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Partie II-Les effets d’une lésion ou d’une dysfonction des ganglions de la base et du tronc

I- B.1. La neuropathologie :

Les marqueurs pathologiques de la maladie de Parkinson sont les corps de Lewy et les neurites de Lewy, de nature protéique dans les neurones de la substantia nigra pars compacta (SNpc) et d’autres régions du système nerveux central et périphérique (Forno et al., 1996). Friedrich H. Lewy a décrit pour la première fois les corps de Lewy et les neurites de Lewy, en 1912 dans la substance innominée de Reichert qui sont décrits par Tretiakov dans les neurones de la SNpc des patients parkinsoniens quelques années plus tard (Tretiakoff, 1919) (Figure 37). Les corps de Lewy sont des inclusions intracytoplasmiques qui, quand elles sont colorées à l’hématoxyline et à l’éosine, démontrent un cœur protéique éosinophile entouré par un halo pâle (Figure 37). L’immunomarquage montre que ces inclusions contiennent de l’α-synucléine, des neurofilaments, de l’ubiquitine et une large variété de protéines. Les

83 accumulations de protéines, attribuées aux neurites de Lewy, peuvent être détectées dans les axones des neurones affectés.

Figure 37 : Pathologie de Lewy.

(A) Corps de Lewy dans le neurone de la SNc mélanisé coloré avec de l’hématoxyline et de l’éosine. (B) Agrégats de

protéine intracytoplasmique dans le neurone de la SNc mélanisé coloré avec de l’ubiquitine. (C) Image microscopique confocale du corps de Lewy dans les neurones de la SNc coloré avec de l’ubiquitine (rouge) et α-synucléine (jaune). (D) Neurites de Lewy intraneuronales colorés avec de l’ubiquitine (Olanow et al., 2011).

Le cœur protéique des corps de Lewy correspond à une accumulation de protéines intracellulaires non désirées qui sont mutantes, dénaturées, délocalisées ou lésées, en conséquence d’effets post-traductionnels, de toxines endogènes ou exogènes, de stress oxydatif, de cytotoxicité du calcium ou d’inflammation (Olanow and McNaught, 2011). Ces protéines anormales vont se déplier et s’agréger. Leur élimination permet de maintenir l’intégrité de la cellule. Au sein de la cellule, des protéases sont organisées en systèmes protéolytiques afin de favoriser la dégradation et l’élimination de ces protéines non désirées. Les systèmes les plus impliqués sont le système lysosomal-autophagie et le système ubiquitine-protéasome. L’accumulation de protéines qui a lieu dans la maladie de Parkinson résulterait d’une production excessive, d’une élimination plus faible ou les 2.

L’α-synucléine, appelée ainsi à cause de sa localisation intracellulaire dans les synapses et dans l’enveloppe nucléaire, est exprimée dans l’ensemble du système nerveux central (Maroteaux et al., 1988 ; Solano et al., 2000). La protéine est enrichie dans les

84 terminaisons nerveuses présynaptiques, où elle s’associe aux membranes et aux vésicules (Goedert, 2001). La fonction normale est inconnue mais elle semble jouer un rôle dans la transmission synaptique (Abeliovich et al., 2000; Goedert, 2001). L’α-synucléine sauvage est monomérique et mal repliée (nativement) à des concentrations faibles mais adopte une configuration en hélice α quand elle est liée aux protéines. A des concentrations importantes ou en présence d’une forme mutante, la protéine a une tendance naturelle à être mal pliée, en feuillets β plissés, formant des oligomères toxiques et s’agrègent. L’oligomérisation de la protéine produit des espèces intermédiaires (protofibrilles) qui forment des structures annulaires avec des propriétés de pores. L’α-synucléine s’agrège et les protofibrilles sont résistants à la dégradation médiée par le lysosome et le protéasome et peut alors interférer avec la fonction normale de ces 2 voies, menant à une accumulation ultérieure d’α-synucléine et d’autres protéines. Des niveaux importants de protéines non dégradées ou faiblement dégradées ont tendance à interagir entre elles, ce qui favorise un mauvais repliement des protéines sauvages (Bence et al., 2001; Cuervo et al., 2004; Kopito, 2000; Snyder et al., 2003; Tanaka et al., 2001; Winslow and Rubinsztein, 2011).

La majorité des cas de maladie de Parkinson ont lieu sporadiquement et donc sont de cause inconnue. Il a été mis en évidence que le système du protéasome et l’autophagie médiée par les protéines chaperonnes sont défectueux dans la maladie de Parkinson et pourrait contribuer à l’accumulation des protéines et au processus de neurodégénérescence (Dawson and Dawson, 2003 ; Gupta et al., 2008 ; McNaught et al., 2001). Dans les formes génétiques de maladie de Parkinson, l’identification de mutations sur le chromosome 4 (PARK 1) qui code pour la protéine α-synucléine, a permis de confirmer le rôle majeur de cette protéine dans le processus dégénératif (Krüger et al., 1998 ; Polymeropoulos et al., 1997 ; Zarranz et al., 2004) (Krüger et al. 1998; Polymeropoulos et al. 1997; Zarranz et al. 2004). La maladie de Parkinson familiale causée par l’α-synucléine mutée partage beaucoup de traits avec la maladie de Parkinson idiopathique. Ultérieurement, des duplications et triplications ont été découvertes dans le gène de l’α-synucléine sauvage à l’origine d’une forme autosomique dominante de la maladie. Cette observation indique que la surproduction de la protéine α-synucléine peut causer une forme de maladie de Parkinson.

La possibilité de détecter la présence des corps de Lewy par coloration avec l’ubiquitine et l’α-synucléine, a permis une meilleure appréciation de l’étendue de la pathologie de Lewy dans la maladie de Parkinson. A côté de l’atteinte des neurones de la SNpc, cette neurodégénérescence avec les corps de Lewy touche aussi les neurones

85 cholinergiques du noyau basal de Meynert, les neurones noradrénergiques du locus coeruleus et les neurones sérotoninergiques du raphé médian, mais également les neurones du système olfactif, les régions inférieure et supérieure du tronc cérébral, les hémisphères cérébraux, la moelle épinière et le système nerveux autonome. Ces données suggèrent que la maladie de Parkinson est, en fait, une maladie touchant plusieurs systèmes neuronaux : dopaminergique et non dopaminergique.

Braak suggère, à partir de tissus post-mortem que, la pathologie des corps de Lewy (primairement les neurites de Lewy) apparaît selon un pattern stéréotypé dépendant de l’évolution de la maladie (Figure 38) (Braak et al., 2003). Au stade 1, les inclusions sont trouvées dans le bulbe olfactif (et le noyau olfactif antérieur) et le noyau moteur dorsal des nerfs vagal et glossopharyngien. Au stade 2, la distribution est ascendante vers le tronc cérébral, atteignant le bulbe rachidien et le tegmentum mésopontin. Aux 2 premiers stades, les patients n’ont pas de signes parkinsoniens mais présenteraient une anosmie et une constipation. Au stade 3, la pathologie apparaît au niveau des amygdales et de la substantia nigra. C’est à ce stade que la neurodégénérescence nigrale est marquée et que le sujet commence à développer des symptômes moteurs permettant le diagnostic clinique. Les corps de Lewy, et dans une plus large mesure les neurites de Lewy, sont observés dans le cerveau antérieur et le cortex cérébral, au stade 4. Aux stades 5 et 6, les corps de Lewy sont retrouvés initialement dans les régions préfrontales et associatives antérieures du cortex préfrontal et continuent à s’étendre vers les régions associatives postérieures. En résumé, Braak suggère que les corps de Lewy sont initialement dans le système nerveux périphérique et le bulbe olfactif, montent vers le tronc cérébral et dans le mésencéphale, et s’étendant éventuellement au cerveau antérieur. Parce que le nerf vague relie le tronc cérébral et le système nerveux entérique, Braak et al., conclut que la maladie de Parkinson pourrait débuter au niveau du tube digestif pour ensuite diffuser de façon rétrograde vers le cerveau (Derkinderen et al., 2011).

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Figure 38 : Evolution en 6 stades du processus neurodégénératif au cours de la maladie de Parkinson (Braak et al., 2003).

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