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Les niveaux de soins

Dans le document Le soin à la lumière d'Emmanuel Levinas (Page 34-36)

1. Mise en contexte sur le soin

1.2 Quand la posture curative devient le soin

1.2.3 Les niveaux de soins

Pour l’instant, ce recensement nous a permis d’examiner ce qu’il en est de l’usage du mot « soin » dans des textes importants encadrant les droits civils en matière de santé et les devoirs professionnels pour les intervenants en santé. La suite de cet exercice s’attarde plus précisément à la pratique des médecins dans la détermination du niveau d’intervention médicale, aussi appelé niveau de soins. Les niveaux de soins sont employés par les membres du corps médical dans le but de les guider quant au choix des orientations médicales et des interventions à mettre en œuvre pour un patient singulier. Il s’agit d’un outil visant à déterminer l’intensité des interventions en fonction de la condition clinique du patient, de ses volontés, de ses valeurs, des objectifs de l’équipe médicale, ainsi que des ressources à leur disposition. En général, on distingue trois niveaux de soins : soins curatifs optimaux, soins curatifs proportionnés et soins de confort.

Les soins curatifs optimaux ne doivent pas être perçus comme des soins de meilleure qualité comme pourrait le laisser croire l’adjectif « optimal ». Ils ont comme objectif de maintenir ou de corriger un état de santé altéré par tous les moyens disponibles. On entend par-là, toutes les actions médicales accessibles, souvent très spécialisées, dans l’établissement telles que la défibrillation, l’intubation et autres traitements sophistiqués.

Les soins curatifs proportionnés visent la correction d’un état de santé altéré par tout moyen proportionné, c’est-à-dire raisonnable. Ce niveau est complexe puisqu’il n’y a pas toujours consensus sur les interventions jugées acceptables à mettre en place afin de traiter un patient. Ce qui est raisonnable pour un peut ne pas l’être pour l’autre étant donné la subjectivité de chacun. Règle générale, est dit raisonnable toute intervention médicale proportionnée à la condition de santé et prenant en considération le calcul des bénéfices et des préjudices en fonction du pronostic de l’usager. Par exemple, chez une personne souffrante de démence avancée, il pourrait être jugé déraisonnable de traiter une anomalie cardiaque nécessitant une importante chirurgie considérant les sérieux risques opératoires et postopératoires pour cette clientèle.

Finalement, les soins de confort ont comme objectif général de soulager la souffrance de la personne, dans ses nombreuses dimensions, sans toutefois espérer une guérison ou une survie. Ces interventions ne visent que le confort global de l’usager.

Une analyse sur la détermination des niveaux de soins à travers certains documents ministériels et professionnels43 révèle qu’il y a une signification commune des termes « soin », « traitement » et « intervention » dans le langage propre aux membres du corps médical. Certains thérapeutes utilisent cet outil en le désignant par le guide des niveaux d’intervention médicale, tandis que d’autres s’y réfèrent comme une grille des niveaux de soins. N’empêche que dans la description de chacun de ces trois niveaux, il y a consensus entre les partis sur le fait qu’autant les interventions que les soins renvoient aux moyens médicaux mis en place au profit de la personne malade.

Qui plus est, il y est également mentionné que ces moyens cherchent à corriger un état de santé dans le sens où ils ont une incidence directe et prévisible sur la maladie du patient. Le soin prend alors une dimension mécanique et biomédicale intrinsèque aux traitements thérapeutiques.

Finalement, une description de l’intensité des différentes interventions sous-tend qu’il y a, dans les différents milieux de la santé, une hiérarchisation des soins. D’une part, les soins techniques, ultras spécialisés et invasifs que l’on retrouve généralement dans les services de soins intensifs. D’autre part, il y a aussi les soins moins spectaculaires et parfois jugés ordinaires comme dans les services de soins généraux où les traitements prodigués par le personnel soignant nécessitent une surveillance moins importante compte tenu de l’état généralement plus stable des patients qui y séjournent. Cette hiérarchisation de l’intensité des interventions pointe vers une direction unique. Les soins sont perçus, par les personnes concernées, comme la face externe de l’activité soignante. Qu’ils soient sophistiqués, issus des dernières avancées scientifiques, complexes, ou, à l’inverse, simples et coutumiers, c’est essentiellement sur l’aspect extérieur de la pratique des professionnels que le soin est reconnu. Comme quoi, les soins sont ces actes instrumentalisés et techniques

43 Cadre de référence sur la détermination de l’intensité des soins. Un processus de communication, une

décision partagée, Direction régionale des affaires médicales, universitaires et hospitalières, Agence de la

santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale, mars 2012 et La pratique médicale en soins de longue

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qui nécessitent une certaine expertise et une habileté, et qui s’inscrivent dans une approche mécanique de l’agir médical. Il semble que la visée curative, celle qui consiste à vouloir traiter la maladie pour freiner la mort, soit désormais l’image issue de la culture du soin moderne. Force est de reconnaître que dans le langage courant propre aux intervenants en santé, soigner c’est traiter.

Ce qui est mis de l’avant, c’est l’association, voire l’identification, du soin au traitement. Dans le milieu médical, le terme « soin » semble être exclusivement réservé au vocable « traitement », ce qui montre bien qu’ils sont pensés strictement comme des synonymes. Cette assimilation du soin à sa posture curative est tributaire du rapport que nous entretenons avec la santé, la maladie et la mort. C’est sur ces relations que se poursuivra notre analyse en ce qui concerne notre représentation du soin.

Dans le document Le soin à la lumière d'Emmanuel Levinas (Page 34-36)

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