uniaxe négatif dont l'axe principale est perpendiculaire à la stratification.

Figure II.2 : évolution des matières organiques de type I, II et III dans un diagramme IH -Tmax (empruntée à Espitalié et al., 1985)