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Niveaux des concentrations minimales inhibitrice (CMI), bactéricide (CMB) et

Chapitre III. Résultats et Discussion

III.4. Propriétés biologiques des polyphénols, caroténoïdes, bétalaïnes et alcaloïdes des

III.4.4. Activité antimicrobienne

III.4.4.2. Niveaux des concentrations minimales inhibitrice (CMI), bactéricide (CMB) et

Le tableau 12 regroupe l'ensemble des concentrations minimales inhibitrices, bactéricides ou fongicides de l’extrait phénolique de jeunes nopals d’Algérie. Les CMI trouvées varient de 0.25 à 0.50mg/mL et sont dix fois plus faibles que celles rapportées pour l'extrait hydro- méthanolique de polyphénols de nopals de l'Afrique du Sud par Aruwa et al. (2019) pour tous les microorganismes testés.

Tableau 12: Concentration minimale inhibitrice (CMI) et concentration minimale bactéricide/fongicide (CMB/CMF) de l’extrait phénolique de jeunes nopals d'Opuntia d’Algérie.

La souche CMI

(mg/mL)

CMB/CMF

(mg/mL)

Bactérie Gram +

Bacillus cereus ATCC 10876 0.25 0.5

Staphylococcus aureus ATCC 33862 0.5 1

Bactérie Gram -

Pseudomonas aerugenosa ATCC 27853 0.5 1

Escherichia coli ATCC 25922 0.5 1

Proteus mirabilis ATCC 35659 0.5 1

Klebsiella pneumoniae ATCC 13883 0.5 1

Bactérie bénéfique

Bifidobacterium animalis subsp lactis R R

Souche fongique

Candida albicans ATCC 10231 0.5 1

La bactérie bénéfique, Bifidobacterium animalis subsp lactis (Bb12) a fait l'exception et n'a montré aucune sensibilité aux polyphénols de nopals aux concentrations testées. Ce résultat confirme celui du test de diffusion sur gélose par puits. Ainsi, une fourchette de CMI plus haute mais très proche (1.25 à 2.5 mg/mL) a été signalée par Moosazadeh et al. (2014) pour l'extrait de fruit d'Opuntia contre E. coli, B. cereus, P. aeruginosa.

L'intervalle de concentration minimale bactéricide des polyphénols de nopals d’Algérie était de 0.5 à 1 mg/mL pour les différentes souches testées. Sánchez et al. (2016) ont décrit pour les cladodes d'Opuntia une CMB de 4 mg/mL et 1 mg/mL, contre Escherichia coli et

Staphylococcus aureus, respectivement.

L'activité fongistatique des polyphénols des nopals contre Candida albicans était de l'ordre de 0.5 mg/mL, alors que la concentration minimale fongicide atteint 1mg/mL. L’extrait phénolique des jeunes nopals d’Algérie est plus puissant contre cette levure que celui des feuilles de thé vert aux CMI de 12.5, 25 et 100 mg/mL pour des charges de la même levure de 0.5×10³, 1×10³ et 2×10³ cellules/mL (Yadegari et al., 2009). Or, l'activité antifongique des fractions hexanique, chloroformique et éthanolique des cladodes de Nopalea cochenillifera contre C.

albicans était remarquablement plus élevée au vu des faibles CMI enregistrées (250, 250 et 3.9

μg/mL, respectivement) (Gomez-flores et al., 2006).

Actuellement, l’antibiorésistance constitue le plus grand défi que les microorganismes posent à l’humanité qui, pour l’instant, ne dispose pas de solution durable. L’utilisation des composés phytochimiques naturels est une des solutions envisageables en raison de la diversité

végétale en tant que source en biomolécules actives pouvant rivaliser ou contrer la redoutable diversité des microorganismes. C’est cette nouvelle stratégie palliative qui pourrait, à court et moyen terme, contribuer à relever partiellement ce défi (Welegerima et al., 2018).

Tegos et al. (2002) suggèrent que les phytomolécules à CMI de l'ordre de 100 à 1000 µg/mL peuvent être considérées comme antimicrobiens. Néanmoins, ces auteurs précisent que les antimicrobiens végétaux ne sont actuellement pas utilisés de manière systématique en raison de leur faible activité, en particulier contre les bactéries à Gram négatif, vu que leurs CMI restent encore supérieures à celles des antibiotiques bactériens et fongiques typiques (0.01 à 10 µg/mL).

Aruwa et al. (2019) attribuent le large spectre d'activité antimicrobienne des polyphénols à la teneur de composés polyhydroxylés, d'acides phénoliques et de dérivés de flavonoïdes. Certains auteurs (Kalil et al., 2014 ; Moosazadeh et al., 2014) font le lien entre la variation des CMI et les différences mineures dans les techniques appliquées telles que la durée d'incubation et la taille de l'inoculum utilisée. Dans ce sens, le méthanol utilisé comme solvant d’extraction dans notre étude permet d’obtenir le maximum de composés phénoliques de nopals. La polarité du méthanol assure l'extraction de phyto-composés antimicrobiens actifs polaires et modérément polaires comme les tanins, les flavones et les polyphénols (Cowan, 1999).

L’âge des nopals est un autre paramètre signalé par Blando et al. (2019) responsable des différences dans le degré d’inhibition de la croissance bactérienne. Ces auteurs ont montré que la bactérie à Gram négatif, Escherichia coli ATCC 25922, et à Gram positif, Staphylococcus aureus

ATCC 25923, ont été respectivement inhibées à des concentrations de 2 et 1.5 mg/mL d'extrait

de cladode mature, et de 1.5 et 1 mg/mL de cladode immature. De ce fait, les métabolites des cladodes immatures, autrement dit en jeune âge ou nopals, sont plus efficaces comme source d’agents antimicrobiens par rapport à ceux des cladodes âgés ou matures.

La souche B. animalis subsp. Lactis (Bb12) fait partie du microbiote intestinal normal du tractus gastro-intestinal des humains et des animaux, et est volontairement ajoutée dans les aliments fonctionnels et les compléments alimentaires en tant que probiotique source de bien être (Gwiazdowska et al., 2015). L’effet antimicrobien des polyphénols reste très variable selon leur type, structure et leur concentration ; ainsi que selon l’espèce considérée (Gwiazdowska et al., 2015).

Selon Gwiazdowska et al. (2015), l'impact de certains flavonoïdes comme la naringinine, la quercétine, la rutine, et des acides phénoliques p-coumarique, férulique, sinapique, caféique, chlorogénique, gallique et vanillique, testés à 2, 20 et 100 µg/mL sur la

croissance de B. bifdum et B. adolescentis a été différent, stimulants et inhibiteurs par rapport au témoin positif, en temps dépendance. Ils ont trouvé que les acides polyphénoliques stimulent les bifidobactéries mieux que les flavonoïdes. D'après ces chercheurs, l'acide caféique a stimulé la croissance des bifidobactéries contrairement au résultat de Lee et al. (2006).

La croissance de B. bifdum a augmenté jusqu'à 37% en présence de rutine, contrairement au ralentissement observé par la quercétine et la naringine (Gwiazdowska et al., 2015). En plus, Duda-Chodak (2012) ont trouvé que la naringénine et la quercétine ralentissent ou même inhibent complètement la croissance de Bifdobacterium catenulatum, tandis que leurs glycosides ; naringine et rutine, n'exercent aucune inhibition et peuvent même en stimuler la croissance. L'effet stimulant des catéchines sur la croissance de Bifdobacterium sp. décrit par Tzounis et al. (2008) est absent dans le travail de Duda-Chodak (2012).

Or, des espèces sont plus susceptibles que d'autres vis-à-vis des polyphénols, à l'exemple de B. bifdum qui y est plus sensible que B. adolescentis (Gwiazdowska et al., 2015). L'effet probiotique de l'acide caféique, coumarique et férulique remarqué à 100 mg/L, s'était converti en effet inhibiteur net à des concentrations de 500 et 1000 mg/L (Stead, 1993). Gwiazdowska et al. (2015) ont observé une inhibition dose-dépendante de B.bifidum par la quercétine. Par ailleurs, Stead (1994) a remarqué que l'effet des acides chlorogénique et gallique est dépendant de la phase de croissance des bactéries. Le plus fort impact des polyphénols testés par Gwiazdowska

et al. (2015) sur la croissance des bifidobactéries était pendant les premières heures d'incubation.

Selon Smith et al. (2005), les bactéries peuvent employer plusieurs mécanismes pour surmonter l'inhibition par les polyphénols ; notamment la modification/dégradation, la dissociation des complexes polyphénol-substrat, l'inactivation des polyphénols par des liants de haute affinité, la modification / réparation membranaire et la séquestration des ions métalliques.

En plus de cette résistance aux polyphénols, les Bifidobacterium sont capables de les métaboliser pour se croitre et contribuer à la protection de la barrière intestinale (Moreno-Indias

et al., 2016). Ce genre bactérien est apte à catalyser les réactions d'O-déglycosylation et fission

du cycle C des flavonols (kaempférol, quercétine), d'hydrolyse des liaisons ester, clivage du cycle C et déshydroxylation des flavan-3-ols ; et l'O-déglycosylation, O-déméthylation, réduction, clivage du cycle C et déshydroxylation des isoflavones. En plus, l'O-déglycosylation, l’O-déméthylation, la fission du cycle C et la déshydroxylation au niveau du cycle B des flavones (lutéoline, apigénine), ainsi que la désestérification et la déshydroxylation des acides

phénoliques (acide caféique, acide férulique) font partie de leur mécanisme métabolique des polyphénols (Corrêa et al., 2019).

Les polyphénols, dont l'existence dans les nopals est bien établie, se sont avérés antifongique dans d'autres études. La quercétine et le Kaempferol utilisés à une gamme de concentrations allant de 197 à 441μg/mL et l'acide gallique à une CMI égale à 30 μg/mL, ont exercé une activité antifongique contre Candida albicans, comme rapporté par Herrera et al. (2010) et Picerno et al. (2011). Candida albicans est un mycète très résistant qui exprime aussi le transporteur d'efflux multidrogue (MET) comme un moyen de résistance (Hirasawa et Takada, 2004). Comme il existe actuellement peu de médicaments antifongiques efficaces disponibles pour le traitement de la candidose, il est essentiel de découvrir et d'évaluer de nouvelles sources d'agents antifongiques (Pooja et Vidyasagar, 2016).

Les polyphénols et les flavonoïdes peuvent autoréguler la transition morphogénique cruciale pour la virulence de la levure ; de la forme cellulaire à la forme hyphale (Farkach et al., 2018). Les catéchines ont une activité de suppression enzymatique de protéasome de candida

albicans ; produisant par conséquent, une instabilité métabolique, une diminution de croissance

et de formation de biofilm. L'inhibition de protéasome accumule les inhibiteurs de la kinase cycline-dépendante (Cyclin Kinase Inhibitor : CKIs) dans la levure, ce qui perturbe la morphogénèse et le cycle cellulaire de cette levure (Evensen et Braun, 2009). Autrement, ces phénols perméabilisent la membrane cellulaire et perturbent la structure de la paroi de cette levure, permettant ainsi leur passage au cytoplasme pour exercer leur activité antifongique intracellulaire (Evensen et Braun, 2009).

Les résultats enregistrés pour l'extrait phénolique de nopal sont très prometteurs dans la lutte contre des bactéries d'importance alimentaire ou d'ordre de pathogénicité médicale. La recommandation de ces polyphénols pour l'industrie et la conservation alimentaire, ou même dans une optique d'exploration de nouveaux agents antimicrobiens d'utilisation pharmaceutique, passe forcément par le développement de techniques d'extraction, d'isolement et de purification non toxiques et appropriées à une consommation humaine (Bakari et al., 2017; Aruwa et al., (2019). Par ailleurs, les effets comportant les risques et les avantages de ces composés actifs sur la flore microbienne humaine normale doivent être déterminés (Sánchez et al., 2014).