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Bilan au niveau de la salle de séjour

1.2. AU NIVEAU DE LA CHAMBRE À COUCHER

Les usagers qui ont tenté de s’approprier la ou les chambres à coucher, représentent 75 % de l’ensemble des ménages couverts par l’enquête. Cette notable représentativité exprime bien l’attachement qu’accordent les usagers à l’espace dormir. Le reste, soit 25%, ne se sont pas manifestés du tout ou bien ils ont adopté des pratiques peu signifiantes. Cette attitude plus ou moins passive invoque, en effet, une certaine adhésion plutôt partielle au logement proposé.

Cependant, les usagers qui se sont manifesté envers cette partie du logement, ont adopté deux manières d’appropriation vraiment représentatives et significatives :

a - 36 % des usagers ont opté en faveur de la séparation des sexes. b - 64 % ont adopté la pratique de l’adjonction.

a - la pratique de la séparation des sexes.

Cette attitude n’est pas une manière d’appropriation en soit ; c’est une pratique sociale qui relève du registre des méthodes plutôt douces. Elle consiste à réconforter la nécessité absolue de séparer, ne serrait-ce que durant la nuit, les garçons des filles. Pour cela, Les usagers maintiennent la fonction dormir dans la chambre à coucher où le minimum de confort et d’intimité nécessaires sont assurés ; mais ils la destinent exclusivement à un seul sous-groupe familial de même sexe. Cet espace est ainsi affecté soit uniquement aux garçons ; soit uniquement aux filles ; soit encore aux grands parents accompagnés de leurs petits enfants.

a1- L’état chiffré du vécu. - l’exiguïté spatiale.

70 % de ces usagers représentent des ménages dont l’exiguïté spatiale est très contraignante ((T.O.P. > 2, T.O.L. > 6). A priori, cette situation n’offre pas à ce type d’usagers le luxe d’affecter une pièce à un seul sous-groupe familial. L’obstination de

modèle socioculturel traditionnel, notamment aux préceptes religieux concernant la séparation des sexes. Ces prescriptions recommandent aux fidèles d’opérer des ségrégations du genre : masculin/féminin ; marié/célibataire ; personne âgée/personne moins âgée, etc.

Les 30 % de ces usagers se caractérisent donc par une exiguïté spatiale peu contraignante. Cette situation les conforte davantage.

- La position sociale.

30 % de ces usagers représentent des ménages dont la position sociale est de type modeste ; 46 % sont de type moyen. C’est sans doute le manque de moyens financier qui explique le non recours aux manières d’appropriation brutales afin de respecter cette exigence religieuse.

- La maturité citadine.

70 % de ces usagers représentent des ménages de type rural-citadinisé ; 30 % sont de type citadin. En réalité, la ségrégation des sexes ne renvoie exclusivement, ni à l’un ni à l’autre de ces deux degrés de maturité citadine ; c’est une pratique ancestrale qui caractérise toute la population algérienne musulmane.

a2- Les inadéquations.

À l’exception des problèmes engendrés par une très forte exiguïté spatiale, la pratique de la séparation des sexes ne provoque pas des inadéquations aux différents sous-groupes de la famille. En revanche, elle permet aux usagers de réguler la promiscuité sexuelle qui les caractérise.

a3- Les altérations.

Cette pratique ne génère pas des altérations au système spatio-temporel, fonctionnel et symbolique du logement proposé. En effet, les activités spécifiques à la fonctions dormir se déroulent du côté plutôt nuit, par rapport à l’axe jour/nuit. À l’exception où la chambre à coucher en question est utilisée aussi comme espace de séjour, cet axe

jour/nuit est alors déplacé ; les altérations sont identiques à celles causées par l’alternance jour/nuit.

a4- Les stratégies.

La pratique de la séparation des sexes permet aux usagers de sauvegarder certaines de leurs valeurs traditionnelles, plutôt religieuses. Du fait que les axes spatio-symboliques et fonctionnels sont conservés dans leurs positions initiales, ces usagers semblent exprimer leur adhésion au logement proposé. Ce qui leur permet d’exhiber leur ascension socioculturelle à travers la modernité véhiculée par ce type de logement.

b - La pratique de l’adjonction.

Cette manière d’appropriation est adoptée sur la ou les chambres à coucher par des usagers qui représentent, rappelons-le,64 % de ceux ayant réagi sur cet espace. Dans la plupart des cas, les usagers l’associent à la pratique de la séparation des sexes. Cette pratique consiste, en effet, à utiliser les chambres à coucher, de nuit, telles qu’elles ont été conçues. Par contre, de jour, l’une d’elles au moins, est utilisée aussi comme espace de séjour pour toute la famille.

b1- L’état chiffré du vécu. - L’exiguïté spatiale.

65 % de ces usagers représentent des ménages où l’exiguïté spatiale est très contraignante (T.O.P. > 2, T.O.L. > 6). Le recours à cette manière d’appropriation se légitime en fait par le souci de pallier le déficit spatial qui caractérise ce type de ménage afin de rétablir le rapport : taille du ménage / taille du logement.

- La position sociale.

43 % de ces usagers représentent des ménages de position sociale moyenne ; 34 % sont de type modeste. Ces77 % de ménages ne disposent donc pas assez de moyens financiers pour qu’ils puissent envisager des solutions coûteuses. Ils se rabattent sur

- la maturité citadine.

52 % des usagers représentent des ménages de type rural-citadinisé. La pratique de l’adjonction associée à la séparation des sexes ne révèle pas une certaine ingéniosité pouvant se manifester face un problème d’exiguïté spatiale. En revanche, c’est une pratique sociale qui relève du mode d’habiter traditionnel que les usagers en avaient déjà l’expérience auparavant.

b2- les inadéquations.

Le fait que l’une des chambres à coucher est utilisée aussi comme espace abritant les activités du genre séjourner, ne va pas sans conséquences sur les rapports entre les différents sous-groupes familiaux. En effet, pour le sous-groupe des femmes, il n’y a pas de problème ; par contre, pour celui des hommes, celui-là se voit obligé de quitter le lieu, dès qu’une personne étrangère arrive. Ce sont les mêmes inadéquations qu’on retrouve lors de l’adoption de l’adjonction sur la salle de séjour.

b3- les altérations.

La séparation des sexes qui est associée dans ce cas à l’adjonction, ne provoque pas des déplacements dans les axes spatio-temporels, fonctionnels et symboliques. C’est plutôt le cumule des activités du genre séjourner sur l’une des chambres à coucher qui est à l’origine du déplacement des axes spatio-temporels fonctionnels et symboliques : Intime/moins Intime ; Montré/Caché ; Privé/ Public.

Par ailleurs, au cas où la salle de séjour est strictement réservée à la réception des invités, et cela en même temps de l’adjonction sur une des chambres à coucher, le logement est alors divisé en deux espaces : l’un est destiné aux étrangers (les invités, les étrangers) ; l’autre à la famille. À l’intersection des deux axes se crée un espace central qui va jouer le rôle de patio de la maison traditionnelle.

(Voir page suivante : le Principe de la pratique de l’adjonction adopté sur la chambre à coucher)

Figure 49 :Principe de la pratique de l’adjonction sur la chambre à coucher 1 2 4 6 5 3

Croquis de la chambre à coucher

1 – Matelas 2 - Tapis 3 – Table basse 4 – Armoire meublé 5 – Oreillers 6 – Téléviseur

Source : document élaboré à partir du résultat d’analyse.

Se laver Dormir

Sexe A Dormirsexe B

Circuler

Cuisiner Séjourner

Système spatio - symbolique et fonctionnel Logement Conçu

Figure 50: Schémas du principe de déplacements des axes.

Se laver Dormir Sexe A

Circuler

Cuisiner Recevoir les Invités

Système spatio - symbolique et fonctionnel Logement Conçu

Dormir Sexe B Séjourne

Dans ce dernier cas, nous assistons à une véritable restructuration du logement à travers ses axes spatio – symboliques et fonctionnels. La zone réservée à la famille (privée) pourrait se chevaucher avec la zone moins intime (publique).

b4- les stratégies.

Dans le cas où il y a juste l’adoption de l’adjonction associée à la pratique de la séparation des sexes, les usagers sembles retrouver une autre forme d’organisation fonctionnelle, leur permettant de pallier au déficit du à l’exiguïté spatiale.

Par contre, dans le cas où il y a, en plus, une restriction de la salle de séjour à la seule fonction recevoir les invités, il s’agit alors d’un souhait retrouvé, en l’occurrence celui de Dar Edhief (chambre des invités), qui révèle en fait le souci de sauvegarder certaines valeurs du mode d’habiter traditionnel.

En somme, dans le premier cas, l’adoption de cette manière d’appropriation est sous-tendue par une stratégie d’usage et d’utilité. Alors que dans le second, il s’agit plutôt d’une stratégie de valeurs.

Figure 51 :Exemple concret de l’adjonction dans la chambre à coucher.

De jour : La chambre est un séjour pour toute la famille

De nuit : La chambre est un espace de dormir pour enfants

Source : Relevé sur place. Enquête N° 4. Cité Boussouf (Voir annexes : Planches et cartes, page 357)

c - L’attitude passive.

25 % de l’ensemble des usagers couverts par l’enquête n’ont manifesté, sur la ou les chambres à coucher du logement proposé, aucune manière d’appropriation particulièrement significative. Evidemment, cette passivité suppose une certaine adhésion, ne serrait-ce que partielle, à l’espace conçu.

c1- L’état chiffré du vécu.

Les caractéristiques typologiques de ces usagers sont les suivants :

- L’exiguïté spatiale.

63 % de ces usagers représentent des ménages où l’exiguïté spatiale est très contraignante ; ceci devrait a priori les pousser à réagir, vis-à-vis de la chambre à coucher, d’une manière ou d’une autre. Mais le fait que ces usagers ont une moyenne d’âge de leurs enfants inférieur à 9 ans (à cet âge, la promiscuité sexuelle n’est pas tellement contraignante), permet de révéler que l’exiguïté spatiale qui les caractérise numériquement, n’est pas en réalité contraignante.

- La position sociale.

30 % de ces usagers représentent des ménages de type modeste ; 41 % sont de type moyen. Cette situation renvoie, vraisemblablement, à l’indisponibilité de moyens financiers qui pourraient offrir à ce type de ménage l’occasion d’opter pour d’autres manières d’appropriation qui sont plus onéreuses.

- La maturité citadine.

63 % de ces usagers représentent des ménages de type citadin. La longue expérience de ces usagers, en matière d’habiter ce type de logement, pourrait, en effet, faire le lien avec leur passivité.

c2- Les inadéquations.

c3- Les altérations.

De même, en ce qui concerne les altérations aux propriétés spatiales du logement proposé, aucun déplacement n’est à remarquer au niveau des axes spatio-temporels, symboliques et fonctionnels.

c4- Les stratégies.

L’attitude passive de ces usagers ou leur adhésion partielle (uniquement à la chambre à coucher), révèlent l’acceptation du système spatio-symbolique du logement proposé. Cette passivité permet à ces usagers d’exploiter les valeurs véhiculées par ce type de logement, en vue d’exprimer et d’exhiber leur ascension socioculturelle, voire leur attachement au mode de vie moderne.

Cependant, et au vu de la crise de logement et toutes les formes de spéculations immobilières qui en résultent, les véritables stratégies qui sous-tendent cette passivité, sont à saisir à partir du logement considéré comme un capital et/ou un fond immobilier.