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Le rôle de l’information étant de permettre au patient de prendre une décision, son absence ne lui a pas permis de prendre parti en connaissance de cause. Son dommage réside dans le fait d’avoir été privé de la possibilité d’un choix éclairé ; s’il avait disposé de tous les éléments, peut-être n’aurait-il pas accepté de subir l’investigation ou l’intervention proposée, parce qu’elle comportait trop de risques.

Mais dans les différentes affaires qui ont donné lieu aux arrêts commentés, la demande du patient portait sur l’indemnisation, non pas tant du défaut d’information en tant que tel, que de « la perte de chance d’éviter les inconvénients pouvant en résulter et qui en sont effectivement résultés »116 ou de « la perte d’une chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé »117, c’est-à-dire du fait de n’avoir pu échapper au dommage dû à la réalisation du risque.

Le préjudice indemnisable est distinct du préjudice résultant du dommage engendré par l’acte médical118. Ainsi que l’a expliqué le commissaire du Gouvernement, Didier Chauvaux119, « il semble difficile de justifier une indemnisation intégrale alors que le défaut d’information, qui n’est pas la cause immédiate de l’accident, a seulement pu conduire le patient à s’y exposer en acceptant l’intervention. C’est seulement dans des cas exceptionnels qu’une décision négative de sa part pourrait être tenue pour certaine. Mais en règle générale, le refus du patient demeurera hypothétique .»

114 C. Daver, De la relation de confiance à l’obligation d’information : quelques réflexions sur la genèse d’une obligation, préc.

115 La confusion entre les deux est fort bien décrite par Jean Guigue : J. Guigue, Par qui et comment le dire ? Le point de vue du juriste, RGDM, n° 5, 2001, p. 223-238.

116 Cass. civ.1re, 20 juin 2000, arrêt n° 1157 : il s’agit du second arrêt Hédreul relatif cette fois à la question du préjudice lié au défaut d’information. On reviendra sur ce dernier infra.

117 CE, 5 janv. 2000, consorts Telle.

118 Il est cantonné « … à la « part » de celui-ci que le patient aurait, statistiquement parlant, évité s’il avait été en mesure d’exercer un choix éclairé » : C. Guettier, L’obligation d’information des patients par le médecin, Resp. civ et ass., juil-août 2002, p. 4-9.

119 D. Chauvaux, préc., p. 27.

De nombreux commentateurs ont mis l’accent sur le caractère empirique de la méthode employée qui a pour conséquence de faire dépendre la réparation du degré d’incertitude caractérisant le choix du patient. Le juge judiciaire et le juge administratif font la balance entre les troubles découlant de l’intervention et ceux qui seraient résultés de l’absence de réalisation de cette opération120. Ils prennent également en compte son caractère impératif : plus l’intervention sera jugée indispensable, plus la réparation sera limitée, voire inexistante121 .

Si les auteurs consacrent une partie importante de leurs analyses aux modalités particulières de la réparation du défaut d’information, souvent pour les critiquer, il n’y a pas lieu cependant de s’y attarder outre mesure, car les questions que devra résoudre le groupe de travail ne portent ni sur la responsabilité du fait du défaut d’information, ni sur ses modalités d’indemnisation. Toutefois, l’influence des différentes solutions dont il vient d’être fait état ne devra pas être mésestimée, car le fait qu’elles soient constamment évoquées dans tous les articles aussi bien juridiques que médicaux relatifs à l’information du patient est l’indicateur de la manière d’aborder cette question : par rapport aux professionnels sur qui pèse cette obligation et non en fonction du patient qui en est le bénéficiaire.

Il s’agira de les prendre en considération, non pas pour guider la rédaction des bonnes pratiques, mais pour éviter de les rédiger à l’aune des seules interventions ou gestes invasifs. La loi du 4 mars 2002 a reconnu au bénéfice du patient le droit d’être informé. Or la reconnaissance de ce droit change centralement l’approche de l’information du patient car elle en fait désormais une prérogative positive. Sa finalité est de lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause.

9 Le droit du patient d’être informé reconnu par la loi du 4 mars 2002, condition préalable de toute prise de

décision

Rappelons que seulement 20 % de la totalité des articles parus entre 2002 et 2009 sont consacrés à la loi du 4 mars 2002. D’une manière générale, leurs auteurs relèvent que cette loi reconnaît au malade le droit subjectif d’être informé, d’où le lien fréquemment établi entre l’information et la prise de décision : la loi permet « l’exercice d’un « vouloir » individuel

120 Pour un exemple récent : CE, 29 oct. 2007, n° 0726 40, JCP, éd. Administrations et collectivités territoriales, n° 15, 7 avr. 2008, p. 13, chron. M-L Moquet-Anger : « Considérant que la faute commise par les praticiens de l’hôpital en s’abstenant d’informer M. A des risques de l’opération envisagée n’a entraîné pour celui-ci que la perte d’une chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé, la réparation du préjudice devant être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que le tribunal administratif a, par son jugement devenu définitif sur ce point, évalué cette fraction au sixième .»

121 En ce sens, par exemple, Cass. civ. 1re, 13 novembre 2002, Gaz. Pal. 14-16 déc. 2002, p. 13-19 ; Droit et patrimoine, n° 118, sept. 2003, p. 111-112, note F. Chabas : « La violation de l’obligation d’information incombant au praticien ne peut être sanctionnée qu’autant qu’il en résulté un préjudice dont l’existence est souverainement constatée par les juges du fond ; c’est donc à bon droit que la Cour, qui a relevé qu’il n’était pas démontré qu’informé du risque exceptionnel tenant à l’acte chirurgical dont la nécessité était admise par l’expert compte tenu du danger inhérent à la présence d’un nodule, le patient aurait refusé l’intervention, en déduit qu’il ne démontre pas que l’absence d’information lui ait causé un préjudice indemnisable » ; CE, 27 sept. 2002, arrêt n° 223429, RGDM, n° 9, 2003, p. 242-238, note J. Saison : « En n’informant pas sa patiente des risques connus de l’intervention réalisée alors qu’aucune urgence ne rendait impossible cette information, le centre hospitalier a commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité. Toutefois, dans la mesure où la fracture dont souffrait Mme X nécessitait impérativement un traitement et qu’il n’existait pas d’alternative thérapeutique moins risquée, la faute n’a pas entraîné de perte de chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé. Aucune indemnité n’est donc due .»

garanti comme un droit de la personne »122. Mais, ils considèrent fréquemment qu’en la matière, la portée de la loi devrait être modeste123, cette dernière ne faisant que consacrer l’exigence antérieure de l’information du patient124. Parce qu’en matière de contenu de l’information, elle se contenterait d’entériner en grande partie les différentes solutions issues de la jurisprudence fondées soit sur le droit des contrats, soit sur le Code de déontologie médicale, ils estiment que la loi n’apporte pas de véritable changement. Cependant, ils ne manquent pas de relever comme un effet positif l’application identique dans le secteur privé comme public de la santé du droit d’être informé ; c’est la définition, par la loi, des conditions125 du droit d’être informé qui assure cette unification.

Mais les auteurs admettent parallèlement que la reconnaissance au malade d’un droit subjectif d’être informé est le moyen de garantir son autonomie. Ainsi lui permet-il de prendre une décision fondée sur une information la plus large possible dont le contenu n’est plus, comme par le passé, dépendant de l’appréciation que pourrait en faire le médecin.

Désormais titulaire d’un droit d’être informé, c’est le patient seul qui peut décider de ne pas en bénéficier, notamment en demandant à être tenu dans l’ignorance du diagnostic ou d’un pronostic.

S’ils reconnaissent que désormais, l’information du patient ne résulte plus d’un devoir, mais est un droit subjectif, cette nouvelle situation est souvent présentée moins comme un changement des positions respectives des acteurs que sont la personne malade et le médecin que comme une simple transmutation d’un devoir d’information du médecin en droit du patient d’être informé126. Ainsi, par exemple, les auteurs remarquent que « ce droit à l’information » étant « déjà présent antérieurement », « la nouveauté tient donc non pas sur le principe, mais sur la définition même du contenu de l’information »127 ou bien que

« l’obligation d’informer existait déjà pour le médecin dans le code de déontologie mais avec moins de détails »128 .

Aussi les auteurs repèrent-ils avant tout les éventuelles évolutions induites par la loi par rapport aux solutions antérieures. De leurs analyses, il ressort six grands points : en quoi le contenu légal de l’information est-il ou non différent de celui qui résultait de la jurisprudence ? Le contenu de l’information peut-il être limité à la demande du seul patient ou bien, comme par le passé, par le médecin ? À qui incombe cette information, de quelle manière, et y a-t-il des circonstances pouvant dispenser de la donner ? Comment l’exercice de ce droit s’effectue-t-il pour le mineur ou la personne majeure sous tutelle ? Quelles modalités de preuve sont retenues par la loi ? En quoi consiste l’information du patient après la réalisation des actes lorsque des risques nouveaux sont identifiés ?

122 N-J Mazen, Les nouvelles formes d’assentiment à l’acte médical, RGDM, 2003, n° 10, p. 56 et suiv.

123 En ce sens, Michèle Harichaux qui considère qu’en matière d’information, « la portée de la loi semble devoir être modeste » car elle « … confirme souvent des obligations préexistantes… » : M. Harichaux, Les droits à information et consentement de l’« usager du système de santé » après la loi n° 2002-303 du 4 mars 200 2, préc., p. 673.

124 En ce sens, C. Charbonneau, F-J Pansier, Présentation du titre II relatif à la démocratie sanitaire, Gaz. Pal., 1er-4 mai 2002, p. 4-11.

125 Cf. notamment M-L Moquet-Anger, Le droit des personnes hospitalisées, RD sanit. soc. 38 (4), oct.-déc. 2002, p. 659- 672 : « Les droits des malades ne se distinguent plus selon le mode d’hospitalisation, publique ou privée » ; également M. Harichaux, Les droits à information et consentement de l’« usager du système de santé » après la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 , préc. p. 674 : « Le droit d’être informé sur son état de santé est reconnu à « toute personne », ce qui vise aussi bien le malade hospitalisé dans un établissement public ou privé… ».

126 Cf. nos développements sur la confusion fréquente entre devoir et obligation : supra p. 25.

127 C. Charbonneau, F-J Pansier, préc., p. 6.

128 C. Evin, Les nouvelles responsabilités médicales depuis la loi du 4 mars 2002, RGDM, n° 10, 2003, p. 9-24.

9.1 Le contenu de l’information fixé par la loi est-il ou non différent de