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Neutrophiles

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Chapitre II. Cellules myéloïdes suppressives

III. Neutrophiles

1. Caractéristiques générales

Les neutrophiles constituent la principale population de leucocytes circulants (50-70%) [171]. Ils jouent un rôle essentiel dans la réponse inflammatoire innée : phagocytose et bactéricidie médiées par la libération de cytokines, défensines et espèces réactives de l'oxygène. Ils ont également été décrits comme cellules présentatrices d'antigènes [172]. Ils contiennent trois types de granules qui apparaissent de façon séquentielle au long de leur différenciation [173]:

- les granules azurophiles. Elles contiennent essentiellement des protéines destinées à éliminer les micro-organismes phagocytés. Elles possèdent sur leur membrane la molécule CD63 (granulophysine), et contiennent entre autres la myélopéroxydase (MPO) qui participe au "burst" oxydatif, des sérines protéases responsables de la dégradation de composants de la matrice extracellulaire, et l'arginase 1 [174].

- les granules contenant les gélatinases, permettent le stockage des gélatinases matricielles telles que la collagénase (MMP8) ou la gélatinase (MMP9), également capables de dégrader la matrice extracellulaire.

- les granules spécifiques, contenant de la lactoferrine et le lysozyme aux propriétés antibactériennes, ainsi que NGAL (neutrophil gelatinase-associated lipocalin).

Les vésicules sécrétoires ont la particularité d'être formées par endocytose. Elles renferment un nombre important de molécules d'adhérence telles que les intégrines ß2 (CD11b, CD18) qui favorisent leur migration à travers les tissus.

Lors de la réponse immunitaire innée, les polynucléaires neutrophiles ont la capacité d'éliminer les agents pathogènes par dégranulation, phagocytose, production d'anions superoxyde et formation de structures composées d'ADN et protéines appelées NET (neutrophil extracellular traps) [172].

Pendant longtemps les polynucléaires neutrophiles ont été considérés comme de simples effecteurs de la réponse immunitaire primaire, qui après avoir accompli leur tâche meurent par apoptose dans les tissus périphériques. Des marquages

isotopiques in vivo ont permis de montrer que la demi-vie des polynucléaires neutrophiles était plus proche de 4 jours que des 7-24 heures décrites initialement par des manipulations ex vivo [175]. D'autres travaux ont par ailleurs montré qu'ils étaient non seulement capables de revenir dans la circulation sanguine à travers l'endothélium [176] mais également, par l'expression de CCR7 et sous l'influence des chimiokines CCL19 et CCL21, de migrer dans les organes lymphoïdes secondaires pour présenter des antigènes capturés en périphérie [177,178].

2. Propriétés suppressives

Les polynucléaires neutrophiles ne sont pas confinés à l'inflammation et la défense antimicrobienne, et un nombre croissant de données décrivent des fonctions essentielles de régulation de la réponse immunitaire.

Au cours des cancers, ils sont impliqués dans une réaction complexe, comportant des contingents à la fois anti- et pro-tumoraux. D'une part, ils limitent la progression tumorale par cytotoxicité directe, en favorisant la production de médiateurs anti-tumoraux et en prévenant la diffusion métastatique [179-181]. A l'opposé, ils peuvent exercer un effet pro-tumoral en favorisant l'angiogenèse, la dissémination et l'implantation de métastases [182-185]. Les mécanismes par lesquels les tumeurs induisent une neutrophilie ne sont pas encore très bien connus, bien que la production de GM-CSF soit souvent décrite [186]. La neutrophilie et un ratio neutrophiles / lymphocytes élevé sont d'ailleurs associés à un pronostic plus péjoratif au cours de nombreux cancers [187].

Fridlender a ainsi montré que le TGF-ß produit par le microenvironnement tumoral était à l'origine d'une polarisation des polynucléaires neutrophiles d'un profil anti-tumoral N1 vers un phénotype de type pro-tumoral N2 [188]. Des travaux récents ont mis à jour l'existence d'une grande plasticité au sein du compartiment granulocytaire. En effet, il existe chez les patients atteints de cancer une population de neutrophiles de faible densité co-purifiés avec les cellules mononucléées après centrifugation sur gradient de densité. Cette population a été nommée Low density neutrophils/granulocytes (LDN / LDG) par opposition aux neutrophiles de haute densité (High density neutrophils/granulocytes, HDN / HDG) sédimentés dans le

61 culot. Les LDN sont composés de deux sous-populations : un contingent de neutrophiles immatures proches du phénotype MDSC, et un contingent mature issu des HDN par un mécanisme dépendant du TGF-ß. Cette transition de HDN vers LDN s'accompagne d'une perte des capacités anti-tumorales et de l'acquisition de propriétés immunosuppressives [189].

Figure 14. Différentes sous-populations de polynucléaires neutrophiles au cours du cancer chez la souris. Les neutrophiles circulants Ly6G+CD11b+ peuvent être distingués selon leur densité. Les neutrophiles de haute densité (HDN), sont de type N1 et ont des propriétés anti-tumorales. Les polynucléaires de faible densité (LDN) sont constitués de cellules matures et immatures. Les cellules immatures, comparables aux G-MDSC, ont des propriétés immunosuppressives contribuant au développement tumoral. Les neutrophiles de faible densité matures, de type N2, dérivent des neutrophiles N1 sous l'effet du TGF-ß, ont des propriétés inflammatoires et cytotoxiques réduites et acquièrent des fonctions suppressives. D'après [189]

Plusieurs mécanismes sont impliqués dans la régulation de la réponse immunitaire anti-tumorale. La libération de l'arginase 1 contenue dans les granules participe à l'inhibition de la prolifération des lymphocytes T. Au cours du cancer bronchique non à petites cellules chez l'homme, la dégranulation est en particulier induite par le TNF-α et l'IL-8 produits par les cellules tumorales [190].

Récemment, le rôle tolérogène des polynucléaires neutrophiles a également été décrit au cours de la grossesse. Il est lié à la déplétion en arginine par l'arginase

produite par des polynucléaires de faible densité isolés parmi les cellules mononucléées du sang maternel et du sang de cordon [191,192].

Chez l'homme, les polynucléaires neutrophiles jouent également un rôle dans la régulation des processus inflammatoires aigus ou chroniques. Ainsi, au cours de l'infection VIH, les polynucléaires périphériques expriment fortement PD-L1. Cette expression est induite par le virus directement, les ligands des TLR 7/8, le LPS et l'IFN-α. In vitro, les polynucléaires neutrophiles étaient capables d'inhiber la prolifération des lymphocytes T en interagissant avec PD-1 et par la production de ROS. Par ailleurs, l'injection de LPS à des volontaires sains provoque l'apparition d'une sous-population de polynucléaires neutrophiles exprimant fortement CD16 (FCγRIII, récepteur de faible affinité du fragment Fc des immunoglobulines G), CD11b (intégrine αM) et CD11c (intégrine αX) et faiblement CD62L (L-sélectine). Cette fraction cellulaire était spécifiquement capable d'inhiber la prolifération des lymphocytes T en formant une synapse par l'intermédiaire du CD11b et en libérant du peroxyde d'hydrogène. Cette population cellulaire a également pu être mise en évidence chez des patients polytraumatisés [193].

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