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1.3 Les nanotubes

1.3.2 Les nanotubes organiques

Dans le cadre du développement des structures organiques en nanoscience et dans le but de trouver une solution aux problèmes rencontrés par les nanotubes de carbone, les chercheurs travaillent sur des moyens d'obtenir des nanotubes organiques. Jusqu'à maintenant, il existe une multitude de méthodes employées pour les obtenir et la plupart d'entre elles passent par la chimie supramoléculaire. L'utilisation des interactions intermoléculaires dans le but d'obtenir une structure précise a l'avantage de simplifier la synthèse. En effet, il suffit d'obtenir un synthon relativement simple pour obtenir une structure beaucoup plus complexe. Par contre, ces structures sont instables, c'est-à-dire qu'il est possible de perdre la structure en changeant tout simplement le solvant, le pH ou même la température. Pour ces raisons, il y a de plus en plus de recherche qui se fait dans le but d'obtenir un nanotube lié uniquement de façons covalentes.

1.3.2.1 Les nanotubes organiques supramoléculaires

Figure 15 : Diverses méthodes de synthèse de nanotubes organiques par la voie supramoléculaire

Il y a plusieurs moyens d'obtenir des nanotubes organiques par la voie supramoléculaire. En effet, il y a les empilements de macrocycles, les foldamères, les micelles, les copolymères-blocs, les empilements de rosettes et autres (voir Figure 15).60 Chacune des méthodes demande plus ou moins de synthèse avant l'assemblage supramoléculaire.

1.3.2.1.1 Les micelles

Les micelles sont composées de molécules amphiphiles (aussi appelées tensioactifs). En général, les micelles sont plutôt de forme sphérique. Par contre, il est possible de réguler la forme des micelles en changeant le rapport entre la grosseur de la tête polaire et la longueur de la queue hydrophile.61 De ce fait même, il est possible de prévoir la forme de la micelle à l'aide du rapport v/a0lc où v est le volume moléculaire occupé par la

partie hydrophobe, lc la longueur maximale de la molécule et a0 l'aire occupée par la tête

polaire (voir Figure 16).62

Il existe plusieurs cas de nanotubes préparés à l'aide de micelles.63 D'ailleurs, en 2006, le groupe de Chulhee Kim a publié un nanotube formé à l'aide d'une molécule amphiphile qui est elle-même faite à partir d'une pseudorotaxane (voir Figure 17).64 Plus récemment, le groupe de Masuda a utilisé les molécules amphiphiles pour permettre d'incorporer à l'intérieur même d'un nanotube un médicament anticancéreux le cis- dichlorodiamine platine (II) (CDDP) (voir Figure 18).65

Figure 17 : Nanotubes faits à partir d'une molécule amphiphile

.

1.3.2.1.2 Assemblage de petites molécules

Ceci ressemble beaucoup à la dernière section, à peu de choses près qu'il ne s'agit pas nécessairement de molécules amphiphiles. Il arrive à l'occasion que l'assemblage de

petites molécules donne des nanotubes. Par exemple, le groupe de Chen a démontré qu'il était possible d'obtenir un nanotube à partir du azacalix[2]triptycène[2]pyridine.66 Bien évidemment, il y a d'autres exemples dans la littérature.67,68

1.3.2.1.3 Empilements de macrocycles

Les empilements de macrocycles ont pour grand avantage de pouvoir facilement réguler le diamètre du nanotube. En effet, il suffit d'ajuster la taille du macrocycle. Par contre, il est généralement plus long et plus difficile d'obtenir un macrocycle qu'une petite molécule. Évidemment, il y a des macrocycles plus faciles à obtenir que d'autres. Les interactions qui permettent l'empilement de macrocycles sont en général les ponts H, les interactions π et les interactions de van der Waals.

1.3.2.1.3.1 Macrocycles de peptides

Figure 19 : Nanotube formé de macrocycles peptidiques

Le grand avantage d'utiliser des macrocycles de peptides est la grande connaissance que nous avons de la synthèse peptidique. De plus, il est possible de créer un synthon de deux acides aminés et d'utiliser ce synthon pour obtenir un macrocycle. Aussi, vu que les peptides contiennent plusieurs fonctions amides reconnues pour aider lors de la formation

de structures supramoléculaires grâce aux ponts H qu'elles peuvent facilement former, il n'est pas nécessaire d'ajouter des fonctions aidant les interactions supramoléculaires (voir Figure 19). Le premier à notre connaissance à avoir formé un nanotube à l'aide de macrocycles peptidiques est le groupe de Ghadiri en 1993.69 De plus, le même groupe a démontré en 1998 qu'il est possible d'utiliser ce type de nanotube pour faire des canaux ioniques dans des membranes (voir Figure 20).70 Bien évidemment, il y a plusieurs exemples de nanotubes faits de macrocycles de peptides.71

1.3.2.1.3.2 Macrocycles d'aryles conjugués

L'un des avantages de ce type de macrocycle est sa rigidité, ce qui limite l'effondrement des nanotubes. Il faut tout d'abord dire que les macrocycles d'aryles conjugués, lorsqu'ils forment un nanotube, sont généralement décalés latéralement les uns par rapport aux autres. En effet, cette conformation permettrait de minimiser les répulsions π-π et de maximiser les interactions entre les protons positifs et les cycles aromatiques négatifs.72

De plus, il est très rare d'obtenir les structures de rayons X de ces molécules. En effet, leur faible solubilité rend les cristaux extrêmement difficiles à obtenir. De plus, même lorsqu'il est possible d'obtenir les cristaux, il est par la suite difficile de les conserver suffisamment longtemps pour pouvoir faire l'analyse. Finalement, la résolution du

diffractogramme est généralement mauvaise. Malgré tout, après un an de travail, le groupe de Sheldrick a réussi à obtenir la structure de leur molécule. Il y a formation d'une structure tubulaire grâce à l'empilement de ses macrocycles, mais avec un décalage comme mentionné plus haut (voir Figure 21).73

Il est aussi possible avec ce type de macrocycles d'obtenir la structure désirée à l'aide de cations, tout dépendant qu'elle est la structure à l'intérieur même du macrocycle. C'est ainsi que le groupe de MacLachlan a réussi à obtenir une structure tubulaire à l'aide de son macrocycle de « base de Schiff » (voir Figure 22). Il a réussi à prouver l'obtention d'un

Figure 21 : Structure du macrocycle du groupe de Sheldrick

empilement de macrocycles à l'aide de la spectroscopie RMN et aussi à la spectroscopie UV/visible.74

Le groupe de Moore a lui aussi obtenu des structures tubulaires à l'aide de macrocycles d'aryles conjuguées. Il a utilisé des macrocycles de phénylacétylène. Encore une fois, l'empilement s'est fait à l'aide de macrocycles décalés latéralement et non l'un vis- à-vis de l'autre. Par contre, dans ce cas-ci, les macrocycles n'étaient pas uniquement légèrement décalés, mais plutôt le macrocycle du dessus se trouvant entre deux macrocycles du dessous (voir Figure 23).75

Il est aussi possible d'obtenir des nanotubes en ajoutant des groupements encombrants à chaque extrémité des macrocycles de phénylacétylène. Ainsi, grâce aux

Figure 23 : Macrocycles du groupe de Moore

interactions supramoléculaires des groupements à la périphérie du macrocycle, il est possible d'obtenir des structures tubulaires. À l'aide de cette technique, le groupe de Höger a ainsi réussi à obtenir un nanotube (voir Figure 24).76,77

Bien entendu, il y plusieurs autres types de macrocycles qui peuvent être utilisés lors de la formation de nanotubes. Il y a les macrocycles de saccharides78, les pillararènes79,80, etc.

1.3.2.1.5 Les foldamères

Les foldamères sont tout d'abord formés d'une simple chaîne. Il est donc possible de tout simplement obtenir un monomère et le coupler avec lui-même pour obtenir un oligomère. Il est donc relativement facile ici de réguler la longueur du nanotube qui est proportionnelle à la longueur de l'oligomère. Les interactions supramoléculaires font en sorte que l'oligomère se replie sur lui-même sous la forme d'une hélice formant ainsi une cavité en son centre. Les interactions utilisées pour aider à la formation de foldamères sont les ponts H et les interactions π (voir Figure 25).81

Il y a bien évidemment les foldamères formés d'acides aminés. Ces derniers sont faciles à synthétiser et présentes des groupements (amides) qui sont souvent utilisés lors de la formation de structures supramoléculaires.82 Il y a aussi les foldamères formés de phénylacétylènes où la structure ici est conservée grâce aux interactions π.83

1.3.2.2 Les nanotubes organiques liés de façons covalentes

Malgré les avantages d'utiliser la chimie supramoléculaire pour obtenir les nanotubes, elle comporte aussi plusieurs désavantages. En effet, un seul changement de paramètre, que ce soit le type de solvant, la température, le pH ou tout simplement la présence d'autres espèces en solutions peut faire perdre la structure. Cette faible stabilité limite grandement l'utilisation éventuelle de ces nanotubes, car il faut les utiliser dans des conditions très spécifiques et fixes. Pour ces raisons, les chercheurs travaillent sur l'alternative d'obtenir des nanotubes organiques liés de façon covalente.

Il y a quelques stratégies possibles, certaines utilisant aux premiers abords la chimie supramoléculaire, d'autres des gabarits ou tout simplement en montant le nanotube pièce par pièce. Il sera présenté ici quelques stratégies.

Il est possible d'obtenir un nanotube organique lors de la polymérisation de deux monomères pour ainsi obtenir un copolymère réticulé. Le groupe de Son est parti d'un tétrayne et d'un dibromo et, à l'aide d'une polymérisation par couplage de Sonogashira, il a obtenu un nanotube lié de façon covalente. Le simple fait de mettre les deux monomères ensemble ne suffit pas à obtenir le nanotube, il y a alors obtention d'un matériel microporeux. Par contre, si le dibromo est ajouté à l'aide d'une pousse-seringue, il est alors possible d'obtenir le nanotube organique (voir Figure 26).84

Une autre stratégie est d'utiliser la chimie supramoléculaire pour obtenir le nanotube désiré. Cette stratégie permet d'utiliser les avantages de la chimie supramoléculaire, c'est-à- dire l'utilisation d'unités relativement simples et faciles à synthétiser tout en évitant les inconvénients, c'est-à-dire l'instabilité du nanotube. Par contre, il faut réussir à faire la réticulation des unités dans les conditions qui conservent la structure, ce qui limite les possibilités. De plus, il faut que les unités possèdent à la fois les groupements permettant la structure supramoléculaire et qui permet la réticulation ce qui complexifie la synthèse de ces unités.

L'une des possibilités serait d'utiliser une polyrotaxane. Il y a plusieurs exemples dans la littérature de polyrotaxane et il est relativement facile de les obtenir. La polyrotaxane permet d'aligner les différents macrocycles face à face. Il suffit alors d'utiliser un macrocycle avec un centre qui permet une complexation avec une tige et des fonctions périphériques qui permettent la réticulation des différents macrocycles. La difficulté ici est de réussir à enlever la tige pour finaliser la synthèse du nanotube. Pour ces raisons, le groupe de Kamachi a décidé d'utiliser la cyclodextrine avec une chaîne d'éthylène glycol comme tige. Ils ont ainsi obtenu une polyrotaxane où les macrocycles sont très proches les uns des autres. Ils ont par la suite réticulé entre eux les différentes cyclodextrines à l'aide de l'épichlorohydrine avant finalement de retirer la tige centrale en enlevant le bloqueur à l'aide d'une base forte (voir Figure 27).85,86

Une autre méthode est d'utiliser les foldamères. En effet, il suffit de prendre le monomère, y ajouter un groupement permettant la réticulation et ainsi figer sa conformation après avoir obtenu la structure supramoléculaire désirée. C'est ainsi que le groupe de Khan a réussi à obtenir un nanotube organique lié uniquement de façon covalente. Premièrement, ils ont synthétisé un monomère contenant une liaison double

Figure 27 : Formation d'un nanotube à l'aide d'une polyrotaxane

permettant facilement de réticuler à l'aide de la lumière, ce qui permet de lier ensemble les différentes unités dans n'importe quelles conditions, permettant ainsi de garder les conditions idéales à la formation du foldamère. Par la suite, ils ont polymérisé cette unité grâce à un couplage de Sonogashira. Finalement, après avoir obtenu le foldamère, ils ont réticulé pour obtenir un nanotube lié de façon covalente (voir Figure 28).87

Une autre stratégie développée par le groupe de Zimmerman est d'utiliser plusieurs synthons différents ayant chacun des propriétés différentes dans le but de les assembler et d'obtenir ainsi un nanotube organique lié de façon covalente. Pour ce faire, ils ont utilisé une porphyrine sur laquelle il a ajouté des dendrons de type Fréchet contenant des groupements allyle. Par la suite, ils ont polymérisé cette unité au centre de la porphyrine à l'aide de l'étain présent et d'un diacide. Par la suite, ils ont réticulé l'extérieur du polymère à l'aide d'un catalyseur de Grubbs 1ère génération.Cette réticulation a permis de lier ensemble les différentes unités à la périphérie. Donc, les monomères étaient liés entre eux au centre (la porphyrine), mais aussi à la périphérie (les dendrons de type Fréchet). Finalement,

l'hydrolyse permet d'enlever la tige et ainsi d'obtenir un nanotube organique lié de façon covalente (voir Figure 29).88 Le nanotube de groupe de Zimmerman a par contre quelques défauts. Tout d'abord, il est court, ne comportant qu'environ sept unités de long. De plus, il est flexible, il peut donc facilement s'effondrer sur lui-même perdant ainsi ses propriétés tubulaires.

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