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Les propositions comme îlots d’extraction

4.2 Modélisation de contraintes de mouvements

4.2.2 Les propositions comme îlots d’extraction

(5) est un deuxième exemple de contrainte sur les dépendances à distance. Il est en effet classique de consi- dérer que dans une telle phrase, le groupe nominal quantifieur "tout le monde" ne devrait pas prendre portée sur "quelqu’un", ou même sur "dit que", comme dans (5-b) et (5-c) : le groupe nominal quantifieur "tout le monde" ne peut pas prendre portée au-delà de sa proposition.

(5) Quelqu’un dit que tout le monde aime Marie

a. Cquelqu’un(λ0x.Cdit que(Ctout le monde(λ0y.CaimeCMariey)) x)

∃x.dit que x (∀y.aime y m)

b. *Cquelqu’un(λ0x.Ctout le monde(λ0y.Cdit que(CaimeCMariey) x))

*∃x.∀y.dit que x (aime y m)

c. *Ctout le monde(λ0y.Cquelqu’un(λ0x.Cdit que(CaimeCMariey) x))

*∀y.∃x.dit que x (aime y m)

D’un point de vue linguistique, le caractère strict d’une telle contrainte est discutable, et nous n’avons pas pour objectif de juger de sa pertinence, mais seulement de montrer comment ce type d’extraction peut être contrôlé dans les ACG.

Le fait qu’un groupe nominal quantificateur ne puisse pas prendre portée au-delà de sa proposition signifie qu’à chaque fois qu’une proposition est passée en argument à un verbe comme "dit que", elle ne devrait plus contenir aucune variable libre susceptible d’être extraite par un QNP. Pour modéliser cela, on étiquette les types s et np avec pour trait un entier qui indique le nombre courant de variables libres correspondant à une extraction par un QNP. Il faut donc que chaque constante de type np introduite par la signature soit décoré par 0. Également, il faut que les variables correspondant à une extraction par un pronom relatif soit aussi décorée par 0. Pour assurer cette propriété, il suffit que le type du premier argument d’un pronom relatif soit de la forme np 0( . . .. À l’inverse, les variables correspondant à l’extraction par un QNP doivent apparaître étiquetée par 1, raison pour laquelle le type de l’argument d’un QNP doit être de la forme np 1( . . .. Si ces entiers sont sommés à chaque fois que plusieurs constituants sont combinés, et que les QNP font décroître le total lorsque l’extraction est réalisée, par leur type

4.2. Modélisation de contraintes de mouvements 99

(np 1 ( s i + 1) ( s i, une proposition ne véhicule pas d’extractions non résolues par un QNP si et seulement si elle est de type s 0. C’est donc le type qui doit être requis pour le premier argument du verbe "dit que", de type (Πi : int) (s 0 ( np i ( s i), ou du pronom relatif "qui", de type (Πi : int) (np 0 ( s 0) ( np i ( np i.

Pour un type α fixé, les entiers naturels peuvent être représentés en λ-calcul par l’encodage associant à n le terme λf : α( α.λ0x : α.fnx. Dans la suite, nous utiliserons les notations suivantes :

0 := λf : α ( α.λ0x : α.x 1 := λf : α ( α.λ0x : α.f x int := (α ( α) → α ( α

+ := λ0mn : int.λf : α ( α.λ0x : α.m f (n f x)

et nous noterons + en position infixe par soucis de clarté. Il est suffisant de noter que cet encodage capture les propriétés usuelles de l’addition sur les entiers naturels, l’encodage de + appliqué aux encodages de n et de m se β-réduisant vers l’encodage de n + m.

Comme dans l’exemple précédent, ce contrôle utilisant une structure de trait est implémenté à un niveau abs- trait supérieur par la signature ΣCont2, traitant uniquement cette problématique des îlots d’extraction (les cas de

la section précédente n’y apparaissent donc pas), et décrite dans la table 4.4. On définit égalementGCont2 =

hΣCont2, ΣSyn,LCont2, s 0i, l’ACG qui réalise le contrôle sur les structures syntaxiques.LCont2(également dans

la table 4.4) ne fait que supprimer le produit dépendant et transforme ΣCont2en ΣSyn.

ΣCont2 :

α : type

s, np : (int) type DMarie, DJean : np 0

Daime : (Πi, j : int) (np i ( np j ( s (i + j))

Dmarche : (Πi : int) np i ( s i

Dpassionnément :: (Πi : int) (np i ( s i) ( (np i ( s i)

Dqui, Dque : (Πi : int) (np 0 ( s 0) ( np i ( np i

Ddit que : (Πi : int) (s 0 ( np i ( s i)

Dquelqu’un, Dtout le monde : (Πi : int) ((np 1 ( s (i + 1)) ( s i)

LCont2:

s :=Cont2 λx. s

np :=Cont2 λx. np

Daime :=Cont2 λxy.Caime

DT :=Cont2 CTsi T correspond à Marie ou Jean

DT :=Cont2 λx.CTsinon

TABLE4.4 – ΣCont2etLCont2

Le nombre d’extractions par QNP est donc inscrit dans le type de chaque constituant. Les types attribués dans la signature permettent de calculer ce nombre d’extractions lorsque des constituants se combinent. Ainsi un verbe transitif comme Daime a comme trait la somme des traits de ses arguments. Puisque la proposition argument de

Ddit quedoit être étiquetée par 0, toutes les variables quantifiées doivent avoir déjà retrouvé leur opérateur prenant

portée avant que le terme ne soit passé en argument, ce qui les empêche effectivement de franchir l’îlot d’extraction. (6) est un terme bien typé (de type s 0) de T (ΣCont2). Il a la même structure que (5-a) qui est en effet son image

parLCont2. A l’inverse, dans (7) la variable y ne peut être que de type np 0, à cause de la contrainte induite par

Ddit que. Le type np 0 ( s 0 de (7) (qui correspondrait au sous-terme de (5-c)) l’empêche alors d’être l’argument

(6) Dquelqu’un0 (λ0x : np 1. Ddit que1 (Dtout le monde0 (λ0y : np 1. s1 z }| { Daime0 1 DMarie np1 z}|{y ) | {z } np1(s1 ) | {z } s0 np1 z}|{x ) | {z } np1(s1

(7) λ0y : np 0. Dquelqu’un0 (λ0x : np 1. Ddit que1

s0 z }| { (Daime0 0 DMarie np0 z}|{ y ) np1 z}|{ x ) | {z } np1(s1 | {z } s0

Par ailleurs, ce niveau de contrôle n’empêche pas un pronom relatif d’opérer une extraction à travers la portée d’un QNP. Ainsi le terme (8) , qui correspond à la phrase "Marie qui aime quelqu’un marche", est-il bien typable.

(8) Dmarche0 (Dqui0 np0(s0 z }| { (λ0x : np 0.Dquelqu’un0 (λ0y : np 1.Daime1 0 y x) | {z } np1(s1 ) Daime) | {z } s0

Ce traitement s’étend aisément aux autres possibilités de former des propositions, comme les propositions condi- tionnelles, et de manière générale aux autres possibilités de former des îlots d’extraction. Il suffit que dans la signature la constante prenant cet îlot en argument spécifie que le nombre d’extractions de QNP qui y est rattaché soit 0.

Les exemples suivants fonctionnent sur le même principe : chaque type dépend d’une structure de trait qui exprime quelles sont les variables libres présentes dans le terme susceptibles de correspondre à une extraction. Chaque phénomène est traité par une ACG de contrôle indépendante des autres, ce qui assure que le traitement est entièrement modualaire et que les différents mécanismes n’interfèrent pas entre eux.