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Dorsales à taux d’expansion ultra-lent

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 91-100)

2.3 Hydroacoustique et sismicité des dorsales

2.3.4 Dorsales à taux d’expansion ultra-lent

Morphologie et caractéristiques majeures

En dessous d’un taux d’expansion de 20 mm/an, les dorsales sont considérées comme ultra-lentes (Grindlay et al., 1998). C’est le cas des dorsales Sud-Ouest Indienne (14 mm/an) et Arctique (de 6 à 12 mm/an)1. À ces taux, le manteau sous-jacent est plus

1. En réalité, les dorsales Gakkel et Sud-ouest Indienne diffèrent tout de même par leur fonctionnement.

Ainsi, Dick et al. (2003) proposent que seule la dorsale Gakkel puisse réellement être qualifiée d’ultra-lente, tandis que les taux d’expansion compris entre 12 mm/a et 20 mm/an représentent le stade intermédiaire entre lent et ultra-lent. Cependant, la sismicité enregistrée par les hydrophones et les réseaux sismologiques est représentative de processus à grande échelle (taille typique d’un segment au minimum) et de longue durée. On considère donc la dorsale Sud-Ouest comme ultra-lente.

Figure 2.14 – Télésismicité depuis 1964 et mécanismes de rupture depuis 1976 le long de la dorsale Centrale Indienne du point triple de Rodrigues à 20°S. Les éotiles jaunes représente les sites hydrothermaux d’après la base de données InterRidge (Beaulieu, 2010)

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Figure 2.15 – Distribution de la télésismicité le long de la dorsale Centrale Indienne de 1964 à 2012.

froid et la quantité de magma nourrissant la croûte chute de manière drastique (Morgan and Chen, 1993, Reid and Jackson, 1981). Il en résulte également des modifications de la composition du manteau, de sa structure thermique, de l’épaisseur de la croûte, de la lithosphère ainsi que de la morphologie de la dorsale. Ainsi, sous les dorsales ultra-lentes, on trouve généralement un manteau plus froid et une lithosphère épaisse et parfois une croûte océanique anormalement fine, puisque les apports en magma y sont réduits. Des segments volcaniques plus robustes associés à des anomalies de gravité de Bouguer néga-tives entrecoupent ces régions (Mendel et al., 1997, Michael et al., 2003). Cannat et al.

(1999) proposent que ces édifices volcaniques massifs reflètent la manière dont la topogra-phie est créée le long des dorsales de ce type : les apports en magma sont concentrés sur quelques segments seulement, éloignés les uns des autres, où l’excès de matériel volcanique permet la construction d’une croûte épaisse par éruption directe à la surface. On retrouve la trace d’épisodes de ce type dans la sismicité enregistrée par des réseaux globaux et locaux (Läderach et al., 2012, Schlindwein, 2012, Schlindwein et al., 2005).

Une des particularités des dorsales ultra-lentes est l’abondance de grandes surfaces de plancher océanique amagmatique (Dick et al., 2003), qui remettent en question les mo-dèles de croûte classiques. La croûte volcanique y est anormalement fine et pratiquement dépourvue, par endroit, de matériau plutonique (seismic layer 3) (Minshull and White, 1996). Outre des terrains exhumés par des failles de détachement, comme celles des dor-sales lentes, un autre type de plancher, qualifié de plancher lisse (smooth seafloor), est identifié le long des dorsales ultra-lentes, sans équivalent le long de dorsales plus rapides (Cannat et al., 2006). Ce type de plancher serait constitué de roches du manteau, exhu-mées le long de failles de détachement très peu pentues dans la vallée axiale, rapidement serpentinisées et formant des reliefs lisses et homogènes, parallèlement à l’axe, en s’éloi-gnant (Dick et al., 2003, Sauter et al., 2013). Ce phénomène d’exhumation du manteau semble continu et de polarité variable, résultant en une accrétion océanique finalement symétrique sur le long terme (Sauter et al., 2013).

Sismicité des dorsales ultra-lentes

Au premier ordre, il existe une relation entre taux d’expansion des dorsales et taux de sismicité Bohnenstiehl and Dziak (2008). Les segments de la dorsale Est-Pacifique sont quasiment asismiques tandis que ceux de la dorsale Médio-Atlantique produisent des séismes aussi bien dans la vallée que le long de ses flancs. Le long des dorsales ultra-lentes, où les processus tectoniques jouent un rôle dominant dans la séparation des plaques, on pourrait donc s’attendre à enregistrer une activité encore plus importante.

En fait, peu d’études ont été réalisées sur la sismicité des dorsales ultra-lentes, notam-ment du fait de leur éloignenotam-ment et de conditions d’accès difficiles. Dans l’Arctique par exemple, la présence de glace limite l’utilisation d’hydrophones autonomes ou de sismo-mètres fond de mer. Du fait de sa proximité des côtes, la dorsale de Gakkel est mieux couverte par les stations sismologiques terrestres, jusqu’à un seuil de magnitude de mb

=3.5. Depuis 2001, des sismomètres sont également installés sur la banquise, dans le cadre du projet AMORE (Schlindwein et al., 2007). La sismicité y refléte les processus d’accré-tion : dans les régions pauvres en matériel magmatique et abondantes en péridotites, il y a peu de séismes et pas d’essaims de séismes ; à l’inverse, dans les zones magmatiques, la sismicité est plus abondante et de plus forte magnitude, avec de larges essaims de sismicité (Schlindwein et al., 2015).

Les essaims magmatiques observés sur les dorsales de Gakkel et Sud-Ouest Indienne sont de plus grande taille et de longue durée (Schlindwein, 2012). Certains essaims sont constitués de plusieurs dizaines à centaines d’événements, localisés le long de segments magmatiques. En 1999, un essaim de 250 séismes a, par exemple, été enregistré par des stations sismologiques le long de la dorsale de Gakkel (Müller and Jokat, 2000). Entre 1997 et 2002, plusieurs essaims de plus de 10 événements suggèrent une activité magmatique de la dorsale Sud-Ouest Indienne, à proximité d’un édifice volcanique (Schlindwein, 2012).

Les processus de mise en place du magma ne sont pour autant pas bien élucidés. En particulier, l’occurrence de nombreux événements de magnitude relativement forte dans un matériau chaud et fragilisé par les fluides demeure un mystère. À partir de données

issues d’un réseau local, Läderach et al. (2012) mettent en évidence plusieurs essaims d’origine magmatique le long du Supersegment Orthogonal de la dorsale (15-25°E). De la même manière des séismes de magnitude relativement importante sont enregistrés et montrent des mécanismes de rupture de failles normales, certainement réactivées par les variations de contraintes au passage de dykes.

La dorsale Sud-Ouest Indienne

La dorsale Sud-Ouest Indienne sépare les plaques Afrique et Antarctique à un taux d’expansion constant de 14 mm/an (Chu and Gordon, 1999, Patriat et al., 1997). La zone de fracture de Melville apparaît comme une limite majeure, tant du point de vue morpho-logique que thermique. À l’est de la zone de fracture, la vallée médiane est profonde et quasiment continue, aucune faille transformante ne segmentant l’axe sur près de 1000 km depuis le point triple de Rodrigues (Mendel et al., 1997). Le long de cette longue section, la bathymétrie et les anomalies de gravité irrégulières mettent en évidence de rares mais massifs édifices volcaniques, séparés par des segments en apparence amagmatiques (Can-nat et al., 1999, Mendel et al., 1997, Sauter et al., 2004). Ces terrains, qualifiés de terrains lisses par Cannat et al. (2006), sont largement composés de péridotites. L’exhumation de ce plancher mantellique s’effectue le long de grandes failles de détachement, peu pentues, qui se développent de part et d’autre de la vallée axiale (Sauter et al., 2013)

La sismicité de la dorsale reste encore peu étudiée. Pourtant, le plancher océanique apparaît fortement déformé et l’analyse des mécanismes de rupture montre des processus de déformation complexes (figure 2.16). L’événement le plus marquant depuis le début des enregistrements sismologiques est constitué de deux essaims de plus de 10 événements, ayant eu lieu entre 1997 et 2002. Cet épisode a été interprété par Schlindwein (2012) comme étant d’origine magmatique. Le long de la dorsale, les séismes sont répartis de manière plutôt régulière et continue dans le temps (figure 2.17). Contrairement aux dor-sales Sud-Est et Centrale indiennes, les zones de fracture ne sont pas les régions les plus actives et les segments possèdent une activité sismique de même intensité. La sismicité

Figure 2.16 – Télésismicité (ISC, 1964-2012) et mécanismes de rupture (GCMT, 1976-2012) de la dorsale Sud-Ouest Indienne du point triple de Rodrigues (70°E) à 52°E. Trois supersegments sont définis entre les limites majeures de la dorsales : le point triple et les zone de fracture de Melville et Galliéni.

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Rodrigues Triple Junction

Melville (60°40 E) Novara (58°30 E) Atlantis II (57°10 E) Gauss (54°20 E) Gazelle (53°25 E) Gallni (52°25 E)

Figure 2.17 – Distribution spatio-temporelle de la télésismicité le long de la dorsale Sud-Ouest Indienne, de 1964 à 2012.

des segments n’est cependant pas uniforme, certains sont très actifs, d’autres quasi asis-miques. C’est le cas par exemple à 200 km, 1300 km ou 1650 km. En dehors du volcan actif à 65.5°E, le segment le plus actif est celui délimité par les failles Novara et Atlantis II, qui présente un taux de sismicité important et continu dans le temps sur toute sa longueur.

Les mécanismes de rupture de la base de données GCMT de 1976 à 2012 (figure2.16) montrent également des processus tectoniques complexes, éloignés des modèles classiques de déformation des dorsales océaniques. On trouve typiquement des mécanismes de rup-ture cisaillants le long des failles transformantes ainsi qu’aux intersections des discontinui-tés et des failles. Le long des segments, les mécanismes de rupture sont normaux, de même que ceux associés aux essaims magmatiques. On remarque en revanche des mécanismes de rupture mixtes, distincts des modèles purement double-couple ou des mécanismes de rup-ture compressifs en divers endroits le long de l’axe (e.g. 68.0°et 65.5 °E). Les séismes pour lesquels on dispose du mécanisme de rupture sont les plus forts séismes, qui ne dépassent cependant pas une magnitude de moment M w ≤ 5.5. À l’est de la zone de fracture de Melville, les plus forts séismes sont principalement localisés autour de 65.5°E, lieu d’acti-vité volcano-tectonique intense. Le reste de ce supersegment est exempt de forts séismes, à part autour de la zone de facture de Melville et le long du segment la précédant, sur environ 100 km. À l’ouest, les séismes de forte magnitude sont répartis de manière plus homogène le long de l’axe. Les failles transformantes produisent peu de séismes de forte magnitude et la plupart des mécanismes sont des ruptures en faille normale. D’Atlantis II à Gallieni, les séismes importants sont principalement concentrés aux intersections des zones de fracture et des segments de dorsale.

2.4 Résumé et implications pour les dorsales de l’océan

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 91-100)