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CHAPITRE II : Marques d'altération thermique et oxydative de la MO

II.1.3. Les éléments traces dans les charbons

II.1.3. Les éléments traces dans les charbons

En premier lieu, nous rappellerons abord quelques règles à caractère général énoncées par Swaine (1990) et Swaine et Goodarzi (1995) qui concernent la distribution des traces dans un échantillon de charbon, suivi par l'établissement d'une classification non exhaustive des modes d'occurrence des éléments traces dans les charbons. Enfin, nous abordons finalement l'incidence que peuvent avoir des processus superficiels comme l'altération supergène, sur la présence et la concentration de certains éléments.

1) Notions de base (Swaine; 1990; Swaine et Goodarzi, 1995)

Il semble qu'il y ait trois modes et/ou stades d'enrichissement de la MO en éléments traces (ET) (Goldschmidt, 1935), (1) pendant la croissance des plantes, (2) pendant les processus de tourbification (diagenèse précoce) et (3) durant les épisodes de minéralisation, autrement dit durant la diagenèse sensu lato. Durant le premier stade, la nature et l'enrichissement des ET sont fonction d'une part de l'environnement dans lequel la plante se développe, et d'autre part de sa tolérance pour cet ET. Pour les deux premiers stades, on parlera d'ET hérités et pour le dernier d'ET secondaires. Chaque élément analysé dans un échantillon peut se retrouver associé à la MO mais également à la fraction minérale (MM), ce qui peut s'exprimer de la manière suivante :

[ET]TOTAL = [ET]ORGANIQUE + [ET]INORGANIQUE (1)

En fait, il est difficile de connaître les parts respectives de l'élément considéré associé à la MO et à la fraction minérale. En effet, même si la MO est considérée comme pure (i.e. avec un faible taux de cendres) elle peut renfermer des micro-inclusions minérales dont la taille varie entre 0,1 et 1µm et qui ne peuvent être révélées que par une analyse au MEB. En outre, les deux termes de la relation (1) sont fonction de facteurs divers, dont la nature de l'élément, son comportement vis à vis de la MO et plus encore, la nature de la MM ainsi que de sa teneur.

Il existe aussi divers modes d'association à la MO, notamment par complexation (e.g. métallo-porphyrines) ou adsorption (e.g. cas du chlore). En ce qui concerne la complexation, ce processus met fréquemment en jeu des groupes fonctionnels thermiquement instables tels que COOH, OH, SH et NH. Ainsi, ce sont les acides humiques et plus encore les acides fulviques, riches en groupes fonctionnels hétéroatomiques - notamment oxygénés, qui ont le pouvoir de complexation le plus important. La disparition progressive de ces groupes réactifs avec l'augmentation du degré de maturité du charbon doit concurremment provoquer une diminution de la fraction [ET]ORG. de l'équation (1). En outre, la répartition des ET dans les charbons semble également liée à leur composition macéral. Il semblerait notamment que les vitrinites soient particulièrement riches en ET, tant sur le plan qualitatif que quantitatif.

Parallèlement, on doit donc aussi observer une augmentation de la teneur [ET]INORG., appréciée par sa relation avec le taux de cendres du charbon. Autrement dit, pour des charbons de haut rang, dont la teneur en Corg est supérieure à 90% (Van Krevelen, 1981), la totalité des ET doit être liée avec la MM, sauf ceux éventuellement liés par des liaisons assez résistantes, comme les ponts sulfures, voire les ponts ET-C (cas du Germanium).

Enfin, l'évolution générale de ces ET avec l'accroissement de la maturité de la MO ne reste valable que si aucun événement tardif, tel que des circulations de fluides, ne vient altérer la MO et interrompre le cours normal de son évolution diagénétique. En effet, il est bien connu que la MO et notamment les charbons, sont à même de concentrer les éléments traces selon des processus d'oxydo-réduction, de complexation et d'adsorption (Disnar et Sureau, 1990).

2) Distribution des éléments majeurs (EM)

Leur teneur, indépendante du rang des charbons, reflète la variations de la fraction minérale. Par exemple Si et Al sont bien évidemment incorporés dans les silicates, Ca et Mg dans les carbonates et Fe dans des sulfures, voire des oxy-hydroxydes. Certains minéraux

accessoires comme les phosphates et certaines argiles comme les illites peuvent également influencer la distribution des EM (Spears et Zheng, 1999).

3) Facteurs intervenant sur la nature et la teneur des ET

Dans un charbon, la nature et l'occurrence des ET hérités sont gouvernées par de nombreux facteurs tels que : le climat, les environnements de dépôts, la nature des roches du bassin versant, le contexte tectonique, les conditions hydrologiques, le rang des charbons.

Par exemple pour le chlore, sa teneur est d'abord fonction de la présence de dépôts salifères, puis, en cas d'absence de tels dépôts, de la chimie des eaux circulant dans le bassin. Ainsi, à l'instar de cet exemple, le mode ou les modes d'occurrence de chaque ET hérité, notamment organophile, peuvent fournir des informations non négligeables sur les paléoenvironnements de dépôt de la MO.

Pour les ET secondaires, dont l'enrichissement se produit plus tardivement durant la dégradation thermique de la MO, les facteurs importants peuvent être : la nature des roches du bassin versant auxquels les fluides qui circulent dans le bassin doivent leur minéralisation, le contexte tectonique, les conditions hydrologiques, les intrusions d'origine magmatique, le rang des charbons.

4) Affinités des éléments traces

Nous présentons ci-après une compilation des modes d'occurrence des différents ET, réalisée à partir d'une liste non exhaustive de travaux antérieurs. Nous avons notamment mis l'accent sur les éléments traces détectées à partir de l'analyse PIXE (Particle Induced X ray Electron; III.4.4).

éléments organophiles chalcophiles lithophiles minéraux porteurs et références autres que 1 et 2

F f F fluorite, fluoroapatite, argile

P f F argiles phosphate

Cl F (adsorption) f halogénures

Ti f F oxydes (rutile anatase), illites3,11,kaol12

V F (complexation,

porphyrine) F illites4,11,xenotime

Cr f F illite4,11, chromite

Mn f (porphyrine,

COO-) F F carbonates3, illites3, pyrite5, pyrite framb5

Co f F f pyrite5,11, argiles10,11

Ni f F f pyrite6,11,argile, calcite10

Cu f (adsorption AH,

porphyrine) F f (pyrite, chalcopyrite, argiles)3,11

Zn f (COO-) F f blende3,5,11, carbonate5,10, argile5

Ga f(porphyrine, OH,

COO-,) F F pyrite, marcasite, (As)pyrite,argile

3,11 colloïde7 Ge F3,4(OH, C, complexation, adsorption)

As f (O) F (As)pyrite3,5,6,11

Br F3,6 (adsorption) f kaolinite10

Rb F argile4,10,11, feldspath5

Sr f6 F (argile, feldspath carbonate10, sulfate)5

Y f (complexe) F argile4,12, xénotime5

Zr F zircon5, oxyde, argiles11,12

Nb F oxydes, argiles4,11

Mo f F pyrite4

Sb f F pyrite4,5,11

Ba f4(COO-) F barytine, quartz10

La F xénotime, argiles10

Ce F xénotime, argiles

Nd F xénotime, argiles12

W f(pontage) F argiles5,10, carbonates

Au F F colloïdes

7,8,(sulfates,argile,sulfures,carbon ates)8,

Pt F colloïdes7

Pb f? F f galène5,pyrite5,orthose5

Th f F monazite

9

, zircon, argile5,9,10,11, oxyde Fe, quartz10,11, pyrite12

U F(complexation,

pontage) f F argiles

10

, phosphates, zircon, carbonates, pyrite5

Tableau II.1 : mode d'occurrence des éléments traces détectés au PIXE (f : rarement rencontre; F : fréquemment rencontré)

(1: Swaine, 1990; 2 : Swaine et Goodarzi, 1995; 3 : Huggins et Huffman, 1996; 4 : Spears et Zheng, 1999; 5 : Deer et al., 1966; 6 : Graham et Robertson, 1995; 7 : Chyi, 1982; 8 : Gayers et Rickard, 1994; 9 : Zielinski et

Finkelman, 1997; 10 : Palmer et Lyons, 1996; 11 : Alastuey et al., 2001; 12 : Ward et al., 1996)

L'examen du tableau II.1 confirme la large distribution de certains éléments, liée à leur incorporation dans diverses familles de minéraux. Peu d'ET possèdent une affinité organophile avérée (éléments en gris clair) comme le chlore et le brome mais aussi le bore qui n'est pas mentionné. D'autres éléments (en gris foncé) comme V, Ge et U, sont fréquemment associés à la MO mais peuvent aussi se rencontrer dans certains minéraux. Comme nous l'avons mentionné auparavant, de toute évidence de telles association avec la MO ne sont valables que si la MO analysée est caractérisée par un faible rang (lignite, Sub-bituminous coal). Toutefois, une exception peut être faite pour le germanium qui a la propriété de se fixer par pontage avec le carbone et par conséquent, peut être encore associé à une MO mature comme c'est le cas pour les anthracites de la Mûre dans les Alpes françaises(Becq-Giraudon, com. pers.).

5) Comportements des ET lors de processus supergènes et intrusifs (Goodarzi

dans Swaine et Goodarzi, 1995)

On parle d'altération supergène ("weathering" en anglais) si et seulement si ce processus se déroule pendant plusieurs années à des températures inférieures ou égales à 30°C. Ce processus peut se produire durant deux périodes essentielles après la mort des végétaux:

Si l'altération supergène a lieu pendant la diagenèse précoce, elle provoque, par comparaison à une MO non altérée, une augmentation de la teneur en cendres, c'est à dire une augmentation de la proportion de MM.

Selon un concept plus classique, l'altération supergène affecte des charbons exhumés et induit : (1) une disparition des sulfures au profit des sulfates tels que la bassanite (CaSO4, H2O), (2) une perte des ET organophiles (Cl, Br, B) et, (3) proportionnellement à une augmentation des ET associés à la MM. Les résultats 2 et 3 découlent d'une augmentation relative de la teneur en cendres du charbon altéré faisant suite à la mobilisation et au lessivage d'une part importante du Corg. (e.g. 60%; Petsch et al., 2001). Ainsi les variations des teneurs des ET organophiles doivent permettre d'apprécier les progrès de l'altération supergène. On ne peut cependant pas totalement exclure que les fluides de basse température, responsables de l'altération de la MO, puissent exceptionnellement être riches en ET, ce qui pourrait a

contrario, entraîner un enrichissement progressif de la MO en ces éléments qui dépendra, de

la géochimie des eaux.

La matière organique affectée par une intrusion magmatique, ou plus généralement par un corps chaud, se caractérise par une distribution complexe de sa teneur en ET qui varie selon : la géochimie du corps intrusif, la distance [MO-intrusion] et la nature de la MO (porosité, rang, composition chimique de départ, teneur en éléments traces de départ).

Néanmoins, il possible de dégager les tendances générales suivantes: les éléments associés à la MO voient leur teneur diminuer corrélativement à la diminution de la distance [MO-intrusion] et inversement pour les éléments associés à la matière minérale. Il y a donc un flux intense d'éléments qui voyagent avec les fluides issus du corps intrusif et qui profitent de la porosité de l'encaissant et de la MO et vice versa. Cette imprégnation de fluides riches en ET implique d'une part la genèse de minéralisations au sein de la MO, dont la nature est fonction de la géochimie du fluide, et d'autre part l'action de processus d'oxydo-réduction et de complexation entre certains ET secondaires et la MO. La diminution des ET organophiles hérités peut s'expliquer par le fait que la température élevée du corps chaud provoque une pyrolyse naturelle qui abouti à une maturation rapide de la MO, et donc une libération des ET organophiles.

Au total, trois modes d'incorporation gouvernent l'enrichissement des ET. Ils se succèdent depuis l'existence de la plante et jusqu'au terme de l'évolution diagénétique qui affecte les charbons tout au long de leur histoire géologique.

La majorité des ET bénéficie d'une double affinité, tant organique que minérale dont les teneurs peuvent être appréciées par la relation 1. Les diverses études réalisées sur les ET dans les charbons montrent clairement qu'il est très difficile de discriminer la part d'un ET associée à la MO de celle associée à la matrice minérale (i.e. les deux termes de la relation 1), notamment grâce à des méthodes indirectes telles que la détermination des minéraux par la DRX. Comme nous le verrons dans le chapitre IV, la méthode PIXE, plus directe, permet de définir la teneur des éléments traces soit dans les macéraux, soit dans la MM.

En théorie, la teneur des ET organophiles devrait être inversement proportionnelle à l'accroissement du rang. Toutefois, Ge lié à la MO par des ponts C-Ge, peut être encore d'affinité organophile même pour des rangs très élevés. Néanmoins il n'est pas exclu d'envisager la possibilité d'incorporation d'ET secondaires au sein de la MO, durant la diagenèse s.l..

Les événements tardifs qui affectent la MO impliquent de nombreuses modifications de l'occurrence et de la nature des ET associés à la MO altérée. L'action de l'altération supergène provoque, a priori, une chute des teneurs des ET organophiles au profit de celles des ET liées

à la MM. Dans le cas d'un processus d'altération impliquant un corps chaud, les échanges d'ET sont beaucoup plus complexes et dépendent fortement de la nature de ce corps ainsi que le rang atteint par le charbon au moment où se produit cette intrusion. Il semble que les ET organophiles soient libérés et que la MO s'enrichit ou s'appauvrit en ET hérités liées à la MM et s'enrichit en ET secondaires, dont la nature dépend notamment de la géochimie du corps intrusif.