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Chapitre 4 : Réactions des radicaux OH avec des nitrates d’alkyles

B) Nitrate d’isopropyle (IPN) + OH

Pour la réaction des radicaux OH avec le nitrate d’isopropyle :

(CH3)2CHONO2 + OH  produits (14)

nous avons mesuré la constante de vitesse totale et le rapport de branchement pour la voie d’arrachement de l’atome d’hydrogène tertiaire menant à la formation de l’acétone :

OH + (CH3)2CHONO2  (CH3)2CONO2 + H2O

 (CH3)2CO + NO2 (14a)

70 En plus des masses indiquées précédemment, l’acétone est détecté sur son pic parent (C3H6O+ m/z = 58) et le nitrate d’isopropyle sur la masse d’un fragment (CH3CHONO2+

m/z = 90) car plus intense que son pic parent ((CH3)2CHONO2+) m/z = 105).

Mesure de la constante de vitesse

La constante de vitesse a été mesurée entre 268 et 355 K par méthode absolue et par méthode relative par rapport à la réaction de Br2 avec OH. Le seul système utilisé pour cette réaction est le réacteur à écoulement basse température (Figure IV- 1).

Méthode absolue

Pour la mesure de la constante de façon absolue, les expériences ont été réalisées dans des conditions de pseudo-premier ordre avec un excès de nitrate d’isopropyle. Les concentrations initiales en OH sont comprises entre 3 et 8 1011 molécules.cm-3 et les concentrations d’IPN entre 0,2 et 22,4 1014 molécules.cm-3. Les vitesses d’écoulement varient de 900 à 1440 cm.s-1. La consommation de OH a été suivie en fonction du temps de réaction pour différentes concentrations de nitrate (Figure IV- 3). De même, la concentration d’IPN a été suivie en fonction du temps. Cela a permis de voir que sa consommation était négligeable (moins de 5%) car largement en excès par rapport aux concentrations de OH. Une expérience est faite, en l’absence de nitrate dans le réacteur, afin de connaître la perte en paroi du radical OH pour chacune des températures (losanges noirs sur la Figure IV- 3).

Les pentes des droites obtenues (Figure IV- 3) correspondent à la valeur de k13’ pour chacune des concentrations d’IPN. Ces valeurs ont été corrigées pour la diffusion de OH dans l’hélium. Les corrections sont généralement inférieures à 10%, mais dans quelques cas les corrections atteignent 25%.

71 Figure IV- 3 : Exemple de cinétique de consommation de OH pour des concentrations d’IPN

comprises entre 0 et 10,2×1014 molécules.cm-3 à 293 K et 1 Torr, source OH (H+NO2).

Figure IV- 4 : Réaction OH+ IPN : Constante de vitesse apparente pour deux températures différentes 300 et 355 K.

72 La Figure IV- 4 représente la constante de vitesse de pseudo-premier ordre, k14’ = k14[IPN]+kp. La pente de la droite correspond à la constante de vitesse k14 et l’ordonnée à l’origine correspond à la perte en paroi de OH, kp, pour chacune des températures. On remarque que les pertes sont d’environ 20 s-1 ce qui est proche des valeurs obtenues lors de nos expériences en l’absence de nitrate.

L’ensemble des données obtenues avec les différentes approches se trouve dans le Tableau IV- 3 et la Figure IV- 6 présente les valeurs des études précédentes ainsi que nos résultats. Des expériences à plus faible température ont été réalisées mais un accroissement anormal de la constante de vitesse a été observé. Cette augmentation est due à une réaction hétérogène du radical hydroxyle avec les nitrates adsorbés sur la paroi du réacteur. Pour cette raison, les mesures de constante de vitesse ont été limitées à des températures relativement élevées.

Méthode relative

Pour les mesures de la constante de vitesse par méthode relative, la réaction OH + Br2

est utilisée comme réaction de référence. Cette approche consiste en la titration rapide de la concentration initiale du radical OH, [OH]0, par un mélange d’IPN et de Br2 en excès. La mesure du rendement en HOBr est réalisée en fonction du rapport IPN/Br2. La concentration de HOBr formé, [HOBr]f, est déterminée par la quantité de [OH]0 réagissant avec Br2 à l’aide de la formule suivante :

A l’aide de la fonction dérivée, on obtient :

La concentration initiale en OH correspond au signal de HOBr en l’absence de nitrate d’isopropyle dans le système. Au final, l’expression précédente peut s’écrire :

73 Ainsi, lors de nos expériences, le signal de HOBr est dans un premier temps détecté en absence d’IPN, dans ce cas [HOBr]i = [OH]0, puis dans un second temps en présence de IPN et de Br2 dans le système, ce qui correspond à la fraction de [OH]0 ayant réagi avec Br2. La concentration initiale des radicaux OH est de l’ordre de 2,0 1012 molécules.cm-3. Les concentrations du nitrate et de Br2 sont visibles dans le Tableau IV- 2 et le temps de réaction est de 20 ms.

La Figure IV- 5 montre les données expérimentales à 277 et 347 K avec une pression de 1 Torr. A l’aide des données, les droites (([OH]0/ [HOBr])-1) en fonction de ([IPN]/[Br2]) sont tracée. Les pentes des droites correspondent au rapport k14/k5. La valeur de k5 étant connue, la valeur de k14 est facilement déterminée. Pour k5, l’expression d’Arrhénius suivante, 1,9 10-11 × exp (235/T) cm3.molécule-1.s-1, a été utilisée. Cette expression se base sur les valeurs obtenues lors des études précédentes de Bedjanian et al.56 ainsi que Gilles et al.57. Le Tableau IV- 2 montre les résultats obtenus avec cette approche ainsi que les conditions expérimentales.

Figure IV- 5 : Détermination du rapport k14/k5 pour différentes valeurs du ratio [IPN]/[Br2] à 277 et 347 K et une pression de 1 Torr.

74 Tableau IV- 2 : Conditions expérimentales et résultats obtenus de manière relative pour la mesure de la constante de vitesse de la réaction IPN + OH.

T (K) Nombre de absolue se trouvent dans le Tableau IV- 3. L’incertitude sur les mesures est de l’ordre de 15%, incluant les erreurs statistiques (quelques %), la mesure des débits (5%), la pression (3%), la température (1%) ainsi que la concentration absolue des espèces (< 10%).

Tableau IV- 3 : Tableau récapitulatif des constantes de vitesse mesurées pour la réaction IPN + OH avec des températures comprises entre 268 et 355 K.

T (K) Nombre de

RM : méthode relative avec OH + Br2 comme réaction de référence.

L’ensemble des résultats obtenus est visible sur la Figure IV- 6 avec les autres données déjà existantes pour la réaction IPN + OH.

75 Figure IV- 6: Ensemble des valeurs de constante de vitesse pour la réaction IPN+OH; AM : méthode

absolue et RM : méthode relative. Les données proviennent Becker & Wirtz58, Atkinson &

Aschmann59, Talukdar et al.14, IUPAC60, JPL61.

Lors de nos expériences, les valeurs obtenues à l’aide des méthodes relative (losanges) et absolues (cercles et carrés vides) sont très proches les unes des autres, ce qui montre un impact négligeable de la chimie secondaire lors de nos études. A l’aide de l’ensemble de nos résultats, une nouvelle expression d’Arrhenius a été proposée pour la réaction IPN + OH : k14 = (6,6 ± 1,2) 10-13 exp ((-233 ± 56)/T) cm3.molécule-1.s-1 avec une incertitude de 15%

Les valeurs obtenues à température ambiante sont en excellent accord avec les valeurs de Atkinson & Aschman59 ainsi que Talukdar et al.14. De plus, pour la dépendance en température, l’ensemble de nos valeurs est en bon accord avec les données de Talukdar et al.14 ainsi qu’avec la recommandation IUPAC60 de 2006. Par contre, nos valeurs sont éloignées de l’évaluation de la NASA JPL61 de 2011. Cette différence est due au fait que cette recommandation ne prend en compte que les données à température ambiante. L’étude de Becker & Wirtz58 surestime la constante de vitesse à cette température entrainant une surestimation de l’évaluation.

76 Rapport de branchement de l’acétone

La formation d’un produit issu de la réaction (14) a clairement été observée sur la masse 58 et a été attribuée à l’acétone. Nous avons décidé de suivre l’acétone plutôt que NO2

car sur la masse 46, il y a une grande contribution liée à la présence de NO2 dans le système pour former OH. Un exemple de cinétique de formation de l’acétone et de la consommation de OH est visible sur la Figure IV- 7.

Figure IV- 7 : Exemple de cinétique de consommation de OH et de formation d'acétone pour la réaction IPN + OH : T = 300 K ; [IPN] = 1,3×1014 molécules.cm-3 ; source OH (F+H2O).

Les deux lignes représentent la simulation des résultats expérimentaux pour la consommation de OH et la formation d’acétone en fonction du temps. Un profil temporel du produit est obtenu à l’aide de l’expression suivante :

[Produit] = α × (k' – kp′)/k′ × [OH]0 × (1 − exp(−k′t))

avec α le rapport de branchement de l’acétone, k’ et kp’ constantes de vitesse apparentes de consommation de OH en présence et en l’absence (perte hétérogène) de nitrate dans le réacteur. α est le seul paramètre qui a été modifié lors de la simulation. Pour l’exemple de la Figure IV- 7, on a kp= 19 s-1 et k’= 55 s-1. La valeur de α obtenue à partir du meilleur fit du profil de l’acétone de la Figure IV- 7 est de 0,76.

77 La mesure de ce rapport de branchement est réalisée sur une plage de température allant de 277 à 355 K. L’expérience consiste à suivre la consommation du radical OH en suivant HOBr et la formation de l’acétone. Pour cela, les concentrations initiales de OH et d’IPN ont été largement modifiées. Les concentrations en OH ont varié entre 0,28 et 2,5 1012 molécules.cm-3 et celles du nitrate de 0,2 à 3,7 1014 molécules.cm-3. Le temps de réaction moyen est d’environ 20 ms. La formation de l’acétone a été suivie sur la masse 58 avec et sans OH dans le système, en allumant et éteignant la décharge micro-ondes. La consommation de OH correspond à la différence du signal de HOBr, décharge allumée, avec et sans le nitrate dans le réacteur. Pour réaliser ces expériences, les deux sources de radicaux OH ont été utilisées. Un exemple est visible sur la Figure IV- 8 et on peut voir qu’il y a un très bon accord entre les valeurs obtenues avec les deux sources différentes. Cela signifie que les réactions possibles des précurseurs des radicaux OH, H2O et NO2, avec le radical (CH3)2CONO2 formé lors de la première étape de la réaction (14a) ne sont pas compétitives avec sa décomposition. Les résultats sont donnés avec une incertitude d’environ 15%

correspondant aux incertitudes liées à la mesure de la concentration du nitrate d’isopropyle et à la mesure des signaux.

Figure IV- 8 : Concentration d'acétone formée en fonction de OH consommé pour la réaction OH + IPN à 300 K, source OH : H + NO2 ; source OH : F + H2O.

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Tableau IV- 4 : Rapport de branchement de formation de l'acétone en fonction de la température.

T (K) Nombre de cinétiques Rapport de branchement a (k14a/k14) être recommandée à partir de cette étude. En 2011, Aschmann et al.62 ont mesuré un rapport de 58 ± 18% à 300 K et 740 Torr. Cette valeur est en relativement bon accord avec celle de notre étude. De plus, cette étude a été réalisée à une pression de 1 atm, tandis que pour la nôtre la pression est de 1 Torr. La concordance des résultats indique que la vitesse de décomposition du radical (CH3)2CONO2 est beaucoup plus élevée que sa vitesse de stabilisation et/ou que sa réaction avec O2. Cette observation est en accord avec la conclusion de Vereecken55 pour qui la décomposition du radical se produit sur des échelles de temps trop courtes pour que tout autre procédé chimique soit compétitif.

Au final, pour la réaction IPN + OH, la mesure de la constante de vitesse a permis de vérifier les données de Talukdar et al.14 car il s’agissait de la seule étude qui s’intéressait à la dépendance en température. L’acétone a été détectée directement en tant que produit principal de la réaction OH + IPN. Le rendement élevé d’acétone, 0,82 ± 0,13, indique que la voie principale de cette réaction conduit au recyclage direct de NO2.

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