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1.5 Flavonoïdes et lutte contre le stress oxydant

1.5.2 Les flavonoïdes contre les ERO

1.5.2.4 Neutralisation directe et indirecte d’ERO

Les ERO peuvent endommager les biomolécules. Par exemple, si le radical hydroxyle HO. réagit avec l’ADN, il peut l’altérer et induire des modifications de l'information génétique ou arrêter sa réplication. S’il attaque des protéines, il peut les rendre non fonctionnelles et s’il altère des lipides, il peut détériorer les membranes cellulaires. Dans ce dernier cas, le mécanisme réactionnel étant relativement simple, nous allons le détailler pour mettre en évidence la capacité des flavonoïdes à neutraliser les ERO de manière directe et indirecte.

Le radical hydroxyle HO. est responsable de l’attaque des acides gras polyinsaturés. Cette attaque entraîne une réaction en chaîne de radicaux libres appelée peroxydation lipidique (Schéma 13). Le radical HO., réagit avec un acide gras polyinsaturé en lui arrachant un atome d’hydrogène. Les liaisons C-H aux positions bisallylique étant les liaisons C-H les plus faibles des acides gras polyinsaturés, les atomes d’hydrogène de ces positions sont donc préférentiellement arrachés par le radical hydroxyle. Une molécule d’eau est alors formée et le lipide devient un radical très délocalisé (Schéma 13, étape 1). Ce dernier peut ensuite réagir de deux manières : soit avec un autre lipide radicalaire pour constituer un dimère et stopper la réaction en chaine (Schéma 13, étape de terminaison, cas de figure occasionnel), soit avec du dioxygène pour former un nouveau radical, un lipide peroxyle (Schéma 13, étape 2, cas de figure le plus fréquent). Etant donné que l’addition de l’oxygène sur le lipide radicalaire est réversible, il en résulte une distribution de produits de configuration Z,E et E,E. Ces radicaux peroxyles peuvent enfin réagir avec un lipide, donnant différents lipides hydroperoxydes et un nouveau lipide radicalaire – la réaction en chaîne se poursuivant (Schéma 13, étape 3). Les lipides hydroperoxydes s’accumulent alors dans la membrane cellulaire. Ils peuvent perturber son fonctionnement, voire la détruire et, par ailleurs, se décomposer en produits très cytotoxiques tels que l’aldéhyde malonique et le 4-hydroxynonenal. [43,51]

37 Lipide peroxyle Lipide hydroperoxyde Acide gras polyinsaturé HO Lipide radicalaire Dimère lipidique O2 H2O +

Formation d'autres produits toxiques et altération de la membrane cellulaire

Lipide radicalaire

OO OO

Z,E E,E

Acide gras polyinsaturé

OOH OOH Z,E E,E ou ou Etape 1 Etape de terminaison Etape 2 Etape 3 O O O OH

Aldéhyde malonique 4-hydroxynonénal

Schéma 13 Représentation de la peroxidation lipidique.

Les flavonoïdes peuvent neutraliser directement les radicaux. En effet, en raison de leurs faibles potentiels redox (0,23 < E7 < 0,75 V), ils sont capables de réduire les radicaux libres ayant des potentiels redox compris entre 1,0 et 2,3 V, tels que les radicaux superoxyde (O2.-), hydroxyle (HO.), peroxyles (ROO.) et alkoxyles (RO.), en leur cédant un atome d’hydrogène. [44]

Ainsi, dans le cas de la peroxydation lipidique, étant donné que les atomes d’hydrogène des hydroxyles présents sur les flavonoïdes sont plus réactifs que les atomes d’hydrogène présents sur les biomolécules, le radical hydroxyle et les lipides peroxyles réagissent préférentiellement avec les flavonoïdes (Schéma 14). De ce fait, les biomolécules sont protégées, les radicaux sont neutralisés et la réaction radicalaire en chaîne est stoppée.

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Schéma 14 Neutralisation d’un lipide peroxyle par la quercétine.

Les flavonoïdes sont capables de neutraliser les ERO également de manière indirecte en régénérant la vitamine E (α-tocophérol, E7 = 0,5 V) qui est le principal antioxydant endogène, connu pour son rôle dans la protection oxydative des membranes lipidiques. Elle stoppe la réaction radicalaire en chaîne en transformant les radicaux en espèces non radicalaires et en devenant elle-même un nouveau radical faiblement réactif appelé α-tocophéryle (Schéma 15, étape 1). Les flavonoïdes interviennent à ce niveau en cédant un atome d’hydrogène et son électron à la vitamine E qui pourra participer de nouveau à la neutralisation des ERO (Schéma 15, étape 2). [43,44]

Schéma 15 Neutralisation d’un lipide peroxyle par l’α-tocophérol et régénération de ce dernier par la quercétine.

Les flavonoïdes contribuent donc, par ces processus direct et indirect, à la protection des membranes cellulaires et des biomolécules.

39 La capacité des flavonoïdes à neutraliser les radicaux nuisibles et à régénérer la vitamine E dépend de leur structure [52]. Celle-ci doit présenter des fonctions hydroxyles pouvant céder facilement un atome d’hydrogène aux radicaux. De plus, elle doit permettre la délocalisation de l’électron afin de stabiliser le flavonoïde radicalaire et éviter qu’il n’attaque les biomolécules. Ainsi, les critères structurels permettant un piégeage de radicaux efficace sont (Schéma 16) :

Une fonction catéchol. Cette structure est la meilleure donneuse d’hydrogène et elle participe à la délocalisation des électrons.

La double liaison C2-C3 dans le cycle C conjuguée à la fonction carbonyle en position 4. Elle permet la délocalisation des électrons à partir du cycle B.

Enfin, les deux fonctions hydroxyles en position 3 et 5 associées à la fonction carbonyle en 4 induisent une efficacité maximale.

Schéma 16 Représentation des éléments structuraux des flavonoïdes importants pour la neutralisation des radicaux.

L’amélioration de l’activité antioxydante apportée par la fonction hydroxyle en position 3 a été attribuée par modélisation, dans le cas de la comparaison entre les flavonols et les flavones, à la liaison hydrogène entre le H-6’ du cycle B et l’oxygène de la fonction 3-OH. Celle-ci a pour effet de fixer l’angle de torsion du cycle B avec le reste de la molécule à une valeur proche de 0°. Cela implique que les flavonols sont complètement plans, alors que pour les flavones l’angle de torsion est d’environ 20° (Figure 10). Les flavonols sont donc complètement conjugués, ce qui augmente leur capacité de piégeage des radicaux. [53]

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Figure 10 Structure 3D du flavonol quercétine (1) et de la flavone lutéoline (2) après optimisation avec GAMESS (extrait de la réf.[53]).

Or, comme indiqué précédemment, les flavonoïdes sont le plus souvent O-glycosylés en position 3. Cela a pour conséquence de bloquer la fonction hydroxyle en position 3 et de réduire l’activité antioxydante. Au contraire, la glycosylation en position 7 est moins préjudiciable puisque la fonction 7-OH est peu impliquée dans l’activité antioxydante des flavonoïdes. L’équipe de Yokozawa le vérifia expérimentalement en mesurant l’activité antioxydante de différents flavonoïdes en utilisant le test au 2,2-diphenyl-1-picrylhydrazyl (DPPH) (Figure 11) [54].

41 Le DPPH est un radical stable de couleur violette avec une absorption maximale à 517 nm. En présence d’antioxydants (AO-H), le DPPH est réduit en un composé de couleur jaune pâle. La méthode se base donc sur la mesure de l’absorbance à 517 nm. L’activité antioxydante de chaque composé est exprimée en terme d’IC50 (concentration nécessaire pour inhiber 50% du DPPH).

Ainsi, les mesures de l’équipe de Yokozawa indiquent des valeurs d’IC50 comparables pour la quercétine et la quercétine 7-O-glucoside, alors que la quercétine 3-O-glucoside présente une IC50 plus élevée (Schéma 17).

Schéma 17 Valeurs d’IC50 à 30 min de trois flavonoïdes testés dans les mêmes conditions contre le DPPH.