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LA NEGATION COMME MARQUEUR D'ACTE DE REFUTATION

2. NEGATION ET ACTE DE REFUTATION

2.4. LA NEGATION COMME MARQUEUR D'ACTE DE REFUTATION

Après avo.ir examiné la nature de l'acte i 1 focutoire de réfutation,

i 1 nous faut nous demander quel est le statut de ta négation parmi J'en-semble des marqueurs qui permettent la réalisation, et corot lairement

J'interprétation, d'un acte de réfutation. Pour ce faire, nous établi-rons dans un premier temps (2.4.1.) une distinction entre la réalisation explicite vs implicite d1un acte de langage, En second 1 leu (2.4.2.), nous examinerons les différents modes de réal isatlon implicite d'un acte 11 locutoire. Enfin (2.4.3.), nous situerons la négation parmi

t'ensemble des marqueurs de réfutation. Le but de ce paragraphe sera de substituer à la notion sémantique d'opérateur de négation (cf. cha-pitre 1) celle de marqueur de négation.

2.4.1. Actes iZZocutoires directs et indirects.

Les premiers travaux d'Austin (1970) sur les actes de langage avaient la vertu essentiel fe de montrer qu'un acte il locutoire (par exemple la promesse) pouvait être réalisé explicitement (1) ou impl i-citement (2) :

(1) Je te promets que je te rendrai ces 100 francs dans un mois.

(2) Je te rendrai ces 100 francs dans un mois.

Austin quai ifiait ces énonciations respectivement de performative exp! i-cite et performative primaire. Une énonciation performative explii-cite est réalisée généralement à la première personne du présent de l'indica-tif et à la voix active. De plus, el Je a comme propriété essentiel te - 1 iée à la nature du prédicat

-(i) de décrire une action~

(ii) de réaliser cette action par son énonciation et, surtout, (iii) de nommer f 'action en question,

Ainsi, alors que (f) est donnée ouvertement comme une promesse, (2) peut recevoir d'autres interprétations que cel le d'une promesse : el le peut être une simple assertion à propos d'un événement futur (dans ce cas, el le ne sera in effect que lorsque 1 1énonciateur aura effectivement donné lOO francs à son énonciataire), ou une prédiction ou encore une confirmation (si 1 'énonciateur a déjà préalablement informé son énoncia-taire du tait qu'il lui donnera 100 francs le mois prochain). Il appa-raît donc que les énonciations performatives explicites se distin'guent des énonciations performatives primaires en ce que leur interpré-tation ne peut donner .1 ieu à aucun cas d'ambiguïté.

Si les linguistes travai J lant sur les actes de langage ont renon-cé à la terminologie austinienne (en réservant le terme de "performatif"

pour f 'ensemble des prédicats qui permettent la réalisation d'une action lorsqu'ils sont énoncés à ta première personne du présent de 1 'indicatif voix active), c'est la terminologie de Searle (1975) qui s'est en prin-cipe imposée. Searle qualifie les énonciations du type (1) d'actes de

langage directs <direct speech acts)et cel les du type (2) d'actes de

langage indirects <indirect speech acts). Un acte de langage, pour Searle, est indirect dans la mesure où sa valeur il locutoire intentionnée (pour (2) par exemple cel le de promesse) est fonction de sa valeur il !ocutoire

littérale (ici d'assertion) et est transmise sur un mode imp! icite. Un acte indirect possède ainsi deux valeurs il Jocutoires : une valeur i

J-locutoire littérale et une valeur i 1 locutoire seconde ou dérivée(29), La particularité des actes de langage indirects réside donc en ce que 1 1énonciateur réal ise un acte de langage (ici de promesse) en en réal i-sant un autre (une assertion).

Cependant, dire que (2) réalise une promesse indirectement ou implicitement n'est pas une caractérisation suffisante de ce type d'énon-ciation. Encore faut-il expliquer comment un énonciataire, dans une si-tuation de discours précise, peut interpréter 1 'acte dans sa valeur non

J ittérale. Pour ce faire, Searle (1975) part du principe que les inter-locuteurs respectent une règle générale (formulée par Grice 1979) appe-lée principe de coopération. Ce principe est le suivant :

11Que votre contribution conversationnelle corresponde ~ ce qui est exigé de vous, au stade atteint par celle-ci, par le but ou la direction acceptés de 11 échange par lé dans lequel vrms êtes engagé"

(Grice 1979, 61).

Ce principe est spécifié par quatre maximes ou règles conversationnel les la maxime de quantité (imposant à 1 1énonciateur de donner autant, mais pas plus d'information requise), la maxime de qualité (imposant de n'asserter que ce qu'on croit être vrai et pour quoi on dispose de preu-ves), la maxime de relation (spécifiant 1 'obi igation de "parler à propos"

- be relevant) et enfin la maxime de modalité ou de manière formulée par le lapidaire "soyez clair". C'est à la maxime de relation que Searle va se référer pour Je traitement des actes indirects. Cette maxime impose donc à 1 1énonciateur de parler à propos, c'est-à-dire d'effectuer des énonciations pertinentes eu égard au contexte d'énonciation. Pour illus-trer cet emploi des maximes de conversation dans la description des actes indirects, prenons 1 'exemple canonique (3), qui 1 ittéralement est une demande d'information, mais qui transmet généralement une requête :

(3) Peux-tu me passer le sel ?

Si, pour Searle, 1 'interlocuteur est capable de décoder, c'est-à-dire d'interpréter (3) comme une requête, c'est que la maxime de pertinence s1appl ique. En effet, à moins d'un contexte d'énonciation très parti-culier, J'interlocuteur jugera que 1 'énonciateur, en réalisant (3), n'a pas pour visée il locutoire d'être informé sur la capacité physique de son énonciataire de lui passer le sel. Si tel est le cas, et qu'il respecte Je principe de coopération, c'est donc qu'i 1 a voulu faire autre chose que poser une question (c'est-à-dire réaliser la requête de

lui passer le sel). Cependant, J'utilisation de la maxime de pertinence ne permet que de différer 1 'interprétation de 1 'acte en question, (29) Searle (1975, 62) parle respectivement de secondary illocutionary

act et de primary illocutinnary act.

c'est-à-dire de déclencher un calcul interprétatif. Pour obtenir J'in-terprétation désLrée, Searle propose de faire référence aux conditions d'emploi des actes i 1 locutoires (cf. 2.2.5.) et à un principe général

J ié aux actes Indirects. Ce principe, pour les actes directifs est Je suivant. Pour réaliser une requête indirecte, i 1 suffit

(a) d'asserter une condition d'emploi de 1 'énonciateur ou

(b) de mettre en question une condition d'emploi de J'énonciataire.

Si 1 'on admet qu'une des conditions d'emploi de la requête est Je désir de 1 'énonciateur que son interlocuteur réal ise 1 'action demandée (condi-tion de sincérité chez Searle 1972), et qu'une autre condi(condi-tion d'emploi est que l'énonciateur juge que son interlocuteur est capable de réal i-ser l'action en question (condition pré! iminaire chez Searle 1972) dès lors (3) correspond à un cas du type (b) -mise en question de la ~ondi­

tion pré/ i~i~aire des requêtes- et (4) à un cas du type (a) -assertion de la cond1t1on de sincérité :

(4) J'aimerais que tu me passes le sel.

Si ce ty~e d'exp! ication peut être justement soumis à caution( 30) (el le presuppose en effet la pertinence de la formulation des conditions

d1e~ploi du type Searle 1972 et 1977), el le ne permet pas en plus de tra1ter tous les actes dits implicites et notamment ceux que J'on qua-lifie d'al Jus if ou de sous-entendus comme (5)

(5) Il y a un courant d'air.

effectué pour demander à J 'énonciataire de fermer la fenêtre par exemple.

C'est la raison pour laque! le nous n'uti 1 iserons pas plus avant ce type d'analyse des actes indirects et examinerons plus en détai 1 les diffé-rentes modalités d'impl !citation (cf. Grice 1979) pour définir par la suite le statut de la négation comme marque de réfutation.

2.4.2. Les différents modes de cOmmunication de la valeur d'un acte illocutoire.

La contribution la plus importante de Grice (1979) a été de dis-t~nguer, par~i les actes implicites, ceux qui relèvent de J 1 impl icita-tlon conventionnel le de ceux relevant de 1 1impl icitation conversation-n:l le. Une impl ici tati on est conventionnel le si ce qui permet Je d~cle~ch~ment du p~~cessus d'impl !citation est la présence d'une marque

J 1ngu1st1que associee conventionnellement à la valeur implicite.

L'exemple donné par Grice est le suivant :

(5) John est anglais, il est donc courageux.

Pour Grice, s'il ne fait pas de doute que l'énonciateur a dit à la fois de John qu 1 i 1 est ang 1 ais et qu 1 i 1 est courageux, i 1 n'est pas pour autant (30) Pour une critique de Searle, cf. Anscombre (1977) et (1980), van

der Auwera (1978) et Roulet (198Qa).

vrai qu' i 1 a dlt (expl i.citement) que son courage découlait de son angl i-tude. Au contraire, pour Grice, 1 1énonciateur l'aura implicité. Comme cette i_mpl tcitation est déclenchée par donc, elle est de nature conven-tionnelle.

Par contre, les i.mpl icttati.ons conversationnelles relèvent essen-tiellement du contexte d'énonciation. Plus précisément, Grice distingue deux types d' i.mpl ici.tati.ons conversationnelles : les impl [citations conversationnel les général i.sées et les impl icitations

conversationnel-les particulières. Alors que ces dernières nécessitent la seule inter-vention du contexte pour déterminer 11 implicite, les premières sont, comme les impl icitations conventionnel les, liées à l'occUrrence de certaines marques 1 i.nguistiques. La distinction entre impl icitation conventionnel le et implicitation conversationnel Je généralisée subsiste néanmoins. Le critère distinctif est 1 1annulabil ité de l 1impl icite.

11 apparaît en effet qu1il est possible d'annuler 1 1impl ici te dans le cas des impl icitations conversationnel les généralisées, alors que ce n'est pas possible dans le cas des impl icitations conventionnelles< 31>

L'opposition entre (6) - impl icitation conventionnelle - et (7) - im-pl icitation conversationnel le généralisée - i 1 lustre ce critère

(6) Peux-tu me passer le sel, s'il te platt ? (7) Peux-tu me passer le sel ?

Dans les deux cas, la valeur de requête est implicite dans la mesure où l'énonciation n'a pas la forme d'une requête, mais d'une question.

Par là même, el le se distingue de la réalisation suivante - explicite -que J'on peut qualifier d'acte de requête direct :

(8) Je te prie de me passer-le sel.

Quelle est dès lors la différence entre (6) et (7) ? En (6), la présence dans l'énoncé de s'il te plâtt convoque conventionnellement 1 'interpré-tation de requête (vs demande d'information). Mais on pourrait arguer de même que la forme pouvez-vous est aussi conventionnel le(32) et est généralement associée à la valeur de requête. Cependant, si l'on fait référence à la distinction très utile posée par Morgan ( 1978) entre convention de langue et convention d'emploh i 1 ressort que s'il te platt est associé à la valeur de requête par convention de langue, alors que ce n'est que par convention d'emploi qu'une tel le association est pos-sible pour la forme pouvez-vous. Cette distinction apparaît encore plus clairement si on fait intervenir le test de 1 1annulabi 1 ité, Si (9) est une séquence tout à fait acceptable du point de vue pragmatique, il n'en est pas de même pour (10) :

(9) Peux-fu me passer le sel ? Je ne te demande pas ça pour que tu me le passes~ mais pour savoir si tu en es capable.

{31) Nous reprenons ici l'analyse de Grice que fait Roulet (1980b).

{32) Par opposition à sa paraphrase es-tu capable qui ne convoque pas conventionnellement la valeur de requête.

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CIO) Peux-tu me passe~ le sel, s'il te platt? Je ne te demande pas ça pour que tu me le passes~ mais pour savoir si tu en es capable.

En d'autres termes, alors qu1i J est possible d'énoncer (7) avec son sens premier 1 ittéral de demande d'information, ce n'est pas le cas pour (6) (6) aura une seule valeur i 1 Jocutoire, celle de requête, On dira que

11 implicite qui lui est associé est non annulable ou non supprimable, alors qu' i 1 \"est dans le cas de (7).

Si le critère de J 1annulabi 1 ité permet de distinguer les impl ici-tations conventionnel les des impl icitatlons conversationnel les

généra-lisées, on peut se demander s' i 1 existe un cr·1tère permettant de diffé-rencier les deux types d' impl icitations conversationnelles (outre la caractéristique générale des impl icitations conversationnelles

généra-l !sées, par opposition aux particugénéra-lières, "d'être décgénéra-lenchées par des marques 1 inguistiques). Récanati ( 19BIJ et Rou let ( l980b) proposent le test du rapport de 1 1impl ici te et èelui de i 'enchaînement sur 11impl i-cite (cf. Anscombre 1977, 31), tests que ne satisfont que les impl

icita-tions conversationnelles généralisées. Il apparaît que (Il J déclenche une impl icitation conversationnelle généralisée et ( 12) ure impl icita-tion conversaicita-tionnelle particulière de requête

( 1 1 ) Peux-tu fermer la fenêtre ? (12) IZy a un courant d'air.

étant donné d'une part qu' i J est possible de rapporter (Il) par ( 13) -ce qui n'est pas le cas pour (12)- et d'autre part que (1 J) accepte

l'enchaînement sur la valeur de requête ·cct. 14)- ce que refuse (12) let. 115))1 33 )

1 13) Jacques m'a demandé de fermer la fenêtre.

1 14) Peux-tu fermer la fenêtre, pour que je puisse travailler.

1 15) *Ilyaun courant d'air, pour que je puisse travailler.

Avant d 1 a 1 1er p 1 us avant, on peut résumer ces différents modes de com-munication de la valeur il locutoire de 1 'acte par le tableau suivant

(tiré de Roulet 1980b,84) :

(33) On remarquera que les implicitations conventionnelles satisfont également ces deux tests. Ainsi (13) peut constituer un rapport de (i)

(i) Peux-tu fermer la fenêtre, s'il te platt ? de même que l'enchaînement en (ii) est acceptable

(ii) Peux-tu fermer la fenêtre, s'il te platt, pour que je puisse travailler.

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( 16) valeur il locutoire communiquée

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(8) ~ ..._____

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(7) ( 12)

. • modes de communication de la valeur Une telle typologie des dtfferents 1 1 inguiste que dans la mesure de l'acte ne peut être i ntéressan;~ ~~u~or~espondante des marques 1 in-où elle permet d'établ"tr,~ne typ~t ~·on des actes il!ocutoires. Cette guistiques déclenchant 1 tnter~r7e: ~rois premiers modes de_coml~~nica­

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