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3.3 Comportement en surface des verres irradiés par laser fs

3.3.3 Nanostructuration

Des nanostructures périodiques ont également été produites pour toutes les énergies par impulsion testées. Les figures 3.13 et 3.14 présentent des images de telles structures dans la silice fondue et le BK7 respectivement. Dans la silice, les nanostructures sont orientées perpendiculairement au vecteur de polarisation du laser P

et adoptent l’aspect de fissures sans déformation positive émergente de la surface.

Figure 3. 13 : Nanostructures dans la silice fondue induite par impulsions laser femtosecondes ayant une polarisation P a) parallèle et b) perpendiculaire à la direction

a) b)

Figure 3. 14 : a) Nanostructures induites à la surface arrière du BK7 par impulsions de 600 nJ. b) Trace de modification en surface induite par impulsions de 500 nJ montrant deux séries de structures perpendiculaires (Objectif : 10X 0.3 NA, Laser : 789 nm, 250 kHz, 70 fs, 1 mm/s).

Dans le BK7, ces structures ne sont pas aussi bien définies. À la figure 3.14a, elles semblent être générées par l’ébullition et l’éjection de petites portions du matériau, laissant une série de nanofilets qui se rassemblent dans des directions privilégiées. Une déformation de la surface positive est tout de même observée dans ces conditions. À la figure 3.14b, le même type de structure est observé avec la même orientation, et ce malgré la rotation du vecteur de polarisation P. Ceci supporte davantage l’hypothèse de la réorganisation du matériau suite à son ébullition/éjection, qui ne dépend pas de la polarisation du laser. Ce processus ressemble aux ondulations induites sur le silicium par ablation laser [56]. Toutefois, quelques fines stries du côté gauche de la trace sont orientées perpendiculairement à la polarisation et ont une apparence très semblable à celle des nanofissures induites dans la silice fondue. Ce type d’interaction n’avait pas été observé auparavant avec les verres de type borosilicate. Comme le contexte de cette thèse se porte plutôt sur la soudure laser et la définition des paramètres d’irradiation optimaux, aucune démarche n’a été entreprise

a) b)

pour vérifier son origine. C’est seulement récemment (en 2013) que ce phénomène a été caractérisé dans le borosilicate [57].

Il est bien admis que l’orientation des nanostructures induites par impulsions laser fs dans la silice dépend de la polarisation [58]. Afin de vérifier que les structures générées dans nos échantillons s’apparentent à celles de la littérature, nous avons mesuré l’angle relatif des nanostructures qui ont été générées dans la silice en fonction de l’angle de polarisation du laser (Figure 3.15). Malgré l’allure générale qui confirme la dépendance à la polarisation, l’orientation précise des nanostructures ne suit pas parfaitement l’angle de polarisation.

Figure 3. 15 : Mesures de l’angle relatif des nanostructures en fonction de l’angle de polarisation du laser (Objectif : 10X 0.3 NA, Laser : 789 nm, 250 kHz, 70 fs, 1 mm/s, 800 nJ).

La périodicité des nanostructures dans la silice fondue a également été mesurée en fonction de l’énergie par impulsion (Figure 3.16). Le pas du réseau varie entre 50 et 80 nm pour les conditions d’exposition employées sans dépendance claire sur l’énergie par impulsion ni la vitesse de balayage.

-80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80 -20 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Angle de la polarisation (°) A n g le d e l a n an o -s tr u ct u re ( °) y=0.953x + 76.48

Figure 3. 16 : Périodicité des nanostructures dans la silice fondue en fonction de l’énergie par impulsion pour différentes positions du foyer (Objectif : 10X 0.3 NA, Laser : 789 nm, 250 kHz, 70 fs, 1 mm/s).

Le phénomène de nanostructuration de la silice fondue n’est généralement pas causé directement par l’interaction des impulsions laser fs polarisées avec la surface [59]. En général, la fracturation de la surface telle que vue lors de ces expériences n’est pas observée. La gravure chimique par l’acide fluorhydrique est nécessaire pour révéler les nanostructures. L’observation directe de nanofractures en surface de la silice et du BK7 sans traitement supplémentaire semble démontrer la présence de contraintes mécaniques importantes possiblement induites par la filamentation. La périodicité des structures n’est pas directement gouvernée par la superposition spatiale ni l’énergie des impulsions. Nous pensons que la périodicité est dictée par un mélange complexe de transformations mécaniques et thermiques de la matière suivant l’ionisation non linéaire. Les deux types de structures observées à la figure 3.14b, qui semblent être produites par des phénomènes distincts, supportent cette hypothèse. Pour appuyer davantage le concept de contraintes thermomécaniques induites par la filamentation, certaines traces de modification exhibaient des nanostructures enfouies à l’intérieur du matériau le long de l’axe optique, comme le montre la figure 3.17. Cet exemple montre bien la modification induite à la matière sous la surface, démontrant que l’accumulation de contraintes est susceptible de modifier le comportement du matériau, sans toutefois imposer des dommages importants comme les bulles ou des microexplosions.

200 300 400 500 600 700 800 900 1000 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Énergie par impulsion (nJ)

P er io d ic it é m o y en n e d e s n an o -s tr u ct u re s ( n m )

Figure 3. 17 : Vue par le côté de nanostructures enfouies dans le BK7 près de la surface arrière (Objectif : 10X 0.3 NA, Laser : 789 nm, 250 kHz, 70 fs, 1 mm/s, 800 nJ).

Les résultats présentés dans cette section nous permettent d’avancer sur plusieurs hypothèses expliquant la formation de soudures laser fs entre les verres. Premièrement, l’expansion et la déformation du matériau par l’onde de choc émergente du plasma près de la surface joue un rôle crucial envers le mélange des matériaux. En revanche, si la pression est trop grande, la matière risque d’emprisonner d’importantes contraintes thermomécaniques qui induisent des défauts susceptibles d’affaiblir les joints de soudure. La magnitude des déformations de surface explique l’échec de la soudure laser fs pour un espacement entre les surfaces supérieur à 100 nm (λ/4). Lorsque les conditions de contact propices sont réunies, la déformation localisée des matériaux de part et d’autre de l’interface optique les pousse en contact et les force à se mélanger. Ceci se distingue du concept de bain de matière fondue, qui implique que la dilatation thermique de la matière en fusion est majoritairement responsable du mélange des matériaux. Toutefois, les déformations de surface induites par laser fs ne suffisent pas pour dresser un portrait complet sur la soudure par filamentation. Il est bien documenté dans la littérature que l’ionisation non linéaire des verres par laser fs

produit des zones plus ou moins denses par la réorganisation des liaisons covalentes au sein des molécules. Il y a fort probablement des interactions responsables du bris et de la formation de nouvelles liaisons chimiques entre les molécules de chaque côté de l’interface optique qui contribuent à fusionner les matériaux. Pour le moment, on ne peut que spéculer sur la dynamique complexe de la formation d’une soudure laser fs par filamentation dans le verre. Les principaux résultats de cette expérience nous permettent au moins de comprendre davantage comment peut se faire le mélange de la matière, ainsi que l’origine du critère de contact minimal λ/4.

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