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Nomadisme et sédentarité dans les marges arides de la Maurétanie Césarienne occidentale : les tribus et le pouvoir de Rome

Lorsqu’en 1942, L. Leschi faisait le point sur les nouveautés apportées par les travaux

de J. Guey et ceux de J. Baradez sur la Numidie 274, la théorie de l’exclusion des nomades

du domaine romain était dominante. Il l’adaptait en faisant une distinction entre les territoires situés de part et d’autre du chott El Hodna. D’un côté, une solide barrière militaire interdisait l’accès de la Numidie aux nomades. De l’autre, sur les Hautes Plaines de l’ouest de la Césarienne, “au contraire, la barrière a été établie de façon à n’apporter aucune entrave

aux déplacements saisonniers” 275. Depuis, M. Euzennat tirait les conséquences de l’abandon

de la théorie de l’exclusion des nomades dans les termes suivants : “Les rapports entre les agriculteurs et les nomades pasteurs apparaissent dès lors à la fois plus simples et plus complexes qu’on avait coutume de les imaginer. Sur place, il est en effet difficile de distinguer

les uns des autres, car ils ne sont souvent ni tout à fait sédentaires ni tout à fait nomades” 276.

La mobilité des troupeaux  : pastoralisme, nomadisme, semi-nomadisme et transhumance

Pour rendre compte des difficultés rencontrées dans l’évaluation des relations entre éleveurs et agriculteurs, il faut rappeler l’affirmation de F. Braudel selon lequel la forme normale de la transhumance est estivale et fille de l’agriculture. Dans ce cas, la transhumance évoquée est celle que les géographes ont décrite pour l’Europe moderne et contemporaine sous ses deux variantes : une transhumance hivernale pratiquée par les sociétés de montagnes quand les réserves fourragères étaient insuffisantes pour nourrir le troupeau et une transhumance estivale consistant à le déplacer à l’extérieur du territoire cultivé pendant

271 Guey 1939, 200. 272 Rebuffat 1976-1977 ; Barker 1996. 273 Mattingly 1995, 202-205. 274 Leschi 1942 = 1957, 71. 275 Leschi 1942 = 1957, 71. 276 Euzennat 1990, 573.

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la période végétative quand sa présence est incompatible avec les cultures 277. Celle-ci procède

d’une gestion optimale du territoire : les terres proches du village sont réservées aux cultures ; le pacage est la meilleure utilisation des espaces extérieurs aux sols ingrats. Dans les plaines, des zones incultes marquent la limite des cités. Dans les montagnes, les bêtes sont conduites dans l’alpage. Dans les zones arides, les conditions naturelles imposent d’autres stratégies de gestion du territoire également commandées par la disponibilité de la ressource végétale. Dans le prédésert, les éleveurs semi-nomades se déplacent entre plusieurs lieux de résidence en des endroits prédéterminés qui correspondent aux besoins de leurs troupeaux. Ils sont

aussi les uns propriétaires de palmeraies et les autres cultivateurs de céréales 278. Lors de la

descente vers le sud, ceux des steppes qui pratiquaient une transhumance horizontale entre le Sahara en hiver et les Hautes Plaines atlasiques semaient à l’automne dans des fonds de vallée des Hautes Plaines atlasiques et moissonnaient au printemps à la remontée. Le semi- nomadisme des éleveurs des massifs de l’Atlas saharien est une transhumance hivernale qui fait descendre les troupeaux l’hiver sur le piémont saharien et remonter l’été dans les

montagnes. Mais dans tous les cas, il s’agit d’agropastoralisme 279 (fig. 8).

C’est à partir de l’observation de ces mobilités qu’en 1906, A. Bernard et N. Lacroix avaient réparti les populations des Territoires du Sud, nomades et semi-nomades des steppes et des montagnes, en cinq types d’éleveurs : indigènes quasi sédentaires, nomades à parcours très restreints, nomades à campements distincts qui hivernent soit au nord soit au sud de l’Atlas,

nomades à estivage tellien, Sahariens proprement dits 280. Actuellement, les agronomes qui

277 Arbos 1922.

278 Capot-Rey 1953, 271-278.

279 Sur les relations avec l’achaba actuelle, cf. Laporte 2014, 545-547. J.-P. Laporte relève les aspects positifs des relations entre nomades et sédentaires (ibid., 542).

280 Bernard & Lacroix 1906, 74-99.

Fig. 8 .Transhumance dans les Aurès. Le finage de la tribu de l’Ahmar Khaddou comprend quatre terroirs échelonnés des crêtes (alt. 1700 m) au piémont saharien (alt. 50 m) : une zone de replats d’altitude, portant des cultures céréalières tardives ( juillet-août) ; un secteur accidenté et forestier, dans lequel monte paître en été le bétail ; un piémont steppique (la “dakhla”) qui sert de pacage en hiver pour les mêmes troupeaux ; un piémont saharien limoneux où l’épandage des crues permet des cultures céréalières précoces (avril). Les villages sont fixés sur une ligne de source au contact de la montagne et de la dakhla (Côte 1988, 64-65, fig. 10).

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travaillent sur les zones prédésertiques et steppiques du Maghreb distinguent trois grands types d’élevages sur parcours  : l’élevage sédentaire, l’élevage nomade et l’élevage semi- nomade. Dans le cas de l’élevage sédentaire, les troupeaux reviennent chaque soir au village, une gestion qui n’est possible que dans l’Atlas marocain, dans le djebel Amour et dans l’Aurès. Dans celui de l’élevage semi-nomade, le groupe revient périodiquement au même endroit où

il a construit une maison. Les purs nomades habitent sous tente toute l’année 281. En fonction

des secteurs géographiques, des caractéristiques du déplacement, des types d’animaux et de l’utilisation du bétail, A. Bourbouze a distingué et cartographié au Maghreb une dizaine

de mobilitéspastorales selon les régions. Elles se pratiquent sous tente à l’exception du

Haut Atlas marocain 282 (fig. 9). Cette classification permet une lecture de l’occupation de

la bordure steppique du Maghreb, depuis les Hautes Plaines atlasiques jusqu’au piémont présaharien à condition de prendre des distances par rapport à l’usage géohistorique qu’il privilégiait en accord avec les historiens : établir les limites du contrôle militaire de Rome ou à défaut de celui-ci la romanisation entendue comme présence du pouvoir romain. En effet les populations antiques des steppes et montagnes de l’Atlas saharien, celles que leur mobilité caractérise – nomade, semi-nomades et même simples transhumants –, font l’objet d’une perception négative dont l’origine est double. Elle vient principalement des sources écrites et de l’interprétation que les historiens modernes en ont faite.

281 Capot-Rey 1953, 252. 282 Bourbouze 2006.

Fig. 9. Les mobilités pastorales régionales. 1. Haut Atlas occidental : petite transhumance estivale en bergerie de haute montagne ; 2. Haut Atlas central et oriental : grande transhumance estivale ou double (estivale et hivernale) ; 3. Moyen Atlas : transhumance estivale ou transhumance double en moyenne montagne ; 4. Versant saharien de l’Atlas : semi-nomadisme (hiver sur les plateaux sahariens, été en montagne) ; 5. Steppes de l’est du Maroc : hiver sur les plateaux alfatiers sahariens, printemps et été sur les parcours à armoise du nord ; 6. Steppes algériennes (“achaba”) : semi-nomadisme (hiver en steppe, été sur les chaumes des plaines céréalières) ; 7. Semi-nomadisme saharien (dromadaires) : hiver au Sahara, été près des oasis ; 8. Sud Tunisie : transhumance estivale exceptionnelle vers les plaines céréalières du nord (“friga”) ; 9. Sud Tunisie : semi-nomades (hiver au désert ; été près des oasis et des zones de cultures).

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Territorialités nomades et État dans les sources textuelles

Les administrateurs romains qui prenaient la suite des rois africains venaient de la rive nord de la Méditerranée où les formes anciennes de nomadisme avaient disparu depuis longtemps. Les récits historiques qui nous renseignent sur le pastoralisme l’abordent sous l’angle politique ou militaire et non comme une activité économique soumise à la contrainte climatique. Alors que le nomadisme est une forme de territorialité particulière correspondant à une organisation de type confédérale, il est confondu avec l’errance. L’éleveur nomade est considéré comme étranger par essence au monde de la cité qui définit un modèle de vie civilisée. Cette exclusion a des conséquences sur une historiographie qui privilégie les sources écrites. Les historiens ont majoritairement privilégié la perception négative de ces populations dans les sources gréco-latines parce qu’étant contemporaines, elles étaient présumées être les plus fiables. Formés dans la tradition occidentale pour laquelle la Grèce des cités est la mère de la Civilisation, ils en ont eu une approche textualiste qui les a conduits à privilégier les conflits entre deux genres de vie considérés comme antagonistes. Cette approche présente l’inconvénient de ne pas accorder la place qu’ils méritent aux processus d’adaptation de deux formes d’exploitation du milieu, et au point de vue des sociétés pastorales qui ne partageaient pas le même idéal de vie et n’aspiraient pas à devenir des sédentaires. Ainsi en 1998, sollicité à contribuer à un numéro thématique de la revue Espace/Temps consacrée aux rapports entre histoire et géographie, J.-M. Bertrand explique que l’historien de l’Antiquité étudie “l’animal politique dans son milieu naturel, la cité (grecque)”. Car pour lui “ce n’est pas le terroir qui imposa sa forme à ce système, mais le

discours de l’homme” 283.

Dans ces conditions, une anthropologie antique recourt au mythe et celui-ci essentialise le nomade : le nom des peuples s’expliquerait par leur histoire et en rendrait compte. Ici celui de Maures serait une déformation de Mède dans la langue des Libyens, ce qui en rattache l’origine aux mythes héracléens. Ces peuples seraient arrivés d’Espagne par le détroit de Gibraltar avec l’armée d’Hercule et se seraient mélangés aux Gétules et aux Libyens. G. Camps a montré que le rapprochement entre le grec nomadès et Numide résulterait d’un calembour para-étymologique faisant dériver du mot qui signifie nomade ce mélange des Gétules et des Libyens parce que Strabon dit que “constamment […] à la recherche de terres nouvelles, ils

passaient d’une région à l’autre” 284. À ce titre, la figure de Massinissa peut être rapprochée

de celle d’Alexandre, roi civilisateur 285. De son côté, R. Rebuffat relève la part d’imagination

que comporte l’affirmation de Polybe selon lequel “la Numidie avait été jusqu’alors stérile et regardée comme incapable de produire des fruits mangeables ; [Massinissa] montra le

premier qu’elle pouvait aussi bien qu’aucune autre terre en porter” 286. Comme il l’écrit, “le

mythe du héros sédentarisateur doit aussi empêcher de prendre au pied de la lettre les renseignements d’allure chronologique fournis par l’histoire textuelle. Ce n’est pas plus Massinissa qui a sédentarisé les Africains qu’Isis les Égyptiens. Il s’ajoute à cela que ce roi

283 Bertrand 1998.

284 Strab., Géographie, 2.5.33 ; Camps 1980, 20 et 91-92. Sur ces mythes, cf. Desanges 1980, 482-483. 285 Sur ce traitement des conquêtes d’Alexandre, cf. Briant 1983.

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étant proromain, il était ipso facto considéré comme un ‘sédentarisateur’ face aux ennemis

nomades” 287.

Actuellement la Libye reste le seul secteur pour lequel une tentative de modélisation de l’évolution des systèmes agropastoraux dans la longue durée a été tentée (fig. 10). Elle prend en compte les trois unités paysagères distinguées : une plaine littorale aux sols pauvres et au climat méditerranéen, une montagne (Jebel Akhdar) moins chaude et mieux arrosée où l’agriculture est praticable et le plateau du prédésert où, l’hiver, les troupeaux sont conduits et quelques cultures pratiquées. À une époque récente, un équilibre s’était établi entre quatre types d’éleveurs : des éleveurs de chèvres sur le littoral, des éleveurs de moutons et de chèvres qui se déplaçaient entre la montagne et le plateau, des chameliers oscillant dans le même espace et d’autres qui allaient jusqu’au désert. Le problème est ensuite d’évaluer l’impact que les dominations qui se sont succédées ont eu sur ces formes de pastoralisme. Dans le cas de la Libye, à partir des données disponibles, G. Barker supposait que la mise en

valeur agricole de la montagne à partir du iiie siècle avait obligé les éleveurs de chèvres et de

moutons à devenir chameliers 288.

287 Rebuffat 1990, 239 ; Rebuffat 1999, 273-276 (sur la Tingitane).  288 Barker 1981, 144.

Fig. 10. Modélisation des mobilités pastorale en Cyrénaïque de l’époque préhellénistique à la fin de l’Antiquité (d’après Barker 1981).

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C’est l’évolution déjà proposée par S. Gsell, sans les conséquences géopolitiques qu’il en tirait sur le refoulement des nomades. En Algérie, les préhistoriens sont les seuls à s’être intéressés à la place de la transhumance durant les périodes anciennes dans l’Aurès. C. Roubet qui a établi l’existence de cette pratique durant le néolithique pour l’élevage caprin et ovin au Maghreb oriental suggérait que “les Chaouia, Berbères de l’Aurès présentent dans leur mode de vie archaïque bien des traits qui peuvent assurer la liaison entre le peuplement

préhistorique et le peuplement actuel” 289. Pour l’époque romaine, il existe une importante

documentation épigraphique non exploitée dans l’est de l’Algérie. Les deux magistri de la cité de Thibilis (Announa) se rendaient tous les ans dans le djebel Taya entre la fin mars et le début de mai au printemps et faisaient graver une dédicace à Bacax Augustus sur les parois d’une grotte. Le djebel Taya qui culmine à 1208 m est un des massifs qui bordent au nord le bassin de Guelma dans le prolongement vers l’est de la chaîne numidique. Dans une autre grotte du djebel Chettaba dans la région de Constantine, le magister du Castellum Phuensium

rendait un culte identique à une divinité désignée par les initiales GDAS 290.

Marges arides et limes en Maurétanie Césarienne

Dans son article sur la bordure saharienne de l’Algérie orientale, J. Despois a fortement mis en évidence les effets de l’orientation des écoulements sur l’agriculture. En Algérie orientale, de grands oueds qui coulent du nord vers le sud drainent les hautes plaines telliennes et les massifs montagneux qu’ils traversent vers les basses plaines sahariennes qui profitent de leurs épandages. À l’ouest, le piémont saharien ne bénéficie que très partiellement des précipitations tombées sur l’Atlas : les oueds évacuent les eaux vers le littoral méditerranéen au nord. C’est le cas des deux branches supérieures du Chélif, le Nahr- Ouassel, la principale, qui prend sa source en plein Atlas saharien dans le djebel Amour et l’oued Touil, qui draine le Sersou ainsi que les hautes vallées du Sig, de l’Habra, de la Mina et des affluents de la rive gauche du Chélif qui collectent les eaux tombées sur les massifs

telliens 291. De ce fait, les régions de l’ouest cumulaient les effets défavorables de ce drainage

à ceux de la météorologie. Avec des précipitations annuelles inférieures à 300 mm, le climat des Hautes Plaines algéro-marocaines présente une aridité plus forte que celui des Hautes Plaines constantinoises. Deux facteurs expliquent cette situation : le premier est la barrière de la chaîne atlasique marocaine qui diminue l’occurrence de pluies sur l’ouest de l’Algérie ; le second est l’existence d’un anticyclone, centré sur l’Espagne et le Maroc, qui en réduit encore l’éventualité et occasionne des sécheresses. Ainsi à Oran qui reçoit en année normale une moyenne de 375 mm d’eau par an la tranche d’eau a été réduite à 173 mm en 1983. Dans l’Antiquité, les conditions météorologiques étaient semblables. Elles rendent compte d’une sécheresse rapportée par Arnobe de Sicca Veneria dans son traité contre les païens. Il explique que, dans l’année où il écrit, 297 ou 298, la sécheresse sévissait chez les Gétules et en Maurétanie Tingitane, alors que les Maures de Césarienne et les Numides faisaient de

belles moissons 292.

289 Roubet & Carter 1984. 290 Camps 1991b.

291 Despois 1942. Cf. supra et fig. 2. 292 Arnobe, Aduersus gentes, 1.16.

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J. Despois considérait que, par ses conséquences sur les possibilités agricoles, ce double handicap constituait un facteur explicatif d’un système militaire conçu pour contrôler un “Maghreb utile” dont la limite méridionale “est, à l’ouest, parallèle au littoral, dont elle n’est distante que de 100 à 120 kilomètres ; puis dessine un vaste arc de cercle, suivant les Monts du Hodna, les massifs de l’Aurès et des Nememcha et les montagnes de la Dorsale tunisienne” (cf. fig. 6 et 7). Cette vision de la géographie antique de la Césarienne occidentale s’accordait à celle qui s’est imposée aux historiens depuis R. Cagnat. Après le franchissement du Titteri, de l’Ouarsenis, des Monts de Frenda et du Tessala à l’époque sévérienne, la domination romaine s’étend sur une bande de territoire qui s’étire sur près de 600 km entre le Hodna où elle atteint une largeur de 200 km et la Moulouya où elle se réduit à une cinquantaine de kilomètres. Le poste militaire le plus avancé au sud est Medjedel entre le chott El Hodna et

le Zarez Chergui 293. Désormais, d’Aras (Tarmout au Nord de Msila) à l’est à Numerus Syrorum

(Maghnia) à l’ouest, rocade et ligne de défense, une noua praetentura est jalonnée de camps et de postes militaires. Entre le Chélif et la Mina, elle relie les quatre agglomérations de Boghari, Aïn Toukria (Bourbaki), Tissemsilt (Vialar), Columnata (au sud de Sidi-Hosni ex-

Waldeck-Rousseau) qui paraît avoir été la plus importante et Tiaret 294. P. Salama est arrivé à

la conclusion qu’en Césarienne un premier limes antonin avait eu pour objectif de contrôler les montagnes et qu’un second limes sévérien était dirigé contre les nomades des Hautes Plaines. Il invoquait comme preuve la spécialisation des troupes. Dans la première époque,

les forces d’infanterie sont trois fois supérieures aux forces de cavalerie. Au iiie siècle l’avancée

sévérienne amène un rééquilibrage les forces. “L’ennemi montagnard requiert l’action des

cohortes. L’ennemi steppien exige l’intervention des ailes” 295.

Nomades et sédentaires dans les Hautes Plaines algéro-oranaises : le Sersou

Ce limes a fait l’objet de deux interventions lors du colloque sur les Frontières et limites

géographiques de l’Afrique du Nord publié en hommage à P. Salama à qui l’on doit l’essentiel

des travaux qui ont porté sur lui entre les années 1950 et 1990. Dans la première, Y. Le Bohec a souligné que l’historiographie actuelle confirmait la conception de R. Cagnat de frontières linéaires en apportant des précisions à la chronologie des établissements militaires et il a complété la liste des unités militaires qui y avaient stationné. Cependant en élargissant le débat sur la signification de ce limes, N. Benseddik est revenue sur l’identification d’un certain nombre de sites comme des établissements militaires, situation peu compatible avec les moyens disponibles, ce qui l’a conduite à contester l’image d’un paysage archéologique maurétanien qui “n’est que postes, tours, fortins, forteresses”. Alors que l’on s’attendait à retrouver dans ce secteur un peuplement militaire, la mention de populi noui ex Africa sur une inscription datée des années 202-204 à Saneg (Vsinaza), 10 km à l’est de Ksar el

Boukhari, apportait la preuve de l’installation de populations civilesdans le Titteri sur la

noua praetentura 296.

293 Gsell 1911, f°35, entre 207 et 208 p.C. 294 Salama 1976 ; Benseddik 1999. 295 Salama 1977, 581.

296 Benseddik 1992 (AE, 1995, 1791 = AE, 2002, 1707) : populis nouis ex Africa inlatis oppid[u]m Vsinazensem

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En 1883, dans son Voyage d’étude dans une partie de la Maurétanie césarienne, R. du Coudray de La Blanchère avait insisté sur l’importance du peuplement ancien de la partie située immédiatement au sud de l’Ouarsenis et des monts de Saïda qu’il avait parcourue. Cette région correspond au Sersou, une région de hautes terres (950 m d’altitude moyenne) de 100 km de longueur, 35 km de largeur à l’est et seulement 20 km à l’ouest qui fait transition entre les chaînes telliennes du Titteri et de l’Ouarsenis et les Hautes Plaines proprement dites, territoires à alfa. Les géographes y distinguent trois unités physiques : à l’est, le Sersou de Tiaret, un grand plan incliné vers le sud-est, au nord-est la cuvette de Tissemsilt (Vialar), une zone déprimée à 840 m dans les marnes miocènes et à l’est le Plateau du Sersou qui

en est séparé par la vallée du Nahr Ouassel 297. La vallée de la Mina ouvre un passage aux

pluies à travers la barrière montagneuse et la rend partiellement cultivable. Comprise à l’intérieur des isohyètes 500 et 400 mm, cette région se rattache au domaine semi-aride. Elle bénéficie des conditions beaucoup plus favorables que celles qui règnent sur l’immense région steppique qui s’étend au sud entre la Moulouya et le Hodna. En dehors de la région de Tiaret où subsistent des lambeaux de forêts de pins, le paysage végétal se caractérise par l’absence d’arbres.

Nous avons vu que les conditions climatiques y permettaient la culture de la vigne. Les

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