• Aucun résultat trouvé

L’antériorité de la présence d’un groupe particulier, ainsi qu’une certaine référence à un passé enraciné dans un territoire, sont des éléments incontournables du concept de nation. En ce sens, nulle nation ne pourrait faire totalement table rase de ces caractéristiques. Les nations utilisent, dans une certaine mesure, et en plus de certains traits ethniques et culturels, l’antériorité de leur présence, de leur descendance, de leur souche pour se distinguer d’autres groupes ou individus, considérés comme immigrants. Ces traits communs à toutes les nations sont toutefois atténués dans le cas de certaines nations, qui se prêtent davantage à une analyse selon un cadre moderniste.

Si le passé et l’antériorité de la présence constituent des éléments parmi d’autres d’une conception plus moderniste de la nation, une vision de la nation davantage redevable du primordialisme considérera comme centrale la mémoire de la nation et posera l’appartenance à cette nation comme découlant principalement d’un héritage généalogique et culturel profondément ancré. Cette conception nous semble prévaloir chez les Autochtones, pour qui il s’agit d’un lieu commun de souligner que la référence au passé revêt une importance capitale. En y regardant de plus près, on constate que le discours nationaliste autochtone puise également, en bonne partie, dans ce terreau antérieur.

Certaines raisons motivant l’usage marqué de références au passé, dans le cas des Autochtones, semblent a priori évidentes. D’abord, il est clair qu’un élément crucial de leur passé, l’antériorité de leur présence, est l’essence même de la définition d’« Autochtone », ce qui les distingue des non-Autochtones. Cette antériorité est à la base de toute idée de droits autochtones, par nature particuliers, axés sur un héritage généalogique descendant de celui des premiers occupants. Ensuite, il est possible que les conditions politiques, sociales et économiques actuelles des Autochtones ne soient pas étrangères à cette vision, alors qu’une évocation de la nation orientée vers le passé peut être plus inspirante que celle d’un futur incertain. De la même façon, en raison de la colonisation et de l’assimilation subies par les Autochtones, on assista à des changements identitaires importants et imposés. Dans ce contexte, les traditions et les ancêtres sont perçus alors comme des refuges, le nationalisme autochtone tentant, aujourd’hui, de reconnecter avec le passé, lieu par

excellence de référence identitaire, après des décennies, des siècles ou des générations de, comme l’indique le nationaliste Taiaiake Alfred, « déconnexion de ce qu’est être Autochtone » (Alfred, 2008 : 951). Ces traits ne sont d’ailleurs pas nécessairement réservés

aux seuls Autochtones : un culte du passé fait partie intégrante d’un certain nationalisme, dans lequel on réfère fréquemment à un âge d’or et où l’on fait état de la volonté de s’en inspirer (Smith, 2005 : 102-103; Jaffrelot, 2006 : 85). Le terme « nostalgie » est alors utilisé pour évoquer cette période lointaine, une sorte de mémoire collective, avant que ne survienne la « corruption » de la vie civilisée (Armstrong, 1982 : 16).

Nous explorerons donc ici l’interprétation voulant que la formulation du nationalisme autochtone représente avant toute chose une continuité avec le passé, que ce passé en constitue le fondement et la source. Cette thèse de la continuité, issue d’une approche davantage primordialiste de la nation, met de l’avant certains présupposés nationalistes autochtones, ou « principes indigénistes » (Simpson, Leanne, 2008a : 1652),

bien ciblés. Parmi ceux qui emploient ce type de discours, les auteurs nationalistes autochtones, ou intelligentsia autochtone (Alfred, 1999 : 142), se trouvent à l’avant-plan. Il est toutefois important de souligner que les auteurs nationalistes autochtones nord- américains constituent un groupe récent en comparaison d’autres nationalismes. Par conséquent, leur nombre est relativement limité; toutefois, cette littérature reste quand même trop vaste pour la démarche que nous entreprenons ici. Nous insistons donc sur les auteurs originaires du Canada, bien que cette intelligentsia déborde les frontières canadiennes, et puise notamment dans une certaine littérature américaine. À ce sujet, les travaux fondateurs d’un penseur comme Vine Deloria Junior aux États-Unis sont incontournables, et furent suivis par ceux de George Manuel et Michael Posluns (1974) au Canada. Concernant les écrits plus contemporains, nous explorerons la pensée d’autres auteurs originaires du Canada tels que Taiaiake Alfred, Leanne Simpson, Audra Simpson, Glen Coulthard, Dale Turner, et Kiera Ladner. Nous pouvons également ajouter les propos de l’auteure américaine Eva Garroutte et des défenseurs de leurs droits non-autochtones, identifiés comme étant progressifs (Alfred, 1999 : 63), comme James Tully et Iris Marion Young. Nous pouvons aussi inclure l’ensemble du rapport de la CRPA, qui regroupe

51 disconnection from what is to be Indigenous. 52 indigenist principles.

principalement des propos de tous les types d’acteurs que nous avons nommés précédemment, et auquel James Tully a d’ailleurs participé en tant que conseiller et rédacteur.

Un regard rapide sur la situation des Autochtones nous confirme la continuité indéniable d’éléments importants. Nous ne nous attarderons pas outre mesure sur ceux-ci, qui semblent faire consensus : la conscience de groupe a survécu, certaines langues autochtones également et ce, même durant la phase de marginalisation/assimilation. À la fin de cette dernière phase et aussitôt que les obstacles, souvent légaux, sont tombés, et que le terrain fut plus propice, nous avons d’ailleurs assisté à une résurgence des nations autochtones. C’est en ce sens que les auteurs autochtones insistent sur la résistance continuelle des peuples autochtones depuis les débuts de la colonisation, de cinq siècles de résistance selon les mots de Leanne Simpson (Simpson, Leanne, 2008a : 13). Toutefois, outre ces éléments dont la continuité ne fait aucun doute, certains autres sont plus controversés. Pour nous, il est crucial de pousser l’analyse de ce type de discours de façon à en séparer les éléments de réelle continuité de ceux qui pourraient s’avérer d’origine plus récente et qui seraient redevables d’une influence entre les nations, du contact avec la modernité ou encore de la simple évolution interne des nations autochtones.

Nous remarquons, d’abord, l’accent mis sur certains éléments, que nous pourrions dire culturels, au sein de ce discours nationaliste autochtone. Ces éléments « culturels » ne sont pas tant sujets de débat, peut-être parce qu’ils ne comportent que peu ou pas de connotation politique, mais sont tout de même du plus grand intérêt pour notre analyse. Ce sont :

 les traditions,  les ancêtres,

 le lien spirituel à la Terre et à la nature.

Au niveau des éléments exclusivement politiques, les présupposés nationalistes autochtones, nombreux, viennent appuyer la notion de « nation autochtone », tout comme le font les éléments culturels cités précédemment. Nous les présentons ici, de façon non exhaustive :

 l’occupation du territoire,  l’organisation politique,  la souveraineté,

 l’autodétermination,  les systèmes juridiques,  la citoyenneté.

À noter qu’il s’avère extrêmement difficile de séparer de manière tranchée les quatre premiers éléments politiques susmentionnés, si bien que nous les traiterons d’un seul bloc, comme étant interdépendants. Nous avons souligné que l’ONU est un acteur intéressé parce qu’appelé, par sa nature même, à défendre la stabilité du système international axé sur la souveraineté des États et l’intégrité territoriale de ceux-ci ou encore, dans le cas qui nous concerne, des gouvernements du Canada et du Québec. Ainsi, des définitions atténuées des expressions « nation » (l’ONU utilise plutôt le terme « peuple ») et du « droit à l’autodétermination » sont reconnues dans le cas des Autochtones comme étant légitimes même si, jusqu’à maintenant, cette variation de terminologie n’a permis que des changements partiels, très éloignés de ceux revendiqués par les nationalistes autochtones, comme le souligne Alfred :

[…] maintenant, le problème est moins évident parce que, au lieu d’être des Indiens gouvernés comme des pupilles par la Loi sur les Indiens, ils sont maintenant reconnus comme des peuples « autochtones » possédant un « droit inhérent » à « l’autonomie gouvernementale ». Allez dans une réserve, regardez autour de vous, et demandez-vous si les Indiens sont mieux parce que la société blanche s’est déchargée de son fardeau terminologique (Alfred, 1999 : 8353).

La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones s’inscrit cependant dans cette voie de la reconnaissance des peuples autochtones, et elle est le fruit des pressions des Autochtones eux-mêmes durant la dernière décennie. Au niveau gouvernemental, le gouvernement du Canada admet aussi, nous le savons, l’idée même de l’autonomie gouvernementale autochtone, tout comme le Québec, qui reconnaît de plus les onze nations autochtones présentes sur son territoire, et ce, depuis 1985.

53 […] now, the problem is less obvious because, instead of being Indians governed by the state as wards

under the Indian Act, they are now recognized as ‘Aboriginal’ peoples with and ‘inherent right’ to ‘self- government’. Go to a reserve, look around, and ask yourself if Indians are any better off because white society has relieved itself of its terminological burden.

Nous nous interrogerons donc sur la part, certes de traditionalisme, mais aussi de modernité et d’influence entre les nations qui a, selon nous, inévitablement transformé les conceptions autochtones. Nous chercherons d’abord à décortiquer le discours des intellectuels, en le situant par rapport à certains éléments :

 leur conception de l’origine de la nation (antérieure ou moderne),

 l’importance accordée à la tradition et à la modernité dans l’évolution des nations autochtones,

 l’essentialisme quant à la nation autochtone.

En accord avec Benedict Anderson, si certains éléments participant à la définition de la nation autochtone s’avéraient être de l’ordre de l’imaginaire ou du mythique, ce caractère inventé de traditions ou « faits » présentés comme étant historiques ne leur retire pas toute légitimité. Ce côté mythique est même, pour Smith, une composante essentielle de tout nationalisme. Nous considérons que l’Histoire est constructive du discours, mais que le discours construit lui aussi, dans une certaine mesure, l’Histoire, qui est extrêmement difficile à rendre de façon complètement objective, justifiant ainsi l’utilisation d’« interprétations ». Deuxièmement, il est important de ne pas évacuer complètement une donnée importante du discours nationaliste autochtone : le nécessaire transfert de concepts d’origine autochtone vers les langues non-autochtones, un processus qui a comme conséquence une inévitable déformation de la pensée politique autochtone. En ce sens, des conceptions profondément divergentes, chez les Autochtones, du territoire, du pouvoir, de l’individu, de la communauté et possiblement de la nation, rendent très difficile l’emploi de concepts d’origine non-autochtone. Toutefois, parce que les Autochtones croient profondément à la possibilité d’un changement éventuel de perception chez les non- Autochtones, qui en viendraient à comprendre progressivement les conceptions particulières des Autochtones, ce moyen est néanmoins utilisé par un groupe de philosophes et de nationalistes autochtones que des auteurs comme Dale Turner (2006) et James Tully (2007) identifient comme étant les word warriors, ou guerriers autochtones de la parole. Nous serons donc sensible à la difficile, mais nécessaire traduction conceptuelle qui est le fondement même d’une stratégie propre aux nationalistes autochtones.

Dans ce chapitre, notre objectif est de comprendre le nationalisme autochtone, de manière critique, à travers la pensée d’intellectuels autochtones et de certains auteurs non- autochtones. Nous présenterons d’abord l’ensemble philosophique identifié par Leanne Simpson en tant que « connaissance indigène traditionnelle » (Simpson, Leanne, 2004 : 37354) ou « Indigenous Knowledge » (Simpson, Leanne, 2008b : 74), auquel est associé le

mot « système » (Simpson, Leanne, 2004 : 373; Simpson, Leanne, 2008b : 7455), sous-

entendant une cohérence interne à cet ensemble. Pour notre part, nous identifierons ce discours comme étant la « philosophie autochtone traditionnelle », tout en nous concentrant davantage sur la composante politique de celle-ci. Nous présenterons ce discours sous l’angle des intellectuels nationalistes ou traditionalistes autochtones eux-mêmes qui, comme nous l’avons déjà souligné, nous semblent se référer à une perception de leurs propres nations, ou groupes, davantage primordialiste. De façon parallèle, nous interpréterons ce discours sous l’angle de l’ethnosymbolisme, en nous attachant aux caractéristiques de la nation que sont les symboles, les mythes, une culture particulière, des coutumes, un rapport spécifique au territoire, la présence d’une communauté politique ou d’un vouloir-vivre collectif. Par la suite, nous traiterons des questions épistémologiques que font naître la mise de l’avant de ce type de discours, notamment en ce qui a trait à l’importance de la culture orale, à une conception particulière de l’Histoire et aux problèmes, ou difficultés, de la traduction conceptuelle et de la séparation des différentes composantes politiques et sociales.

Occupation du territoire, organisation politique, souveraineté et autodétermination La question de l’occupation autochtone du territoire est complexe et se décline en plusieurs éléments. Le premier concerne l’occupation pure et simple du territoire. Pour la CRPA : « Les autochtones affirment souvent qu’ils sont ici depuis la nuit des temps, et il existe effectivement de nombreuses preuves de leur présence séculaire en Amérique du Nord. On estime que les établissements humains sur ce continent pourraient remonter à 40 000 ans » (Canada, 1996a : 11). Certes les Autochtones, de manière générale, ont

54 Traditional Indigenous Knowledge. 55 System.

occupé l’Amérique avant tout autre groupe humain : « Le fait est que nous sommes un peuple spécial. Nous étions ici les premiers » disait Phil Fontaine, chef de l’Assemblée des premières nations (cité dans Flanagan, 2002 : 21). Il s’agit d’une observation difficilement contestable qui est à l’origine même du terme « Autochtone », par opposition à « non- Autochtone ». Toutefois, la question se complique lorsque l’on s’interroge sur l’occupation de territoires précis par des groupes particuliers. Certains non-Autochtones, hommes politiques et penseurs en premier lieu, se sont employés, dès les débuts de la colonisation, à marginaliser les façons de faire autochtones, de manière à justifier l’occupation du territoire récemment « découvert ». À ce sujet, les théories de John Locke et d’Emer de Vattel ont eu une influence considérable (Flanagan, 2002 : 49-53). Notons, entre autres, la doctrine de la

terra nullius, liée à celle de la supériorité de la vie sédentaire et agricole (associée à la

notion controversée de civilisation), sur le semi-nomadisme et les chasseurs-cueilleurs (ou vie sauvage) (Tully, 1999 : 70-78). Ces arguments trouvent un écho, encore aujourd’hui, chez un auteur comme Flanagan.

L’occupation du territoire est intimement liée à un deuxième niveau de l’argumentation, celui des structures politiques. Il existe de nombreuses preuves d’organisation politique, chez les Autochtones. La CRPA décrit ainsi les Autochtones au moment du contact :

Les récits font souvent état de structures sociales complexes construites autour de la famille nucléaire et élargie. L’ensemble de ces familles est regroupé dans une bande, un clan, un district ou une collectivité pouvant faire partie d’une nation plus vaste qui peut elle-même appartenir à une confédération de nombreuses nations et à un groupe linguistique plus grand. La fonction gouvernementale est habituellement décentralisée, des unités locales se réunissant entre elles ou envoyant des représentants aux conseils de la nation ou de la confédération (Canada, 1996a : 92).

La première partie de cette description reflète, selon nous, le cas de la majorité des groupes autochtones. Chez les chasseurs-cueilleurs, on observait des groupes composés de quelques familles qui se réunissaient, de manière volontaire et temporaire, autour d’un chef, le plus souvent un chasseur expérimenté. La relation entre le chef et les autres membres du clan tenait davantage de la confiance et de la persuasion que de la contrainte. La seconde partie de la description, en revanche, concerne l’ensemble politique plus important qu’est

l’arrangement de type confédératif et semble décrire davantage les peuples sédentaires comme les Iroquois, mais nous pouvons également souligner l’organisation, sous la forme de confédération, des Pieds-noirs (Canada, 1996a : 64-76) des Outaouais (Tully, 1999 : 117) et des Hurons (Delâge, 1991 : 72-73) à laquelle il faut ajouter une division du territoire assez sophistiquée, sous la forme de districts, chez les Micmacs (Canada, 1996a : 52).

Concernant les Hurons et les Iroquois, leurs structures politiques, la relative unité des nations qui caractérisait et caractérise toujours ces groupes et leur occupation que nous pourrions dire continue du territoire nous permettent d’emblée de parler de nations, même dans un sens proche de l’acception moderne. Ainsi, Gélinas soulignera le fait que les Hurons et les Iroquois avaient mis en place des « gouvernements réguliers », et recensera les propos du sulpicien Arthur Guindon, pour qui les Iroquois auraient recherché à créer une organisation politique qu’il comparera à celle des Romains, une union politique sans considération de « races » (Gélinas, 2007 : 67). Le cas des Autochtones sédentaires est aussi décrit par Alfred. En ce qui concerne les Mohawks de Kahnawake, sa propre communauté, il établit, dans son ouvrage de 1995, une distinction entre sa nation et les autres nations autochtones. Pour Alfred, les structures politiques complexes des Mohawks et, de manière plus large, des Iroquois au moment du contact ont perduré, dans une certaine mesure, durant des siècles.

En conséquence, le tournant pris par les Mohawks durant les années 1970 et qui connut son apogée avec la crise d’Oka en 1990 n’aurait pas été possible chez d’autres nations, qui s’avèrent en grande majorité moins organisées historiquement. Fort de cette observation, nous pouvons conclure que les revendications nationales chez les peuples sédentaires ne posent que peu ou pas les problèmes d’organisation politique et d’occupation du territoire que nous avons développés dans notre questionnement. En revanche, les groupes historiquement semi-nomades les posent.

Permettons-nous d’abord une observation déduite de façon logique en ce qui concerne la communauté politique : pour nous, il apparaît clair que l’existence d’une unité politique comprenant l’ensemble de la nation, chez les peuples semi-nomades, par exemple

les Innus, pendant la période précoloniale, est difficilement envisageable de par les difficultés de transport et de communication, la souplesse et la mobilité des groupes ainsi que l’absence d’une autorité capable de réaliser cette unité et de parler au nom de la nation. Selon notre interprétation, le grand ensemble que l’on chercherait à identifier comme étant la nation innue historique ne peut être que culturel et toute représentation ou évocation d’une unité de la communauté politique, qui reste encore à faire d’ailleurs dans le cas des Innus comme dans celui de bien d’autres nations autochtones, ne peut ou ne pourrait être que postérieure à la phase de modernisation. Ainsi, avant cette période, l’unité politique se trouvait à d’autres niveaux :

[…] les collectivités elles-mêmes jouissaient d’une autonomie considérable à l’intérieur de réseaux plus vastes de ce qu’on a appelé des tribus ou des nations dans le vocabulaire colonial. Les nations se distinguaient par leur langue ou leur dialecte, et par leur territoire. Les relations à l’intérieur de la nation étaient habituellement régies par l’appartenance à un clan, qui allait au-delà des liens immédiats du sang et du mariage. Les membres du clan étaient liés par des origines communes, affirmées dans des histoires remontant jusqu’à un passé mythique et renforcées par des légendes sur les exploits d’ancêtres célèbres (Canada, 1996a : 726).

Ces propos viennent appuyer les présupposés de Pierre van den Berghe concernant la « superfamille » qu’est la tribu ou la nation au sens primordialiste du terme (Smith, 1998 : 147), cette superfamille constituant apparemment le vaste ensemble culturel, tandis que l’unité politique se trouverait à un niveau beaucoup plus local, principalement la collectivité ou le clan, des groupes réduits où est possible et probable le face-à-face entre les individus, bien davantage qu’au niveau d’une quelconque communauté imaginée, qui toutefois pourrait avoir été au stade de l’émergence chez les peuples qui avaient développé un système de type confédéral. Ainsi, pour Delâge, dans le cas des Hurons : « dans les systèmes de parenté matrilinéaires, l’unité de base n’est pas la famille, mais le clan. […] Le sentiment d’appartenance au clan prime sur celui de l’appartenance à la famille nucléaire »

Documents relatifs