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Normalisation et confluence du calcul

3.2 Confluence de −→ βγη

3.2.3 Normalisation et confluence du calcul

Nous disposons à présent de tous les éléments pour établir les propriétés fondamentales du calcul.

La normalisation faible du calcul est aisément déduite des normalisations de −→βγ et de −→η, et de la

conservation de la βγ-normalité par −→η:

Théorème 4 (Normalisation faible de −→βγη).

1. SiΓ ; ∆ `Σ t : α ,

Alors∃t0formeβγη-normale pour Σ, Γ, ∆, α telle que Γ ; ∆ `

Σt −→∗βγη t0: α.

2. SiΓ) `Σα : K ,

Alors∃α0formeβγη-normale pour Σ, Γ, K telle que Γ `

Σα −→∗βγη α0: K .

Démonstration. On traite le premier cas, le second étant similaire :

Par le théorème 2, t est βγ normalisable vers un terme t0.

Par le lemme 31 (réduction du sujet pour −→βγ), Γ ; ∆ `Σt0: α.

Par le lemme précédent (normalisation faible de −→η), t0est η-normalisable dans Σ, Γ, ∆, α vers un terme t00.

3.2. Confluence de −→βγη 91

Notons que, même dans le cas où la normalisation forte de −→η serait acquise, la normalisation forte de

−→βγη serait difficile à obtenir, comme en attestent les preuves de Barthe (1999b) et Joachimski (2003).

La normalistion faible suffit néanmoins à prouver directement un résultat plus fort que la confluence de −→βγη

ou de −→βγη≈: tous objets équivalents se réduisent vers leur forme normale commune :

Théorème 5 (Propriété de Church-Rosser pour ≡).

1. SiΓ ; ∆ `Σ u1 : α , Γ ; ∆ `Σ u2 : α et Γ ; ∆ `Σ u1≡ u2 : α, alors ∃u0tel queΓ ; ∆ `Σ u1 −→∗βγη

u0 : α et Γ ; ∆ `Σu2 −→∗βγη u0: α.

2. SiΓ `Σ α1 : K , Γ `Σ α2 : K et Γ `Σ α1 ≡ α2 : K , alors ∃α0 tel queΓ `Σ u1 −→∗βγη u 0 : α et

Γ `Σu2 −→∗βγη u0: α.

Démonstration. On traite le premier cas, le second étant similaire :

Par le théorème4 (normalisation faible pour −→βγη ), ∃u01, u02 tels que Γ ; ∆ `Σ u1 −→∗βγη u01 : α ,

Γ ; ∆ `Σu2 −→∗βγη u02: α et u01, u02sont normaux pour Σ, Γ, ∆, α .

Par les lemmes 31 et 32 (réduction du sujet pour −→βγ et −→η), on a Γ ; ∆ `Σu01: α et Γ ; ∆ `Σu02: α .

Par le lemme 45 (unicité des formes normales), on a u01= u02.

Ces deux résultats offrent donc une stratégie pour décider si deux objets typés sont équivalents : on normalise chacun des objets, en utilisant la stratégie de normalisation induite par la preuve de normalisation, en appliquant dans un premier temps suffisamment d’étapes −→βγ pour obtenir une forme βγ-normale, puis en appliquant

des −→η au plus profond du terme jusqu’à obtenir une forme η-normale. Une fois la normalisation effectuée,

il suffit de vérifier si les formes normales sont identiques. Cette décidabilité de ≡, cruciale pour utiliser le calcul comme support pour les ACG, reste cependant conditionnée par les deux hypothèses qui sont admises pour pouvoir prouver le lemme de substitution de −→η. La décomposition des types fonctionnel correspond au key lemma que

l’on trouve dans les preuves de normalisation et de confluence du λ-cube avec η-expansions données par Ghani (1997) et Barthe (1999a). L’existence des formes normales syntaxiques correspond à une forme de normalisation faible, mais nécessite également de montrer que le critère syntaxique reconnait toute forme normale. Un tel résultat apprait dans la preuve de Barthe. Dans tous ces cas, les preuves de ces propriétés exploitent le fait que la propriété de church-Rosser soit acquise pour ≡, qui est définie en fonction de l’η-réduction et non de l’η-expansion. Une telle approche nous est cependant impossible, puisque l’η-réduction n’engendre pas un calcul confluent en présence d’analyses de cas.

Une solution pour ne pas nécessiter l’hypothèse d’existence des formes normales syntaxiques serait de suivre la proposition de Barthe de demander aux étiquettes introduites par η-expansion d’être en forme β(γ)-normale seulement, plutôt qu’en forme normale syntaxique, en utilisant une règle telle que :

t n’est pas une abstraction linéaire Γ ; ∆ `Σ t −→ct0: α ( β α est en forme βγ-normale

Γ ; ∆ `Σt −→η λ0x : α.(t0↓ x) : α ( β

En effet l’existence des formes βγ-normales est acquise, puisque la normalisation forte de −→βγ a été

prouvée au chapitre précédent. Cependant, il faut alors pouvoir modifier la preuve de normalisation faible de −→η, qui utilise en état le fait que les étiquettes introduites ne contiennent pas d’η-rédex. Si une telle étiquette

est seulement en forme βγ-normale, et qu’elle peut donc contenir des η-rédex, il faut disposer d’une hypothèse de récurrence garantissant que cette étiquette reste η-normalisable. Un ordre bien fondé entre les objets du λ-cube permettant cette récurrence est présenté par Dowek et Werner (1993). Cependant, là encore, le système de type considéré s’appuie sur une relation d’équivalence héritant des propriétés de l’η-réduction, et il n’est pas immédiat de déterminer comment adapter cette preuve de bon fondement. Cette direction semble néanmoins prometteuse pour l’objectif d’obtenir une preuve complète des propriétés de −→βγη.

Chapitre 4

Modélisation des dépendances à distance

Dans ce chapitre, nous présentons une possibilité d’application des extensions des ACG présentées dans la section 1.2.5 reposant sur le calcul discuté dans les chapitres 2 et 3, et cette application concerne la modélisation de phénomènes liés aux dépendances à distance dans les langues naturelles. Ces dépendances à distance corres- pondent aux cas où le comportement d’un constituant de la phrase implique une position se trouvant à une distance arbitraire de ce constituant. Les constructions relatives, que nous avons déjà considérées dans le chapitre 1, en sont un exemple : le pronom relatif peut se trouver à une distance arbitraire de la position laissée vide dans la proposi- tion relative, comme dans une phrase de la forme

L’homme que1Marie croit que Jean croit que Marie croit que . . . que Jean croit que Marie connaît t1arrive.

La notation t1indique la position où un élément est manquant pour que la proposition relative constitue une

phrase complète. On appelle cette position la trace associée au pronom relatif, et on indice les deux par le même entier pour figurer ce lien. Dans les grammaires décrivant un niveau syntaxique abstrait de formes logiques, comme le programme minimaliste de Chomsky (1995), une construction relative est interprétée comme un mouvement grammatical : au niveau de la forme logique, le constituant complété, ici "l’homme", apparaît dans l’interprétation de la proposition relative, alors qu’il en a disparu au niveau de la forme de surface. Comme ce mouvement est visible dans la forme de surface syntaxique, on le qualifie d’explicite.

Une dépendance à distance peut également se manifester au niveau de surface sémantique, à l’exemple du phénomène de prise de portée des quantificateurs. Ainsi la phrase

toute femme aime un homme

est habituellement considérée comme possédant les deux lectures suivantes, selon que toute femme prenne portée au-dessus de un homme (lecture 1) ou non (lecture 2) :

1. ∀x∃y.homme(y) ∧ (f emme(x) ⇒ aime(x, y)) ; 2. ∃y.homme(y) ∧ ∀x(f emme(x) ⇒ aime(x, y)) .

Une telle prise de portée peut également se faire à une distance arbitraire, et on la qualifie de mouvement grammatical implicite, car elle n’est pas visible au niveau de surface syntaxique.

Les Grammaires Catégorielles Abstraites peuvent aisément rendre compte de ces dépendances à distance grâce à la λ-abstraction, permettant, au niveau abstrait, de traiter la trace d’un quantificateur ou la position syntaxique d’un quantificateur comme une variable liée gouvernée par le terme abstrait d’ordre supérieur correspondant au constituant. Cependant, ces dépendances à distance sont sujettes dans les langues à de nombreuses contraintes, et ce mécanisme d’extraction doit donc être contrôlé d’une manière ou d’une autre. Comme synthétisé par Ruys et Winter (2011), les contraintes s’appliquant aux mouvements explicites et implicites sont étroitement liées, et il semble donc intéressant de les traiter de façon homogène, au niveau abstrait. C’est cette approche que nous nous proposons d’explorer ici.

Dans une première partie nous détaillerons l’approche des ACG pour les mouvements grammaticaux, et nous donneront un exemple d’interface syntaxe-sémantique permettant de tels mouvements. Dans une seconde partie,

nous discuterons quelques contraintes s’appliquant à ces mouvements grammaticaux, et nous montrerons comment elles peuvent être capturées par une ACG contrôlant le niveau abstrait de cette interface syntaxe-sémantique, et utilisant les extensions définies dans les chapitres précédents.

4.1

Les mouvements grammaticaux dans les ACG