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Notion de bruit ambiant

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 24-31)

1.1 Nature et propagation des sons dans le milieu océanique

1.1.2 Notion de bruit ambiant

Mesure du niveau de son

Le niveau de son dans les océans est exprimé en décibel (dB), défini comme le rapport du logarithme de deux puissances P1 etP2, multiplié par dix :

SP L(dB) = 10 logP1 P2

(1.4)

En termes de pression acoustique, puisque la pression pi est proportionnelle à son carré p2i, on exprime le niveau de son par :

SP L(dB) = 20 logp1

p2 (1.5)

Le niveau de son absolu, exprimé en pression acoustique sera alors :

SP L(dB) = 20 log p pref

(1.6)

avec pref = 1µP a. Le niveau de pression du son est ici défini par le rapport quadratique de la pression et de la pression de référence. Si les mesures sont effectuées dans l’air on utilisera ainsi dB re 20 µP a2 et dB re 1µP a2 si elles le sont dans l’eau. Dans cette étude, toutes les mesures sont effectuées dans l’eau. On simplifiera ici l’écriture en exprimant le niveau de son en dB, sous-entendu dB re 1 µP a2.

L’océan est loin d’être un monde de silence, tel que la culture populaire aime à le présenter. De nombreux phénomènes produisent continuellement des sons d’intensité va-riable, du plancher à la surface océanique. On définit ainsi le bruit ambiant océanique comme la contribution de tous les sons se propageant dans la colonne d’eau (Kibblewhite and Jones, 1976). Tremblements de terre, cris de baleines, vagues ou encore les moteurs de navires sont autant de phénomènes physiques participant à façonner le paysage sonore et correspondant chacun à des gammes de fréquence particulières (figure 1.3). On se propose ici de présenter, de manière non exhaustive, les différents sources de sons, naturelles et anthropiques, rencontrées dans les océans.

Sons d’origine naturelle

Les sources d’origines naturelles sont en général dominantes aux fréquences < 300 Hz, et sont variables au cours de l’année mais aussi de la position géographique. Parmi elles, se distinguent les sources d’origine biologique des sources non biologiques.

Sources biologiques :

mammifères marins Les mammifères marins et en particulier les baleines, font usage du son sous forme de cris ou vocalises pour communiquer et se déplacer.

crustacés, poissons Certains crustacés et notamment des crevettes (e.g. Alpheus heterochaelisi, Versluis et al. 2000) produisent du bruit par le claquement de leur pince. Ces claquements, censés éloigner les prédateurs, peuvent atteindre des niveaux élevés quand ils sont nombreux (jusqu’à 30000 claquements par seconde).

Figure 1.3 – Spectre de puissance du bruit ambiant océanique, ou courbes de Wenz (d’après Miksis-Olds et al. 2013 et adapté de Wenz 1962).

Figure 1.4 – Spectrogrammes typiques de quatre espèces de baleines, présentes dans l’océan Indien austral.

Sources environnementales :

cryoséisme Un cryoséisme (icequake) est un tremblement de glace, par analogie avec un tremblement de terre. Un cryoséisme est généré par un mouvement de glace et n’est donc pas d’origine tectonique. Les déplacements du sol suite à un séisme pourraient en revanche être à l’origine de cryoséisme.

iceberg À l’approche de l’été austral et avec l’augmentation des températures, le front de glace qui entoure le continent antarctique se délite pour former des ice-bergs. À la dérive, ceux-ci peuvent rentrer en collision et parcourir des centaines de kilomètre en remontant vers les latitudes sub-polaires. Les changements des tempé-rature et de pression qu’ils subissent, leur lente désintégration mais aussi les chocs entre eux génèrent des sons de forte amplitude, parfois de longue durée (ex. 30 mi-nutes) et sur une large bande de fréquences pouvant atteindre 400 Hz (Dziak et al., 2013).

état de mer L’état de mer participe au bruit ambiant aux très basses fréquences (< 2 Hz).

météorologie Le vent, les tempêtes mais aussi la pluie provoquent des bruits de

niveau élevé, à des fréquences supérieures à 100 Hz.

géologie Les séismes sous-marins générés aux dorsales océaniques produisent des ondes acoustiques, les ondes T, qui se propagent sur de très longues distances dans la colonne d’eau. Ces ondes ne présentent pas de danger par les populations côtières et leur analyse a montré un réel intérêt dans la compréhension des modes d’accrétion de la croûte océanique. Les ondes T ont une fréquence de 2 à 30 Hz environ, et leur niveau sonore peut atteindre plus de 200 dB.

Sons d’origine anthropique

Les sons d’origine anthropique sont de plus en plus dominants aux fréquences basses et intermédiaires du spectre et sont largement présents entre 10 Hz et 300 Hz. La navigation est la principale source de bruit, que ce soit du fait du trafic maritime, de l’exploitation des fonds marins ou de l’aménagement portuaire.

activité industrielle L’exploration et l’exploitation de ressources minières et pé-trolières génèrent du bruit à cause des tirs sismiques (canons à air), de l’activité des plateformes, des forages ou explosions. . . . Ces bruits sont particulièrement présents dans le golfe du Mexique, le long des côtes californienne ou brésilienne ou encore en mer du Nord.

navigation Cargos, superpétroliers, paquebots émettent des sons, générés par les moteurs, les hélices ou encore les génératrices. Ces sons, émis entre 20 Hz et 300 Hz peuvent atteindre de niveaux élevés. Un cargo de 173 m de long, naviguant à une vitesse de 16 noeuds émet ainsi un son d’une puissance de 192 dB (Hildebrand, 2009). Pour comparaison, l’oreille humaine peut supporter des sons jusqu’à 160 dB.

activité militaire Les sonars militaires, une autre source de son assez puissante, émettent des ondes haute fréquence (10 kHz) sur des milliers de km.

Enjeux sociétaux et environnementaux

L’évaluation des niveaux de bruit associés aux différentes activités humaines dans l’océan est actuellement un sujet de débat qui touche différents domaines des sciences. En effet, la notion de pollution sonore, telle qu’on la connaît pour les espaces urbanisés par exemple, est de plus en plus présente dans les débats de société. Les océans Atlantique et Pacifique, en particulier, ont fait l’objet d’études approfondies afin de déterminer le niveau de bruit ambiant ainsi que les différents bruiteurs (Andrew et al., 2002, Hildebrand, 2009, Wenz, 1962). On observe une bonne corrélation entre l’augmentation du niveau sonore océanique et celle du trafic maritime durant ces 40 dernières années, suggérant ainsi que les bruits d’origine anthropique participent de manière significative au spectre de puissance (Hildebrand, 2009). Si cette croissance touche principalement les océans Nord Atlantique et Nord Pacifique (échanges Amérique du Nord-Europe-Asie), l’océan Indien n’en est pas exempté et connaît la plus forte augmentation du trafic depuis 10 ans (Tournadre, 2014).

L’impact sur le milieu marin de cette activité est encore méconnu, mais des études de plus en plus nombreuses tendent à relier activités anthropiques et bioacoustiques (figure 1.5).

Parallèlement à ces études, le recensement et l’étude du comportement des cétacés suscitent un intérêt plus grand, notamment dans un objectif de préservation d’espèces en danger. L’estimation des populations des différentes espèces de baleine, depuis l’in-terdiction de la chasse dans les années 1970, reste encore très difficile. On estime par exemple que les baleine bleues antarctiques ont été exterminées à 99% depuis le début de la chasse à la baleine au début du 20e siècle. L’acoustique, par la détection de leurs vocalises, s’avère une approche plus efficace que les observations directes pour approfondir nos connaissances sur leurs habitudes migratoires et reproductives, notamment dans les régions océaniques éloignées et difficiles d’accès. Les études sur le long terme montrent par ailleurs une diminution quasi-annuelle de la fréquence des vocalises de certaines es-pèces de baleines à différents endroits du globe, dont la raison n’est encore pas élucidée.

La cause des échouages massifs de cétacés est aussi un objet de débat : comportement

Figure 1.5 – Seuil d’audibilité des poissons et mammifères marins et domaine d’émission des bruits anthropogéniques. Adapté de Slabbekoorn et al. (2010).

social solidaire autour d’un individu blessé ou égaré, fuite de prédateurs ou de conditions climatiques extrêmes, ou encore désorientation collective résultant de lésions auditives sévères causées par les sonars (figure 1.5). L’activité anthropique est souvent au cœur de ces problématiques et l’acoustique passive est sans doute l’une des approches les plus adaptées pour tenter d’avancer dans nos connaissances des mammifères marins.

Les interactions entre les différentes sources de sons dans les océans sont complexes et encore mal élucidées, les sources de bruit étant elles-mêmes mal comprises. Aux basses fréquences du spectre (< 10 Hz), la sismicité générée par les dorsales océaniques est la principale source de son et fait l’objet de la suite de ce travail.

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