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Nanofils piézoélectriques

Chapitre I Bases théoriques de la piézoélectricité et matériaux piézoélectriques

I.3 Matériaux piézoélectriques

I.3.3 Nanofils piézoélectriques

Depuis la démonstration de génération piézoélectrique par des nanofils de ZnO par Wang et al. en 2006 [2] les nanofils sont apparus comme ayant le potentiel pour fortement améliorer les performances des dispositifs piézogénérateurs en raison de leur propriétés spécifiques :

I.3.3 a) Propriétés mécaniques des nanofils

Les nanofils piézoélectriques, tels que les nanofils III-Nitrures ou de ZnO, sont caractérisés par une très bonne qualité cristalline, résultant de l’absence de défauts de type dislocations ou insertions cubiques. De ce fait, ils peuvent être soumis à des déformations élastiques importantes sans conduire à des déformations plastiques ou à une fracture [34]. Ils présentent ainsi des propriétés mécaniques supérieures à celles des couches 2D. Du fait de leur grand facteur de forme (hauteur/diamètre), les nanofils sont également caractérisés par une très grande flexibilité. Ils peuvent donc être fléchis sous l’action d’une force appliquée extrêmement faible, de l’ordre de quelques pico/nano-Newtons [35]. Ainsi, très peu d'énergie cinétique est nécessaire pour faire fonctionner un nanogénérateur ou un dispositif piézogénérateur. Enfin, les nanofils sont caractérisés par une plus grande robustesse et une plus grande résistance à la fatigue que les matériaux 2D, prolongeant ainsi la durée de vie des nanosystèmes dans lesquels ils sont intégrés.

Les propriétés mécaniques des nanostructures telles que le module de Young et la limite d’élasticité sont des paramètres importants pour estimer leur capacité de déformation lorsqu’elles sont soumises à une force, et tout particulièrement pour l’étude de leurs propriétés piézoélectriques. Bien que les valeurs du module d’élasticité reportées pour les nanofils de ZnO présentent une certaine dispersion, il existe un consensus sur l’existence d’effets dimensionnels sur sa valeur pour des nanofils de ZnO orientés dans la direction [0001]. Lorsque leur diamètre diminue en dessous de 100 nm, la valeur du module d’élasticité augmente par rapport à la valeur du matériau massif [36]– [38]. Ce phénomène est plus prononcé lorsque les nanostructures sont sollicitées en flexion, qui induit une déformation importante de leur maille cristalline, que lorsqu’elles sont sollicitées axialement [38]. Pour ce qui est des nanofils de GaN, Bernard et al. [39] ont collecté les différentes valeurs de module d’élasticité rapportées dans la littérature pour des nanofils de GaN. De même que pour les nanofils de ZnO, il existe une relative disparité dans ces résultats. Cette étude montre que l’effet dimensionnel sur le module de Young des nanofils de GaN dopé-n n’est observé que pour des nanofils dont le diamètre est inférieur à 20 nm.

La mécanique de rupture des nanofils est également importante à considérer puisqu’elle influe sur la fiabilité et la durée de vie des systèmes dans lesquels ils sont incorporés. De nombreuses études, théoriques et expérimentales, ont été réalisées pour caractériser les propriétés mécaniques des nanofils piézoélectriques. Espinosa et al. [40] ont publié une revue de ces différentes études menées sur différentes nanostructures piézoélectriques, mais principalement sur des nanofils de ZnO. Ainsi il est rapporté que les nanofils de ZnO [41], tout comme ceux de GaN [42] ont une force de fracture nettement supérieure à celle du matériau massif.

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Bien que leurs caractéristiques mécaniques n’aient pas été quantifiées, nous avons observé expérimentalement que nos nanofils de GaN présentent une grande résistance à la rupture et à la fatigue, ainsi qu’une grande flexibilité. En effet, il est possible de les déformer jusqu’à les coucher sur la surface du substrat avec une pointe d’AFM, de façon réversible, et avec de faibles forces (de l’ordre de quelques nN).

I.3.3.b) Propriétés électriques

La faible section des nanofils leur confère un très grand rapport surface/volume et les rend donc très sensibles aux effets de charges de surface, qui influencent grandement leurs propriétés de conduction [43]. Dans les nanofils, ces effets induisent localement aux bords des surfaces un encrage (pinning) du niveau de Fermi. Pour conserver leur neutralité électrique, une couche de déplétion se forme à leurs interfaces avec le milieu extérieur et la conduction est confinée dans le cœur du nanofil, dans sa zone non déplétée. Si le diamètre des nanofils est inférieur à un diamètre critique (deux fois la largeur de déplétion), les nanofils sont complètement déplétés. Ce diamètre critique dépend du dopage de la nanostructure et de ses états de surface (qui peuvent être modifié par l’environnement [44] ou par des traitements de surface [45]. Ainsi, il a été démontré que la conductivité de nanofils de ZnO peut varier de plusieurs ordres de grandeur selon l’environnement dans lequel est faite la mesure (air, vide, azote ou oxygène). Ce phénomène est lié à l’absorption de molécules aux interfaces des nanofils avec le milieu extérieur, qui piègent plus ou moins de porteurs. Lorsque l’encrage du niveau de Fermi couvre tout la surface d’un nanofil, une augmentation de la différence entre le niveau de Fermi et la bande de conduction est induite et donc une diminution de la densité des porteurs libres dans le nanofil est observée [46], [47]. Bien que cet effet peut avoir des conséquences indésirables pour le fonctionnement des nanodispositifs électroniques et optoélectroniques, il peut apparaitre comme une opportunité dans piézogénérateurs à base de nanofils. En effet, les porteurs libres sont connus pour détériorer la réponse piézoélectrique du générateur en raison de leur effet d'écrantage des charges piézoélectriques [48]. La réduction de leur densité au bord des nanostructures peut donc conduire à la formation dans les nanofils d’un champ piézoélectrique plus fort.

I.3.3.c) Propriétés piézoélectriques

La caractérisation expérimentale des propriétés piézoélectriques des nanofils n’est pas triviale. En effet, à cause du couplage électromécanique, la mesure des coefficients piézoélectriques est plus difficile que celle des coefficients élastiques et très peu d’études ont été réalisées à ce jour. Il reste encore beaucoup à faire pour acquérir une compréhension complète des mécanismes piézoélectriques et du couplage électromécanique de ces nanostructures. Les principales techniques de mesure de ces propriétés sont la microscopie à force piézoélectrique qui est un mode spécifique de la microscopie par force atomique [40], et les mesures vibrationelles [49].

Les nanostructures unidimensionnelles présentent des propriétés piézoélectriques exaltées comparées à leur équivalent massif [Tableau 2]. Leur rapport d’aspect important leur confère une grande flexibilité, qui permet de leur imprimer des déformations importantes avec de faibles forces (de l’ordre du piconewton ou nanonewton) [50] L’exaltation des propriétés piézoélectriques des nanostructures 1D est expliquée par leurs propriétés mécaniques, par des effets de surface [3,4 et 40], et, lorsqu’ils sont déformés latéralement, par le phénomène de la flexoélectricité [51]. La flexoélectricité résulte du grand gradient de contrainte au sein des nanostructures en flexion et de leur basse dimensionnalité. Les mailles cristallines sont déformées de façon non uniforme, ce qui accroit les coefficients piézoélectriques des nanostructures et peut même faire naitre l’effet piézoélectrique dans des structures centrosymétriques. Ainsi, Zhao et al. [3] et Minary et al. [40] ont démontré expérimentalement l’accroissement du coefficient piézoélectrique d33, respectivement pour des nanostructures de ZnO et de GaN dont le diamètre est inférieur à 100 nm, comparé à leur

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équivalent massif [surlignage orange dans le Tableau 3]. Les valeurs de ces coefficients peuvent dépasser jusqu’à 6 fois celles du matériau massif.

Tableau 3 : Coefficients piézoélectriques de nanostructures de GaN et de ZnO, mesurés expérimentalement. Notons que certaines mesures présentent des coefficients inférieurs à ceux du matériau massif, en particulier ceux reportés par Scrymgeour et al. sur des nanopiliers de ZnO de diamètre compris entre 150 et 500 nm et de longueur de 400 à 600 nm. Cette étude a démontré la corrélation directe entre les propriétés électriques et les propriétés piézoélectriques des nanostructures. En effet, les nanopiliers avec les coefficients piézoélectriques les plus faibles présentaient également les résistivités les plus faibles (de 0,1 à 155 Ω.m). Nous avons vu plus haut que la conductivité des nanostructures était grandement influencée par les effets de surface et ainsi notamment par l’environnement. Nous pouvons ainsi entrevoir l’intrication complexe entre les valeurs des coefficients mesurés, l’environnement dans lequel est faite la mesure et les différents traitements chimiques subis par l’échantillon.

La détermination de ces propriétés piézoélectriques par la simulation avec des méthodes ab initio est limitée par le cout des simulations impliquant des nanofils de diamètre supérieur à quelques dizaines de nm. En conséquence, ces études sont relativement peu nombreuses et la plupart considèrent des nanostructures de moins de 5 nm de diamètre [4], qui sont en pratique difficiles, voire impossibles à synthétiser. Ces simulations montrent néanmoins l’accroissement des coefficients piézoélectriques des nanostructures lorsque leur section diminue, jusqu’à deux ordres de grandeur pour un nanofil de moins d’un nanomètre de diamètre. Dai et al. [55] ont également étudié les effets de surface à l’aide de ces simulations et ont ainsi pu extraire les constantes piézoélectriques de surface.

Ainsi, les nanofils piézoélectriques de par leur grand rapport d’aspect présentent des propriétés mécaniques et piézoélectriques supérieures à celles de leurs équivalents massifs, ce qui a été démontré aussi bien expérimentalement que théoriquement. Ces caractéristiques leur donnent un fort potentiel pour la fabrication de piézogénérateurs ultracompacts et efficaces.

Matériaux nanostructures Coefficients mesurés (pm/V) matériau massif Coefficients du (pm/V) [27] ZnO Nanoruban ( Ø = 65nm) [3] d33= 14,3 à 26,7 d33= 3,62 Nanopilier ( Ø = 300 nm) [52] d33= 7,5 Nanopilier (150 < Ø < 500 nm) [53] d33= 0,4 à 9,5 GaN Nanofil (64 nm < Ø < 191 nm) [40] dd1333 = -9,4 à -10,1 = 12,4 à 13,2 d15 = -9,9 à -10,5 dd1333 =-1,9 – -1,4 = 2,8 – 3,7 d15 = -3,2 Nanofil ( Ø = 64 nm) [54] d15 = -10

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