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Intertextualité externe

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Chapitre 2 : Intertextualité et décloisonnement de l’écriture

2.1 Intertextualité externe

L’intertextualité est, selon Mickaël Riffaterre, « la perception, par le lecteur, de rapports entre une œuvre et d’autres, qui l’ont précédée ou suivie405 ». Cette définition nous est nécessaire pour établir les liens existants entre le roman d’Otsiémi et ceux dont il s’inspire. En effet, son œuvre est le terrain de référenciation d’œuvres d’ailleurs. On va, pour ainsi dire, de la citation fidèle à l’allusion. Des rapprochements stylistiques, sémantiques avec d’autres auteurs sont également perçus, Otsiémi se permettant de ce fait de réemployer et de transformer ses connaissances littéraires. On parlera ici de réécriture. Certaines références peuvent manquer de lisibilité et d’opacité pour le lecteur, mais il appartiendra à ce dernier, grâce à sa mémoire, d’établir la possible relation des œuvres d’Otsiémi avec d’autres.

L’intertextualité, dans une visée pragmatique, nous permettra, au-delà du champ purement littéraire, de mettre en avant la mise en valeur, par l’auteur, des référents historiques et sociaux, et même la polyvalence des nombreux genres auxquels il fait référence. Son roman ne manque pas ainsi de présenter un Otsiémi musicien, chroniqueur, peintre et griot des temps modernes. L’intertextualité sera alors de mise avec l’interdiscursivité dans la mesure où elle permettra de faire ressurgir les divers discours présents dans le discours. Françoise Gadet souligne à ce propos :

Tout discours est hétéroglossique, laisse entendre de nombreuses voix outre celle de l’énonciateur, et est construit d’intertextualité. En font partie les nombreuses figures du discours rapporté, depuis la citation prétendue fidèle jusqu’au style indirect libre, en passant par le conditionnel journalistique […] On retiendra que le « travail » effectué par une catégorie discursive n’est jamais univoque et prévisible d’avance, et que c’est précisément le fonctionnement dans la mise en discours qui l’investit de son sens.406

404 Marc Eigeldinger, op. cit., 1987, p. 12.

405 Michaël Riffaterre, « La Trace de l'intertexte », La Pensée, n° 215, octobre 1980, p. 4.

406 Françoise Gadet, Analyse de discours et/ou sociolinguistique confrontées à la langue. Changements discursifs en français actuel, Université de Paris X, p. 12 :

L’intertextualité, qui permet de dire un discours autrement par l’entremise d’un autre discours, permet de ressortir la portée sémantique de ce dernier. Tout intertexte est donc porteur de sens.

Ce sont ces intertextes et le sens qui leur est accordé qui nous permettront d’établir notre analyse.

2.1.1 Polars anglophones et francophones

Le roman d’Otsiémi se lit tel le polar d’Ailleurs. On y voit une imitation du style d’autres écrivains, à la manière d’un pastiche. Le pastiche, défini comme une œuvre imitant le style d’un auteur, reprend plus ou moins le contenu de l’œuvre d’origine. Il se distingue toutefois du plagiat, de la parodie et de la caricature. Le plagiat, une des formes de l’intertextualité, est défini par Gérard Genette comme la « présence effective d’un texte dans un autre ». Il se démarque de la parodie qui apporte une dimension ironique, burlesque ou satirique à une œuvre. Il se distingue également de la caricature qui amplifie les traits d’un sujet, le chargeant souvent d’aspects ridicules et déplaisants.

Pour obéir au principe du polar, Otsiémi s’inspire de ses lectures anglophones. En effet, la dimension noire, engagée, violente, brute du polar né aux États-Unis fait de ce dernier le roman idéal pour dénoncer des tares, pour parler aux siens tout en étant dans la recherche d’un effet de réel. Le roman idéal pour s’adresser avec véhémence à ses lecteurs. Otsiémi recourt consciemment ou inconsciemment à ces influences et les transpose dans ses romans ; son œuvre ne manquant toutefois pas, malgré cette imitation, d’originalité. À ce propos, Van Tieghem disait :

Ces influences littéraires, comment les déceler ? Quelles sont les voies d’accès qui permettent de les retrouver ? L’aveu des auteurs eux-mêmes ? Henry Peyre a dit (Shelley, Introduction, p. 17) combien cette voie était trompeuse : « Nous savons tous par notre exemple personnel qu’il nous arrive de ne jamais mentionner les auteurs qui laissent sur nous les plus profondes marques, alors que nos lectures renferment tant d’autres détails insignifiants sur des lectures qui nous touchent beaucoup moins. » Avec quelle ingéniosité, d’ailleurs, certains écrivains dissimulent leurs sources essentielles de leur inspiration, quitte à étaler les références à des textes qui laissent apparaître leur originalité. Qu’on songe aux notes du Génie du christianisme. Reste l’œuvre elle-même.

L’ingéniosité des sourciers est là aussi admirable que leur érudition ; une joie maligne les anime à prendre un auteur en flagrant délit d’imitation ; il y a du policier dans tout érudit. Mais que d’erreurs judiciaires peuvent être la conséquence de ces enquêtes ! Que de rapprochements transformés en sources ; que de ressemblances, en influences

http://anaisdosead.com.br/1SEAD/Conferencias/FrancoiseGadet.pdf

! Quelle étrange conception de l’hétérogénéité des génies créateurs ! Ne peut-on admettre l’originalité, quand on retrouve une idée, un sentiment, une expression déjà utilisés par un autre ? Quel crédit fait-on à la mémoire, même involontaire ?407

Toute œuvre littéraire témoigne toujours d’influences littéraires plus ou moins cachées qu’il appartient au lecteur de découvrir quand les sources ne sont pas clairement énoncées. L’auteur procède, de façon maîtrisée ou non, par l’appropriation des éléments empruntés, par la réécriture de ses sources littéraires, par la création d’une œuvre dialoguant de près ou de loin avec d’autres œuvres dans l’objectif de faire valoir sa polyphonie. L’on peut alors admettre l’originalité de l’œuvre littéraire ; sans quoi aucune œuvre littéraire ne serait considérée comme originale si l’on considérait le recours à l’intertextualité comme marque d’impersonnalité. Les diverses lectures faites par un écrivain, ses dialogues, échanges directs ou non avec le monde littéraire – ou artistique, en général – amènent impérativement son œuvre à révéler quelques ressemblances avec d’autres œuvres.

Chester Himes, auteur afro-américain de romans policiers dans la seconde moitié du XXe siècle, propose ses huit premiers romans sous forme de série : le Cycle de Harlem.

Composée de La Reine des pommes, Il pleut des coups durs, Couché dans le pain, Tout pour plaire, Imbroglio négro, Ne nous énervons pas, Retour en Afrique et L’Aveugle au pistolet, cette série met en scène deux héros, des policiers noirs, surnommés Cercueil et Fossoyeur. Il peint avec force et violence la ségrégation vécue par les noirs d’Harlem. Sous un ton satirique, il fait intervenir des personnages actants d’une ville où règnent misère, violence, haine, drogue, et où le taux de mortalité est à son apogée ; une ville habitée par des Noirs mais régie sous le pouvoir des Blancs. Les héros de ses romans, face à autant de barbarie, désappointés et sans aucun espoir d’une possible résolution de ces problèmes, adoptent des comportements fort peu éloignés de ceux des truands. Pourtant inspecteurs de police, ils rentrent dans le moule du personnage délinquant : arnaqueur et victime, à la fois du côté des Blancs que de celui des Noirs. En la quatrième de couverture de sa série, Cercueil et Fossoyeur. Le cycle de Harlem, on peut lire :

Le génie de Chester Himes, dans ces huit romans où la brutalité le dispute au pittoresque, est de saisir Harlem au moment critique où les Noirs, excédés par la ségrégation, les brimades de la police, la misère et les bas salaires, vont basculer...

Gangsters, dealers, charlatans, prophètes, proxénètes et patrons du jeu tiennent en otage la population du ghetto sur laquelle s’abattent tous les fléaux. Cercueil et Fossoyeur, qui appartiennent corps et âme à Harlem, ont un pied dans chaque camp : celui des Blancs qui usent et abusent de la loi, celui des Noirs où les deux justiciers se

407 Philippe Van Tieghem, Les Influences étrangères sur la littérature française, PUF, 1967, cité par Sophie Rabau, L’Intertextualité, Flammarion, GF-Corpus, Texte XII, p. 92.

servent de la loi pour protéger les Noirs d’eux-mêmes et les empêcher de « se bouffer entre eux ».408

Là est l’univers dans lequel baignent les personnages des romans de Chester Himes, qui se rapproche de la réalité. Les conditions dans lesquelles vivent les Noirs américains sont telles qu’elles suscitent de la colère chez ce romancier qui ne manque pas de relater la gravité du problème racial. Problème qui, par la suite, finit par engendrer/enclencher la dislocation des populations noires. L’œuvre d’Otsiémi est une hyperbole des faits réels, son roman s’inspirant de films américains et faisant de sa société une société où l’arme et le crime priment :

-On a affaire à un tueur en série, colonel. À un de ces fous à lier sorti de je ne sais quelle église éveillée et qui se dit investi d’une mission divine : nettoyer les trottoirs de Libreville de ses bordelles.

Un tueur en série. Essono n’osa utiliser cette expression. Elle ne figurait pas dans son jargon.

Il déballa son scepticisme :

-Ce n’est pas un peu tiré par les cheveux ? On n’est pas à New York ici, mes enfants.

Vous regardez trop les séries américaines.

-Peut-être que le mot ne vous convient pas, chef, mais on a affaire à un type qui s’en prend à des prostituées pour des raisons que nous ne connaissons pas. Et j’ai bien peur qu’il recommence. (CL 135)

En évoquant la référence aux films américains, nous nous rendons bien compte que des crimes d’une telle envergure sont encore loin d’être acceptés par l’imaginaire de la population gabonaise (à l’image d’Essono). En effet, son scepticisme face à l’évocation de l’expression

« tueur en série », qui ne figure pas dans son vocabulaire, exprime son embarras et renvoie à cette hyperbole de la réalité à laquelle a recours Otsiémi : « Libreville… disputant à Johannesburg, Yaoundé, Lagos, la palme de la ville la plus violente, avec ses braquages à main armée, ses viols, ses vols, ses crimes rituels, ses crimes passionnels… » (VSB 97).

La production d’Otsiémi rappelle en outre celle de cet écrivain de romans policiers écossais, Arthur Conan Doyle, célèbre pour son personnage, celui du détective Sherlock Holmes, héros qui tente de rétablir l’ordre social à chaque enquête. Écrivain de romans policiers et de science-fiction, Arthur Conan Doyle est à la fois un engagé politique (à travers son pamphlet La Guerre en Afrique du Sud, 1902, dans lequel il reproche à l’Angleterre d’être à l’origine de la guerre des Boers qui a éclaté en 1899) et un adepte de tout ce qui sort de l’ordinaire : il est un fervent défenseur du spiritisme, théorie et pratique selon lesquelles il y

408 Chester Himes, Cercueil et Fossoyeur. Le cycle de Harlem. Précédé de Harlem ou le cancer de l’Amérique, Collection Quarto, Gallimard, 2007, 1372 p.

aurait une vie après la mort. Lors d’un entretien avec le journaliste Raymond Millet, il affirme, en effet, l’existence des anges :

- [Raymond Millet] La conversion des savants semble à la foule moins frappante que la vôtre.

- [Arthur Conan] Oh ! moi, je n'ai plus un doute. Sentez-vous l’abîme qui sépare une opinion d’une certitude ? La foi est un état d’esprit moins puissant que ma croyance.

« Ils ont des yeux et ils ne voient pas, des oreilles et ils n'entendent pas. » Mes yeux ont vu, mes oreilles ont entendu : je ne crois pas, je sais. […]

- [A.C.] Nous n’avons que les anges que nous méritons. Il faut mériter les meilleurs, parce qu'ils nous transmettent les messages divins.

- [R.M.] Et aussi les messages des morts ?

À ce mot, sir Conan Doyle tressaillit et, sans aménité, s’écria :

- [A.C.] Les morts ? Pauvre homme que vous êtes ! Ceux que vous pleurez ou que vous ne pleurez plus vivent comme vous.

- [R.M.] Pardon... Vous disiez, maître, que l’angélisme...

- [A.C.] Les morts !... Mais c’est vous qui êtes mort !409

Après la mort de son fils, l’auteur affirme avec conviction l’existence de la vie après la mort et pense pouvoir communiquer avec l’au-delà. Il s’agit pour lui plus d’un savoir, d’une théorie que d’une simple croyance. Le « Moi non plus je ne croyais pas et je dis maintenant qu’il est absurde de ne pas croire » est l’un des maître-mots des spirites qui donnent une dimension scientifique à leur croyance. C’est de ce spiritisme, de cet aspect surnaturel et réel à la fois, dont s’inspire Otsiémi, alors qu’il appartient à une société très religieuse, superstitieuse et animiste.

Les crimes rituels évoqués dans La Vie est un sale boulot et le vol de sexe dans Les Voleurs de sexe en sont un exemple.

Par ailleurs, Otsiémi s’inspire de la célèbre Agatha Christie et de son héros Hercule Poirot, détective privé qui se démarque plutôt par son élégance faramineuse, « toujours tiré à quatre épingles et soucieux autant de la morale que de son confort ». Christie offre à son personnage des énigmes de plus en plus mystérieuses à résoudre et demandant d’énormes investigations pour retrouver les auteurs de crimes. Ce qui induit le lecteur à être dans l’imprécision, l’incertitude, en perpétuel questionnement. Agatha Christie « a compris que le lecteur tire moins son plaisir d’un affrontement avec l’écrivain que du fait d’être mystifié et manipulé par lui, à condition que cela soit fait avec l’élégance et la précision d’un

409 Raymond Millet, « Avec M. Conan Doyle et ses anges », in Les Annales politiques et littéraires, n° 2204, 20 septembre 1925, p. 299. [Entretien avec Arthur Conan Doyle].

https://www.arthur-conan-doyle.com/index.php?title=Avec_M._Conan_Doyle_et_ses_Anges [consulté le 2 mars 2018].

magicien410 ». Ce qui fait de cette auteure, une adepte du suspens, de la mystification et de la manipulation vis-à-vis de son lecteur. Avec l’un de ses romans ayant connu le plus grand succès, Le Crime de l’Orient-Express, qui met en scène une enquête sur le meurtre à bord d’un train de Ratchett (Cassetti), responsable du kidnapping et de la mort d’une petite fille, Daisy.

Tué à coup de douze coups de couteau, de nombreux suspects – une quinzaine – font l’objet d’une enquête. Cette enquête s’avèrera être la plus difficile de toutes les enquêtes menées par Poirot. Toutefois, en bon détective, il finit par retrouver le(s) meurtrier(s) :

Soudain, une grande clarté se fit en moi. Tous étaient coupables. Que tant de gens, mêlés au drame de la famille Armstrong, voyagent dans le même train, ne pouvait être l’effet du hasard. Tout cela avait été concerté longtemps à l’avance. Je me remémorai une remarque du colonel au sujet de la sentence prononcée par un jury. Un jury se compose de douze membres… et Ratchett avait été frappé de douze coups. Cette fois, la réunion de personnages de tous rangs et de toutes nationalités dans le Stamboul-Calais, à une saison où ce train habituellement est presque vide, s’expliquait.411

Il s’agit d’un crime organisé par douze personnes liées à la famille Armstrong, famille de la petite Daisy décédée. Par vengeance, ils portent chacun à tour de rôle un coup de couteau comme une sentence populaire. Là où la justice américaine n’a pu satisfaire la famille endeuillée, et a remis le meurtrier en liberté, les pseudos justiciers condamnent à mort et se transforment en exécuteurs pour appliquer la sentence. Le suspens installé par l’auteur gabonais est analogue dans la recherche des complotistes de l’assassinat de Roger Missang, assassinat maquillé en assassinat politique : il tient tout au long du roman jusqu’à ce que l’on en découvre les véritables responsables, un réseau de fabrication et de vente de faux médicaments ; la population opte pour le lynchage des criminels et se substitue ainsi à la justice.

Enfin, nous avons pu relever des traces de Louis-Ferdinand Céline dans l’œuvre d’Otsiémi. Se réclamant d’être un homme à style, celui-ci a déclaré lors d’un enregistrement :

Les idées, rien n’est plus vulgaire. Les encyclopédies sont pleines d’idées, il y en a quarante volumes, énormes, remplis d’idées. Très bonnes d’ailleurs, excellentes. Qui ont fait leur temps. Mais ça n’est pas la question. Ce n’est pas mon domaine, les idées, les messages. Je ne suis pas un homme à message. Je ne suis pas un homme à idées. Je suis un homme à style. Le style, dame, tout le monde s’arrête devant, personne n’y vient

410 Yann Plougastel, « Agatha Christie, la reine de la manipulation », Quelques nuances du noir. Le monde du polar, 6 septembre 2017, http://polar.blog.lemonde.fr/2017/09/06/agatha-christie-la-reine-de-la-manipulation/

[article blog consulté le 2 mars 2018].

411 Agatha Christie, Le Crime de l’Orient-Express, Le livre de poche, 1933, p. 138.

http://197.14.51.10:81/pmb/ROMANS/Hercule%20Poirot/Agatha%20Christie%20-%20Le%20Crime%20de%20l-Orient%20Express.pdf [article blog consulté le 2 mars 2018].

à ce truc-là. Parce que c’est un boulot très dur. Il consiste à prendre les phrases, je vous le disais, en les sortant de leurs gonds.412

L’écriture (l’une des qualités majeures des œuvres de Céline) s’y déploie telle une mélodie. Il y modèle et module une langue nouvelle, singulière et renouvelée incessamment. Voulant se distinguer des autres écrivains obéissant aux normes littéraires en vigueur à son époque, Céline emploie la langue du milieu de petit-bourgeois commerçants auquel il appartient par ses parents et l’associe à la langue courante, dans un objectif subversif car cette langue lui permettra, en tant qu’écrivain, de peindre férocement la misère dans laquelle se trouve le monde, entre les deux guerres mondiales, en proie à l’antisémitisme, et en Afrique au colonialisme. Il parvient de la sorte à user d’une langue « neuve » autorisant une perception plus fine de la réalité. Puisant dans l’épaisseur d’un « vécu » dont il a souvent été le témoin, Céline élabore une langue transgressive résultant d’un mélange d’argot, de création lexicale et de langage courant. Il met alors en place un univers diégétique avec une part de réel et une autre de fiction, marqué de son empreinte, sa satire « passant » d’abord à travers le « style », et ne se limitant pas à l’« idée » et au « message ».

Otsiémi figure ainsi parmi ces écrivains qui écrivent nouvellement le monde et les hommes, et dont les mots sont, au sens strict, porteurs d’émotions fortes. Sa langue, particulière, à la limite de l’ironique, partage une histoire et un propos désolant et triste, elle sollicite le lecteur pour qu’il s’accapare des émotions qu’elle véhicule.

La figure du policier, les crimes, la trame, le style sont ainsi autant d’éléments (motifs, outils et formes) dont s’inspire Otsiémi.

Le titre d’un de ses romans n’échappe pas à l’intertextualité externe. African tabloïd rappelle celui de James Ellroy, American tabloïd (1995), dans lequel est mise en scène la mort du président John Kennedy, en proie à la mafia et à la corruption de la CIA et du FBI. Sous la plume d’Otsiémi, la conspiration américaine fournit un calque pour en imaginer une, africaine, visant à déchoir le ministre de la Défense Baby Zeus, fils du Président de la République, Boa.

Dans le livre d’Otsiémi, le personnage de Boukinda pense : « Je persiste à croire que Roger Missang413 a été victime d’un complot qui vise le ministre de la Défense nationale. » (AT 158).

On saisit alors parfaitement le rôle des forces de police et des gendarmes qui se déploient d’un

412 Louis-Ferdinand Céline vous parle, 1958 https://www.youtube.com/watch?v=0V3AVVkIBCg consulté le 01.03.2018

413 Journaliste de l’opposition.

commun accord pour neutraliser les individus qui en sont à l’origine : « il est fort probable que la mort de Parvel Kurka et celle de Roger Missang ne visent qu’un seul but : mouiller notre ministre afin de l’empêcher de briguer la succession du président de la République. » (AT 117).

A bien des égards, l’œuvre d’Otsiémi retentit comme une relecture/récriture de celle de James Ellroy, adaptée au contexte africain.

A bien des égards, l’œuvre d’Otsiémi retentit comme une relecture/récriture de celle de James Ellroy, adaptée au contexte africain.

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