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Chapitre V. Méthodologie de la recherche

5.1 Les informateurs

5.1.3 Niveaux des apprenants

Pour établir le niveau des apprenants en L2 nous nous sommes tout d’abord servie de tests de grammaire. Pour l’italien L2 nous avons choisi d’utiliser L’Oxford Placement Test (OPT) pour la langue italienne. Il s’agit d’un test à choix multiples contenant 51 questions de grammaire et de vocabulaire qui deviennent de plus en plus complexes au fur et à mesure qu’on approche de la fin du test. Tous les apprenants d’italien ont accepté de passer ce questionnaire.

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L’OPT pour la langue italienne permet d’identifier cinq niveaux sur la base des scores obtenus : Complete Beginner (1-10), Lower Intermediate (11-20), Intermediate (21-31),

Upper Intermediate (32-40), Advanced (41-51). Chez nos apprenants d’italien, personne ne

correspond aux niveaux complete beginner ou lower intermediate. Dans notre étude le niveau intermediate correspond au niveau intermédiaire (niveau B1-B2 du CECRL21) et le niveau advanced au niveau avancé (C1 du CECRL). Aucun de nos apprenants ne peut être considéré comme un quasi-natif.

Pour les apprenants du français L2, nous avons utilisé un test de français, élaboré par le DEFI de l’Université Lille 322

se composant de trois parties grammaticales: la complexité est évidemment plus importante dans la troisième partie. Chaque partie inclut également une production écrite. Néanmoins, en raison de sa longueur, les concepteurs de ce test ont également créé un barème pour établir le niveau qui ne tient pas compte de la production écrite et c’est justement ce type de barème que nous avons respecté. Ce test permet de distinguer quatre niveaux du CECRL: A2 (entre 20 et 25 scores), B1 (entre 25 et 35 scores), B2 (entre 35 et 45 scores), C1 minimum (entre 50 et 58 scores). Sur la base des résultats issus de ce test tous nos apprenants auraient un niveau entre le B1 et le C1, donc intermédiaire vs. avancé.

L’emploi de ce deux types de test nous a permis d’effectuer un premier classement de niveau. Cependant, ils se sont avérés insuffisants pour les besoins de notre recherche, étant donné qu’ils visent à évaluer la compétence grammaticale écrite des apprenants alors que, comme nous l’avons déjà dit, notre objectif est de disposer de groupes homogènes afin d’analyser leur conceptualisation des relations spatiales dynamique dans une tâche narrative orale. Ceci justifie très probablement les contradictions relevées entre les scores obtenus à l’écrit et leur niveau à l’oral: à titre d’exemple, selon le test employé, la plupart des apprenants auraient un niveau avancé, alors que leurs productions langagières semblent être plutôt typiques des apprenants ayant un niveau intermédiaire. Ainsi, pour préciser le

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Le CECRL (Cadre Commun Européen de Référence pour les Langues, 2001) identifie six niveaux de compétence : A1, A2, B1, B2, C1, C2.

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Ce test a été élaboré par le DEFI (Département de l’Enseignement du Français à l’International) de l’Université Lille 3 pour établir le niveau des étudiants étrangers du FLE et les orienter vers le niveau qui leur correspond. Il a également été utilisé dans les Projets ANR Langacross I et II (axe Relations additives et contrastives) pour établir justement les niveaux de compétence des informateurs en FLE.

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niveau de nos informateurs nous avons également analysé leurs productions orales en prenant en compte deux paramètres: la morphologie verbale et la complexité syntaxique. En ce qui concerne la morphologie verbale, nous avons considéré la variété des formes verbales employées – à savoir tous les temps de l’indicatif, le subjonctif, le conditionnel, l’infinitif –, la correspondance entre forme et fonction (par exemple si un infinitif est employé dans un contexte fini) et la concordance entre les temps verbaux utilisés.

Concernant la syntaxe, nous nous sommes focalisée sur la complexité des phrases construites par l’apprenant. Plus particulièrement, nous avons pris en compte l’emploi d’énoncés simples ainsi que le nombre et le type d’énoncés multipropositionnels produits (présence/absence de phrases subordonnées complétives, temporelles, relatives, causales et expression de l’hypothèse).

Ce qui distingue les productions de nos apprenants intermédiaires des avancés est tout d’abord la diversification dans l’emploi de la morphologie verbale qui devient de plus en plus riche et développée tout au long du développement linguistique en L2 (Bartning 1997 ; Bartning & Schylter 2004). A ce propos, les apprenants intermédiaires maîtrisent, au moins dans le test de grammaire, le présent, l’imparfait, le passé composé, mais présentent encore des distinctions très fragiles forme/fonction à l’oral, comme le montrent les extraits 28a et 28b. En revanche, on retrouve chez les avancés l’emploi du subjonctif (ex. 28c-d) et de toutes les formes du passé de l’indicatif, voire le passé simple/passato remoto (cf. ex. 28e). Ces formes ne sont pas toujours utilisées à bon escient dans leurs récits (problème de correspondance forme-fonction), mais les emplois erronés en contexte se raréfient par rapport à ceux attestés chez les intermédiaires.

(28a) ici le jeune garçon est m : est dormi [= dort] dans un lit avec son chien

(App2.Ang L1> FrL2 Int)

(28b) il cane e il ragazzo fa [//] fare [= fanno] una passeggiata sulla lago

(App2.AngL1>Ita L2 Int)

‘le chien et le garçon fait [//] faire [font] une promenade sur le lac’

(28c) poi sembrava che ci fosse un buon rapporto fra il bambino e il suo cane

(App1.AngL1>Ita L2 Ava)

‘après il semblait qu’il y avait un bon rapport entre le garçon et le chien’

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‘il me semble qu’ils rentrent à la maison’

(28e) si mise una copertura [= si mise una coperta addosso] (App1.FrL1>Ita L2 Ava)

‘il se mit une couette’

Pour ce qui est de la syntaxe, les intermédiaires privilégient la parataxe, bien qu’ils se servent également de certaines formes de subordonnées, telles que les relatives (qui/ que,

che, cf. ex. 29a), les temporelles (quand, tandis que/quando, mentre, cf. ex. 29b-c et 29g),

les causales (cf. ex. 29d), les finales (cf. ex.29e) et les complétives (cf. ex. 29f-g). L’emploi des subordonnées devient plus diversifié et plus fréquent chez les apprenants avancés, qui ont même été capables d’exprimer l’hypothèse (cf. ex. 29h).

(29a ) le petit garçon porte des chaussures / qui sont très larges (App8-Ang L1 > FrL2 Int)

(29b) le jeune garçon cherche pour le frog@s:eng / tandis que le chien saute m. saute par

le nid m : pas loin d’un [/] d’un arbre (App3Angl L1 > FrL2)

(29c) poi quando si alza / la rana non è più qui (App7.Fr L1>Ita L2)

‘puis quand [il] se lève / la grenouille n’est plus là’

(29d) poi nello stesso momento il cane corre / perché gli api sono [/] sono seguitando

lui [//] a lui (App8.FrL1> Ita L2 Int)

‘puis en meme temps le chien court / parce que les abeilles le suivent’

(29e) poi il ragazzo è uscito / per vedere se il cane andava bene

(App9.FrL1> Ita L2 Ava)

‘puis le garçon est sorti / pour voir si le chien allait bien’

(29f) ils peuvent voir que la grenouille est échappé pendant le nuit [//] pendant la nuit

pardon (App7.Ang L1> FrL2 Int)

(29g) quando il ragazzo e il cane si svegliano / vedono che la [/] la rana non è più

nel boccale (App2.Fr L1> Ita L2 Ava)

‘quand le garçon et le chien se réveillent / ils voient que la [/] la grenouille n’est plus dans le bocal’

(29h) quindi lui cerca di andare su questa pietra / magari per vedere se il ranocchio

magari sia andato più dentro nel bosco (App1.AngL1>Ita L2 Ava)

‘donc il essaye d’aller [= monter] sur cette pierre / peut-être pour voir si la grenouille peut-être est allée plus loin dans le bois’

Les apprenants avancés produisent donc des énoncés plus complexes. C’est justement sur la base de cette complexité morphologique et syntaxique que nous avons classé les apprenants dans deux niveaux différents. Les tests de grammaire, certes, ont été importants

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car ils nous ont permis de mieux comprendre le processus acquisitionnel sous-jacent. Autrement dit, l’évaluation de la compétence écrite montre que l’apprenant a probablement déjà rencontré certaines structures complexes en classe de langue, mais qu’il m’arrive pas encore à les mettre en pratique lors de l’accomplissement d’une tâche complexe à l’oral, qui ne lui laisse pas le temps de réfléchir et de soigner la formulation langagière. Par conséquent, en raison de l’objectif que nous nous sommes donné, le paramètre qui a joué le rôle le plus important pour établir les niveaux de compétence correspond au degré de

complexité morphologique et syntaxique dans les productions orales sollicitées par la tâche

orale demandée.

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