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Nombres et proportions architecturales

CHAPITRE III Les nombres

IV. Nombres et proportions architecturales

Le rapport du 1er au 5e tube, dans la formule (80, 56, 72, 48, 64) composée de multiples de 8, est égal à 10/8. Il devient égal à 9/7 dans la formule (81, 54, 72, 48, 63), qui résulte de l’adoption de l’indice 9 comme multiplicateur.

— Tout aussi bien que les règles musicales, les canons architecturaux sont dominés par l’opposition ou l’équivalence des rapports 9/7(=81/63) et 10/8(=80/64), et c’est la géométrie des constructeurs qui révèle les vertus que les Chinois ont prêtées aux couples corrélatifs 80-64 et 81-63.

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Deux éléments, dans les constructions chinoises, sont fondamentaux.

L’édifice, en lui-même, importe moins que 1a terrasse qui le supporte et que la toiture qui le couvre. Le Ciel « couvre » et le toit représente le Ciel ; la Terre, qui « supporte », est figurée par la terrasse. Un édifice apparaît comme une image de l’Univers, dès que les proportions données au profil du toit et au plan de la terrasse évoquent, les premières le rond (impair, 3, yang), les autres le carré ╓210 (fang, le rectangulaire, pair, 2, yin). Ces principes commandent, en particulier, la construction du Ming t’ang. La tradition veut que la Maison du Calendrier ait anciennement consisté en une aire carrée (rectangulaire) que recouvrait (lié à elle par quelques colonnes) un toit de chaume circulaire (359).

Sur le profil de la toiture, nous n’avons que des renseignements tardifs. La base du toit du Ming t’ang devait être mesurée par le nombre 144, et son contour par le nombre 216, la hauteur étant figurée par 81. Telles qu’on les indique, ces dimensions supposent que le profil du toit de chaume est un triangle isocèle dont la base (2 x 72) figure la Terre (144) et les deux autres côtés [2 x 108 = 216] la courbure du Ciel (3 x 72) cf. mg_pc_figures : 18 . Cette construction a pour principe une équerre dont le grand côté vaudrait 9 x 9, le petit 8 x 9 et l’hypoténuse 12 x 9. Cette équerre (8, 9, 12) est estimée juste, grâce au jeu d’une unité, en vertu de la formule 9² + 8² = 12² (+ 1) ou 81 + 64 = 144 (+ 1).

On remarquera que :

1° Le renseignement (360) date de la dynastie des Souei (589-618), c’est-à-dire d’une époque où les connaissances mathématiques (indigènes ou importées) avaient atteint en Chine un niveau élevé. [Mais le jeu d’une unité n’était point fait pour gêner les charpentiers dans l’assemblage des chevrons, poutres et colonnes — et pas davantage n’étaient gênés les charrons par l’obligation de donner à π la valeur 3. L’essentiel était

d’utiliser des Nombres qui pussent évoquer le rapport (3/2 ou 9/6) du Ciel et de la Terre] ;

2° L’obtention des Nombres, terrestre et céleste, 144 [= (8 x 2) 9] et 216 [= (12 x 2) 9]

à partir de l’équerre 8, 9, 12, suppose l’emploi, comme multiplicateur, de l’indice 9. [De l’emploi de cet indice résulte, ╓211 pour la gamme, la fixation à 9/7 du rapport entre les 1er et 5e tubes] ;

3° L’équerre 8, 9, 12, fournit la séquence (9, 6, 8) qui régit la construction des 12 tubes sonores (361). [Le 2e tube (6 x 9) vaut la moitié de l’hypoténuse (12 x 9) : on sait que Kouan tseu, qui ne le réduisait pas de moitié, lui attribuait la valeur 108] (362).

4° La hauteur (81) a la dimension qu’on donne au gnomon, quand l’indice adopté pour le sectionnement de l’unité est 9.

Le Ta Tai Li ki (363) fournit sur le plan du Ming t’ang une indication qui se raccorde fort bien à ces renseignements tardifs sur le profil du toit. L’aire rituelle devait comprendre de l’Est à l’Ouest 9 (longueurs de) nattes et 7 (longueurs de) nattes du Sud au Nord. 9 (le multiplicateur conventionnel) mesure la longueur des nattes. L’aire (carrée, fang) du Ming t’ang forme donc un rectangle (fang) de côtés 81 et 63. Le demi-périmètre vaut 144, — dimension convenable puisque 216 mesure la circonférence et le pourtour du toit. — Il s’agit du Ming t’ang des Tcheou ; le multiplicateur adopté est 9, et le rapport de la largeur (E.-W.) à la profondeur (S : N.) de l’aire est 9/7 (exprimé sous la forme 81/63).

Les dires du Ta Tai Li ki sont confirmés par un passage du K’ao kong Ki, précieux recueil de renseignements techniques qui forme aujourd’hui le sixième Livre du Tcheou li (364). On y donne, mesurées en nattes de 9 pieds (de long), les dimensions du Ming t’ang qui sont bien, en largeur, 9 x 9 et, en profondeur, 9 x 7. Le passage est surtout intéressant parce qu’il prétend encore renseigner sur la Maison du Calendrier au temps des Hia et des Yin.

La proportion, dans les deux cas, n’est plus 9/7 mais 5/4 (= 10/8).

Pour les Hia, première dynastie royale, le K’ao kong ki indique expressément que la proportion est 5/4. L’aire rituelle mesurait en profondeur 2 x 7 (p’ou) et en longueur un quart en plus ; le multiplicateur (qui est sous-entendu) est le p’ou ou pas de 6 pieds : l’aire était donc profonde de 7 doubles pas de 6 pieds, soit 7 x 12 ou 84 pieds (= 4 x 21) et large de (5 x 21 =) 105 pieds. Pour les Yin, deuxième dynastie, seule est donnée la profondeur, qui est de 7 sin, ce qui, le ╓212 sin ayant 8 pieds, fournit le nombre 56. 56 mesure la profondeur d’une sorte de vestibule accolé par les Hia à leur aire rituelle ; les dimensions de ce vestibule sont les 2/3 des dimensions de l’aire, soit 56 en profondeur et 70 en largeur. On admet (365) donc que l’aire des Yin mesurait 70 x 56 (soit 5 x 4). Tcheng Hiuan, cependant, le plus illustre des interprètes, pour la raison que les Yin sont

intermédiaires entre les Hia et les Tcheou, affirme que la largeur était de 9 sin, soit 72 pieds : ce qui implique la proportion 9/7 et non 5/4 et donne au demi périmètre

(72 + 56 et non 70 + 56)

une valeur égale à deux fois 64 et non pas à deux fois 63. — Cette hésitation entre 70 et 72 constitue un renseignement précieux : elle montre que le sentiment d’une opposition ou d’une équivalence entre les rapports 5/4 (ou 10/8) et 9/7 s’accompagnait d’un sentiment analogue à l’égard des nombres 63, 64.

L’opinion de Tcheng Hiuan sur la largeur de l’aire des Yin part du désir de trouver une sorte de lien ou de mesure commune entre les aires rituelles de trois dynasties. — Si l’on suit Tcheng Hiuan, il apparaît que le rectangle sacré des Yin (8 x 7 sur 8 x 9) comprenait 8 x 8 petits rectangles de 9 pieds sur 7, tandis que le Ming t’ang des Tcheou (9 x 7 sur 9 x 9) contenait 9 x 9 nattes de 9 pieds sur 7. Les superficies des deux aires peuvent donc être indiquées par les carrés 64 et 81. Pour leur comparer l’aire sacrée des Hia, il faut pouvoir la mesurer à l’aide de nattes ; c’est d’ailleurs en nattes, le K’ao kong ki l’affirme, que devaient être mesurées des superficies de ce genre (366). Pour que la chose soit possible, il suffit de modifier légèrement, — de même qu’on l’a fait dans le cas des Yin, — la dimension de la largeur de l’aire et de l’estimer non pas à 105, mais à 108. Dès lors le rectangle (12 x 7 sur 12 x 9) pourra contenir 12 x 12, soit 144 nattes, de 9 pieds sur 7. — Notons le procédé de mesure : il revient, si je puis dire, à traiter comme des carrés des rectangles dont les deux côtés paraissent recevoir le même emblème numérique (12, 9 ou 8) (367). Tandis que l’unité de superficie (9 x 7) est un rectangle qui vaut (63), à une unité près, un carré (64), les trois aires ╓213 rectangulaires se trouvent mesurées par des carrés (12², 9², 8²). — Ces carrés sont tout particulièrement remarquables par le fait que le rapport qu’ils signalent entre les trois aires rituelles dérive de la formule de l’équerre (considérée comme valable pour les charpentes) 8, 9, 12. — Mais, s’il semble avoir tenu à le retrouver dans les superficies, Tcheng Hiuan aurait pu mettre en valeur le même rapport, et cela sans modifier la largeur de l’aire des Yin. Il suffisait de considérer les profondeurs qui sont égales à 12 x 7 pour les Hia, 8 x 7 pour les Yin, 9 x 7 pour les Tcheou. Elles font voir, à elles seules, que 12 (ou 6), 8 et 9 valent comme les emblèmes des trois dynasties royales. Leurs relations sont celles de trois tubes musicaux consécutifs, — conformément à la formule 9, 6, 8, laquelle conduit, comme on sait, à fixer à 9/7 le rapport des 1er et 2e tubes, — cependant que 9 x 7 donne la mesure de l’unité des superficies rituelles.

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Si l’unité de superficie valait (non pas 9 x 7) mais (5 x 4 ou) 10 x 8 (10/8 est le rapport originel du 1er au 2e tube), il faudrait, pour comparer les trois

aires rituelles, modifier très légèrement les dimensions de l’aire des Tcheou.

On le ferait avec moins de dommages que dans le cas de l’aire des Yin ; on y réussirait en effet sans modifier la valeur du demi-périmètre, particulièrement sacrée en l’espèce : 80/64=5/4 ou 10/8 et 80 + 64, comme 81 + 63 font 144. Ainsi modifiée, l’aire des Tcheou (8 x 8 sur 8 x 10) contient 8 x 8 unités de superficie (8 x 10), et celle des Yin (7 x 8 sur 7 x 10) en contient 7 x 7 — l’unité de superficie (8 x 10) étant indiquée par un nombre (80) égal, à une unité près, à un carré (9²) et les superficies des deux aires (64 et 49) étant encore ramenées à des carrés (8² et 7²). — On aperçoit que, pour les Chinois, l’importance des couples 81-63 et 80-64 tient au fait que, 81 étant le carré de 9 et 64 le carré de 8, 63 est un multiple de 9, tandis que 80 est un multiple de 8.

On connaît le prestige de la division du carré en 9 carrés : telles étaient les divisions que les arpenteurs donnaient au ╓214 plus petit domaine, le tsing ; mais ils groupaient les tsing par 4, 16, 64... pour former les divisions administratives (368). 9 et 8 ou 4 valaient comme nombres privilégiés dans la technique de l’arpentage. Si, d’une part, le plan des aires rituelles n’est pas sans rapport avec cette technique, d’autre part, les nombres qui mesurent ces aires laissent voir les liens qui existaient entre l’art des architectes et l’art des devins. Les quadrilatères de côté 8, avec leurs 64 divisions, rappellent les 8 Trigrammes, ou les 8 Vents, et les 64 Hexagrammes. Et nous allons voir bientôt que le quadrilatère de côté 7, avec ses 49 divisions, tout en rappelant les 50-1 baguettes que manipulaient les devins, a pour premier mérite d’évoquer l’unique bâtonnet que ceux-ci conservaient en main, « bois dressé » qui, tel un gnomon, signalait les « mutations du Yin et du Yang ».

Mais il nous faut d’abord noter que, si le rapport du demi périmètre des aires Hia (105 + 84) et Yin (70 + 56) est égal à (189/126 =) 3/2 ou 9/6, le rapport des demi périmètres des aires Yin (126) et Tcheou (144) est égal à 8/7 [tandis que, tout au contraire, le rapport de leurs superficies, — quand on les mesure avec une unité égale à 10 x 8, — c’est-à-dire évoquant le rapport 5/4 — devient sensiblement égal (64/49) à 9/7 (=63/49). Nous connaissons le prestige du rapport 9/6 dans la musique, la divination, la cosmographie. Nous savons aussi que le rapport 8/7 (rapport du Petit Yin au Petit Yang) avait, (sous les Yin et) dans le pays de Song, un prestige équivalent : au lieu de nommer Neuf et Six les lignes yang et yin des Emblèmes divinatoires (369), on les appelait Sept et Huit. Le rapport 8/7, qui a fourni une de ses expressions aux relations du Pair et de l’Impair, a-t-il, comme le rapport 9/6, un fondement musical ou cosmologique ?

Le rapport du demi-périmètre de l’aire des Hia (189) au demi-périmètre de leur vestibule ou de l’aire des Yin (126) est égal à 3/2 ou à 9/6. Rencontre curieuse, la gamme (dite Neuf Supérieur) qui a permis à Sseu-ma Ts’ien de justifier les emblèmes numériques des notes, est émise par cinq tubes ╓215 dont les trois premiers [45, 63 (= 60), 81] ont une valeur totale égale à 189 et les deux premiers (54, 72) une valeur totale égale à 126. Il est possible que,

pour faire apparaître une relation entre les aires Yin et Hia (dont les proportions sont réglées par le rapport 10/8), on ait songé à choisir des dimensions empruntées aux tubes d’une certaine gamme. — Il se pourrait encore qu’on ait procédé de même pour faire apparaître les rapports des aires Yin et Tcheou (en leur supposant les mêmes proportions).

Les 6 premiers tubes sonores valent 360 ; 360 = 24 x 15 ; 15 est égal à 8 + 7 comme à 9 + 6 ; 24 vaut 9 + 8 +7, et il vaut aussi 10 + 8 + 6. En multipliant 15, c’est-à-dire, 9 et 6 par 9, 8 et 7, on obtient les longueurs des six premiers tubes [81 (=9x9), 72 (=9x8), 63 (=9x7) ; 54 (=6x9), 48 (=6x8), 42 (=6x7)] que l’on peut ranger en deux groupes yang (9) et yin (6), les rapports de deux nombres consécutifs étant égaux à (81/54 = 72/48 = 63/42=) 9/6 ( = 81/63) du 5e.— Mais en multipliant 15, c’est-à-dire 8 et 7 par 10, 8 et 6, on obtient 6 dimensions [80 (= 8x10), 64 (=8x8), 48 (=8x6) ; 70 (=7x10), 56 (=7x8), 42 (=7x6)] telles que, en rangeant les nombres en deux groupes, le rapport d’ensemble soit égal à 8/7 (= 192/168) comme le sont, dans le détail, les rapports des nombres pris deux à deux.

Parmi les nombres ainsi obtenus, figurent 70 et 56, dimensions de l’aire des Yin, 80 et 64 dimensions de l’aire des Tcheou [ramenée à la proportion 10 x 8 sans qu’il y ait changement de la valeur du demi-périmètre (144)], et d’autre fart ces 6 nombres [80, 56, 70, 48, 64, (42)] diffèrent fort peu de ceux qu’indique la formule première de la gamme [80, 56, 72, 48, 64, (40)] : seuls diffèrent 70 et 40, mais 42 ne devrait pas être estimé très différent de 40, puisqu’il est devenu l’emblème du 6e tube, lequel devait rendre, à la différence d’une octave, la note émise par le 1er tube (81 ou 80), et, par ailleurs, nous venons de voir que Tcheng Hiuan n’a pas ╓216 hésité à assimiler 72 à 70, afin d’établir une relation entre les aires Yin et Tcheou. Or, avec la formule 80, 56, 70, 48, 64, (42), non seulement le premier nombre (80) vaut les 5/4 du cinquième (64), mais il vaut encore les 5/3 du quatrième (48) et, de même, le troisième (70) vaut les 5/4 du deuxième (56) et les 5/3 du sixième (42).

Il se pourrait bien qu’avant de tirer d’une fausse équerre (8, 9, 12) la séquence (9, 6, 8) qui a servi (en illustrant le rapport 9/6 et la proportion 9x7) à parfaire leur théorie musicale, les Chinois aient pensé à justifier (approximativement) la longueur de leurs tubes en les rapportant à une autre équerre qui permettait d’illustrer le rapport 8/7 et la proportion 10 x 8 : cette équerre (3, 4, 5 ou 6, 8, 10) est une équerre juste, et c’est celle qui donne la règle du gnomon.

Le prestige de 9/6 et de 8/7 comme formules des relations du Pair et de l’Impair est, peut-être, lié au fait que 9 et 6, 8 et 7 permettent de sectionner le grand Total 360 en 6 nombres estimés capables d’exprimer des proportions musicales Les séries numériques obtenues par ce sectionnement sont presque pareilles et, cependant, elles se rattachent à deux équerres différentes, dont

l’une (8, 9, 12) entraîne l’adoption de 9 x 7 comme unité de superficie, tandis qu’avec l’autre (3, 4, 5) cette unité vaut 10 x 8.

Le K’ao Kong hi affirme qu’on mesure au moyen de nattes (9 x 7) la superficie des aires rituelles, — mais ceci ne l’empêche pas d’indiquer en sin, ou en p’ou les dimensions des aires Yin et Hia. Bien plus, le K’ao Kong hi et le Tcheou li lui-même indiquent, d’autre part, que l’étalon des dimensions architecturales (tou) est le pi sien (370).

Or, le pi sien est une tablette de jade de forme ovale dont le diamètre moyen vaut 9. Elle doit s’inscrire dans un rectangle long de 10 et large de 8.

Le périmètre du rectangle vaut donc 36, et le contour de l’ovale 27. Ces nombres sont significatifs : ils montrent que l’étalon de jade et, à sa suite, tous les quadrilatères de proportion 10 x 8 ou 5 x 4 avaient le mérite de rappeler les rapports du carré et du rond (36/27 = (4x9)/(3x9) = 4/3). Les surfaces 9x7 mesurées en nattes ont un demi-périmètre égal à 144 (= 81 + 63

= 2 x 72 =16 x 9), ╓217 à condition que le multiplicateur conventionnel soit 9.

Inversement les surfaces 10 x 8, dérivées du pi sien, ont un demi-périmètre égal à 144 (= 80 + 64 = 18 x 8), à condition que le multiplicateur soit 8 et, dans ce cas, l’ovale inscrit vaut (27 x 8 =) 216. La proportion 10 x 8 et l’équerre 3, 4, 5 sont liées à l’emploi de l’indice 8, de même que sont liées à l’emploi de l’indice 9 la proportion 9 x 7 et l’équerre, 8, 9, 12. — Et le pi sien, cependant, permet l’évocation du rapport prestigieux 216/144.

Le rapport 216/144 est évoqué, comme on sait, par la disposition en carré magique des 9 premiers nombres. Ceux-ci, qui valent 45, multiple de 5, peuvent être groupés de manière à obtenir le rapport 3/2 sous la forme 27/18 qui indique le rapport de l’ovale du pi sien au demi-périmètre du rectangle ex-inscrit. — 45, d’autre part, étant un multiple de 9, les neuf premiers nombres peuvent être groupés de manière à obtenir le rapport 5/4 ou 25/20 : 25 est la somme des cinq premiers nombres impairs, 20 celle des quatre premiers nombres pairs. — Le fait, cependant, que le rectangle dans lequel s’inscrit le pi sien vaille 36 [= (2x10) + (2x8)] soit 20 + 16 entraîne la conclusion que cette figure illustre un autre groupement de nombres. 16 est la somme des quatre premiers nombres impairs [(1 + 7) + (3 + 5)] et 20 celle des quatre premiers nombres pairs [(2 + 8) + (4 + 6)]. L’étalon de jade réalisait une synthèse parfaite du Pair et de l’Impair : synthèse hiérogamique avec échange d’attributs (371) puisque, dans la proportion 5 x 4, l’Impair, 5, évoque la somme (20) des nombres pairs, et le Pair, 4, la somme (16) des nombres impairs.

Cette synthèse parfaite se manifestait d’une autre manière encore. 27 (contour de l’ovale) plus 36 (périmètre du rectangle) font 63.

Multiple de 9 et de 7, 63 est une synthèse de 5 et de 4, comme de 4 et de 3. Il peut d’abord évoquer par lui-même, le rapport (3/4 = 27/36) du contour céleste et du contour ╓218 terrestre, et il l’évoque mieux encore (27x8)/(36 x 8)=216/(2x144), quand on adopte le multiplicateur 8. Il peut surtout, par

l’évocation du rapport 5/4 (=35/28), rappeler la proportion 5x4 (et l’équerre 3,4,5) — Une vertu inverse appartient à 64 : ce multiple de 8 contient 4 fois 16 et 16 = 9 + 7. 64 peut donc rappeler la proportion 9 x 7 (liée au multiplica-teur 9 et à l’équerre 8, 9, 12). Il la rappelle sous une forme remarquable, car 64 = 36 + 28. 36 (comme 360) est l’emblème de la totalité d’un contour (372).

28 est le nombre des mansions lunaires. Or, le dais circulaire qui recouvre le char du Chef et figure le Ciel mesure 36 par son contour et 28 arcs le rattachent à la colonne centrale, qui le relie à la caisse carrée du char (Terre) (373).

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Les vertus et les jeux des multiplicateurs 8 et 9 peuvent dès maintenant se deviner. — Mais, si les 28 mansions lunaires indiquent l’intérêt du nombre 7, il reste à comprendre la signification de ce nombre et l’importance attribuée au rapport 8/7, il reste surtout à expliquer la liaison de ce rapport avec l’équerre 3, 4, 5, c’est-à-dire avec le gnomon, — auquel vient tout justement nous faire songer la colonne centrale du char.

Les mérites de l’équerre 3, 4, 5, sont vantés dans un opuscule célèbre dont le titre : Tcheou pei (374) signifie : gnomon. Le Tcheou pei (où l’on retrouve la comparaison du Ciel et du dais du char) résume les enseignements mathématiques d’une École de cosmographes dénommée « l’École du Dais céleste » (375). Il a pour thème l’idée que les dimensions célestes peuvent être connues grâce au gnomon et à l’équerre 3, 4, 5. Le gnomon y est décrit comme un signal de bambou qui, percé, au 8e pied, d’un trou de 1/10 de pied, est long de 8 pieds ou de (80+1)/10 de pied. L’auteur, cependant, commence par rattacher l’équerre 3, 4, 5 à la formule — considérée comme la première des règles — : 9 x 9 = 81.

219 Le Tcheou pei, pour instruire l’équerre 3, 4, 5, commence par construire un rectangle de côtés 3 et 4, puis il en trace la diagonale. Le texte ne contient rien de plus ; on n’y trouve, a remarqué Biot, aucun essai de démonstration du théorème du carré de l’hypoténuse. — Dans les éditions du Tcheou pei qui ont été conservées, la règle de l’équerre, ou plutôt de la diagonale, est illustrée au moyen de trois figures. Ce sont trois carrés de côté 7 divisés en 49 petits carrés et renfermant, l’un, un carré de côté 5 contenant 25 petits carrés, l’autre, un carré de côté 4 (16 petits carrés) et le dernier un carré de côté 3 (9 petits carrés). — Nul ne peut affirmer que ces figures existaient, ainsi faites, dans les éditions originales. — Telles qu’elles sont parfois dessinées, elles semblent n’avoir pas d’autre objet que d’illustrer pour les yeux la formule 3² + 4² = 5².

Elles sont cependant destinées, bien qu’on l’ait contesté (376), à faire songer à une démonstration géométrique de cette formule. cf.

mg_pc_figures : 19a L’insertion d’un carré (de côté 5) valant 25 à l’intérieur

d’un carré (de côté 7) valant 49 se relie directement à une donnée fourme par le texte du Tcheou pei : celui-ci considère l’hypoténuse 5 comme la diagonale d’un rectangle 3 x 4. Dans un carré de côté 7, on peut loger quatre de ces rectangles, et leurs quatre diagonales forment un carré inscrit qui a pour surface la moitié des quatre rectangles [savoir : 4(3*4)/2, soit 24] plus 1 petit carré laissé au centre par le tracé des quatre rectangles. — Telle est la vérification géométrique de la formule : 3² + 4² = 5².

Voici maintenant la preuve de l’antiquité de cette ╓220 démonstration — que les figures des éditions actuelles laissent entrevoir, même quand elles l’entourent de quelque mystère. Inscrire les trois carrés 9, 16, 25 dans un carré de côté 7, c’est suggérer l’équivalence de 45 et de (9 + 16) + 25, ou, autrement dit, l’équivalence de 25 + 25 et de 49 : ceci revient à affirmer que le triangle rectangle isocèle de côté 5 a une hypoténuse (377) qui vaut à peu près 7. Or, tout autant, sinon davantage, que l’équerre juste 3, 4, 5, cette équerre approximative 5, 5, 7 intéressait les Chinois.

Elle les intéressait dès une haute antiquité. J’ai déjà dit que le devin ou le chef — et l’on verra que le Chef, l’Homme Unique, est identique au gnomon

— prélevait, sur le lot des cinquante baguettes divinatoires, une baguette qu’il conservait à la main pendant qu’il opérait. Ce prélèvement permettait de diviser le lot (49) en deux parties qui étaient nécessairement, l’une paire, l’autre impaire. La baguette qu’il tenait en main présidait avec lui à la divination : ce bâton de commandement représentait le carré central, le Centre, l’Unité — l’Unité qui ne compte pas, mais qui vaut et fait l’ensemble,

— le répartiteur, le pivot du Yin et du Yang (378).

— le répartiteur, le pivot du Yin et du Yang (378).