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Trois siècles de vie intime se déculottent

S O C I li T li

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e me suis aperçue que les seins des femmes qui portent des boucles sont incomparablement plus ronds et plus pleins que les autres. (...) J'ai fait percer mes mamelons et, quand les plaies ont été guéries, j y ai fait pas-ser des boucles. (...) Ce que je puis dire, c'est qu'elles ne sont pas le moins du monde gênantes. Au contraire, le simple fait de les frotter ou de les faire glisser provoque en moi une agréable sensation.»

Cette confession n'est pas celle d'une jeune femme d'aujourd'hui, adepte du

«piercing», mais de l'une de ses arrière-grands-mères : elle date en effet de

1890. L'audacieuse dame - citée par Richard Sennett dans «Les tyrannies de l'intimité» (1) - révèle sous l'ano-nymat des pratiques insoupçonnées pour son temps. Un témoignage rare dans un siècle de diktat puritain, bour-geois et masculin.

La vie privée était alors totalement coupée du dehors. Hommes et femmes ne devaient rien laisser paraître. Un siècle sans passion? Allons bon! Les

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recluses cantonnées au sérail domes-tique surent mettre à profit les tenta-tions de transgression que provoque tout interdit. Ainsi, les sous-vêtements de l'époque peuvent se révéler aussi riches en surprises qu'une étude à venir sur la vie des Iraniennes en royaume ayatollah.

L'exhibition progressive

Aujourd'hui, les témoignages inti-mes surabondent dans les talk-shows.

Les fantasmes s'étalent sans pudeur par voie cathodique. Et quand une relation serait jugée coupable, on arracherait des aveux jusqu'au président états-unien pour les étaler au grand jour.

«C'est une évidence : la frontière entre

vie privée et vie publique s'est estom-pée», affirme Luzia Kurmann, profes-seur de sociologie et créatrice de l'expo-sition «Du secret à la transparence.

Histoires de dessous», qui s'ouvre au Musée historique de Lausanne dès le 18 février. Inspirée par Sennett, la Lucernoise a tenté de faire un paral-lèle entre la thèse du sociologue - la sphère privée pénètre toujours plus la sphère publique - et l'exhibition pro-gressive des vêtements du dessous, comme thermomètre de la pudeur.

Pour Luzia Kurmann, cette inversion vestimentaire symbolise une société sens dessus dessous.

«Après l'affaire Lewinsky ou les témoignages impudiques de Madame Christine Dévier Joncourt («La

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Catherine Kiilling, conservatrice des collections

d'arts appliqués du Musée historique et diplômée en Histoire de l'art de l'Université de Lausanne

Putain de la République», ndlr.), l'approche de Luzia Kurmann est indéniablement d'actualité, estime Catherine Kiilling, conservatrice des collections d'arts appliqués du Musée historique et diplômée en Histoire de l'art de l'Université de

Lausanne. Chargée de mettre en place l'exposi-tion - la première du genre - Catherine Kiilling sou-haite cependant qu'elle

soit aussi didactique que possible et rappelle: «L'an passé, les deux ver-nissages en Suisse alémanique ont débuté par un défilé de sponsors : Calida au Musée historique de Lucerne et Triumph au Château de

Une Parisienne à sa toilette, telle qu'on osait la montrer en 1889

Lenzburg (AG). Il m'a semblé que le public appréciait, mais sans toujours comprendre la démarche de l'exposi-tion proprement dite.»

L'apartheid sexuel

Quelques explications s'imposent.

Pour Luzia Kurmann, le X I Xe siècle est une période charnière. Il invente une sorte d'apartheid sexuel, où les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour les hommes et pour les femmes.

Sennett note que l'homme du X I Xe a une approche psychologisante du quotidien : «Désormais, l'on est ce que l'on paraît.» Dans cette société-théâtre, seuls les vêtements permet-tent de percer à jour la personnalité, cependant que «l'apparence devient une source d'anxiété». D'où une ten-dance à l'uniformisation vestimentaire - des habits sobres, de préférence sombres, dissimulant la peau et les dessous.

Vu les infimes différences qui sub-sistent, le moindre signe peut trahir.

«Etant donné que les principales par-ties du corps sont dissimulées, écrit Sennett, et que la forme du corps féminin habillé n'a aucun rapport avec la forme de ce corps nu, de menus détails, comme une légère décolora-tion des dents, la forme des ongles, etc., deviennent des signes de sexua-lité.» Une poussière dans l'œil peut ressembler à une œillade coupable.

La pruderie victorienne a poussé le vice jusqu'à couvrir les pieds des tables et des pianos de housse,

Un siècle plus tard,

l'homme est apparu et la pudeur a disparu

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Trois siècles de vie intime se déculottent

S O C I E T E dans l'idée qu'aucun pied ne devait

être montré, parce qu'il s'agissait d'une partie du corps suggestive.

Une compétition dans la conquête des hommes

Voilà le cadre posé. C'est à partir de cette approche psychologique du vête-ment, estime Luzia Kurmann, que les sous-vêtements, cachés jusque-là, osè-rent peu à peu afficher une significa-tion erotique et sexuelle. «Les femmes surent tirer avantage de la signification profonde attribuée aux sous-vête-ments. Le code moral les condamnait à la passivité et les soumettait aux mariages arrangés.» Pour y échapper, elles vont se servir du charme des des-sous et transgresser subtilement les codes vestimentaires, dans l'espoir par exemple, d'un mariage d'amour ou opportuniste. Selon Lizia Kurmann, on a affaire à une sorte de «compétition dans la conquête des hommes sur le marché matrimonial».

L'histoire moderne des dessous rési-de donc essentiellement dans les

cen-timètres de bouts de tissus gagnés sur l'espace public. Si les sous-vêtements masculins ont peu évolué à travers les âges, la mode a imposé aux femmes toutes sortes de dessous, qui furent par-fois de véritables supplices : «Aux XVIIe et XVIIIe siècles, un corset ri-gide pressait les poitrines aristocra-tiques vers le haut ou les mettait en évi-dence quand le décolleté était à la mode, explique Ursula Karbacher, res-ponsable des textiles au Musée histo-rique de Lucerne. Les ouvrières, elles, se contentaient d'une chemisette, d'un caraco ou d'une brassière». Les sur-noms donnés aux différents corsets sont peu équivoques : «l'innocente», «la culbute», les «guêpes», «le boute-en-train», le «tâtez-y», «les engageantes»,

«l'effronté», «la criarde Des «cloches à pets»

aux «culs de Paris»

Avec l'apparition du corset, les robes prennent de l'ampleur. Des bourrelets rigides arrondissent les hanches. Plus tard, on attacha sur les

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Campagne Alfred Cboubrac, datant des environs de 1900, qui cherche à imposer le corset à la plus potelée

comme à la plus mince

Un tableau-réclame de 1939 vante les mérites de

la culotte «vélo-ski», destiné aux nouvelles femmes, les sportives.

On est bien loin de la scène intime croquée chez les Rasurel vers 1900

côtés des sortes de corbeilles, appelées

«paniers». Des jupons renforcés de baleines ou d'armatures métalliques les rendaient encore plus larges. La Révo-lution française mit fin à cette mode du corset et des paniers, jugée trop aristo. Elle revient furtivement dans les années 1850, surtout sous forme de cri-noline, non sans que le bon peuple ricane de ces «cloches à pets».

Dans la seconde partie du XIXe, les robes se font soudain plus étroites sur le devant. La crinoline se déplace vers l'arrière formant les «culs de Paris».

Le corset reste à la mode, malgré les mises en garde médicales sur les défor-mations de la colonne vertébrale. La croyance soutenait que la femme avait une constitution naturellement fragile.

Les femmes ornaient leur «armure» de broderies, de dentelles, de ruches et de rubans. L'usage voulait que les femmes brodent elles-mêmes leur trousseau et donc leurs dessous : chemisettes, ju-pons et culottes témoignent encore d'une créativité à la mesure de l'ennui dans lequel le monde masculin les a tenues recluses.

L'apparition de la pub

L'industrialisation et la fabrication en série (la machine à coudre est bre-vetée par Singer en 1851) mirent bien-tôt les sous-vêtements à portée de tou-tes les bourses, si l'on peut dire. Vers la fin du XIXe siècle apparaît la publi-cité sous-vestimentaire. Le corset se voit attribuer de nouvelles fonctions.

Il ne sert plus seulement au maintien

Discret à la Belle Epoque,

l'homme en sous-vêtements a aujourd'hui les honneurs de la pub

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Trois siècles de vie intime se déculottent de la femme, mais devient un accessoire

erotique. «Ce n'est pas la robe qui fait la femme, mais le «corset», dit la mai-son Claverie (2). Les corsets mai-sont dotés de noms suggestifs : références à des déesses (Junon) ou des séductrices célèbres (Sapho, Cléopâtre, Célimène, Marie-Antoinette). On exploite aussi la veine exotique (Sultane, Palmeraie,

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