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Une négativité sans repos

« La littérature et le droit à la mort » est aujourd’hui l’un des textes les plus célèbres de Blanchot, au point qu’il est devenu vraiment incontournable pour les spécialistes et un point de départ privilégié pour ceux qui commencent à s’intéresser à son œuvre. Son importance ne se limite pas pour autant à ce seul aspect, il est par exemple d’après Leslie Hill : « [L]a plus programmatique de ses descriptions philosophiques de la littérature en général273. » Cela s’explique, d’une part, par le fait qu’il représente mieux que d’autres ce que

Marlène Zarader désigne comme le « premier moment » du « débat avec Hegel274 ». Certes, ce

débat commence bien avant 1947, mais ce qui rend « La littérature et le droit à la mort » décisif est qu’il s’agit de la première confrontation avec le texte hégélien à proprement parler : même si par exemple en 1946 le nom de Hegel apparaît au moins deux fois, on n’y trouve ni une référence précise ni un commentaire systématique. D’autre part, même si « La littérature et le droit à la mort » reprend les méditations sur la négativité et le double statut du langage esquissées tout au long des années 1940, Blanchot les analyse cette fois en général et non — comme il l’a fait jusqu’ici — incarnées dans telle ou telle œuvre particulière. En effet nous y nous découvrons une sorte de phénoménologie — au sens hégélien — de l’écriture, avec ses moments, ses contradictions et ses dépassements.

Voilà sans doute la raison pour laquelle Blanchot ne parle plus ici de romancier ou de poète comme il le faisait auparavant, mais d’écrivain. Ce changement de perspective est encore plus explicite lorsqu’au début du texte il écrit : « Mais la littérature, qui est poème et

roman, semble l’élément de vide, présent dans toutes ces choses graves, et sur lequel la

réflexion, avec sa propre gravité, ne peut se retourner sans perdre son sérieux275 . » La

séparation de genres est donc moins importante que l’unité de « la littérature », terme que Blanchot privilégiera par la suite. À ces deux raisons de l’importance de « La littérature et le droit à la mort » — à savoir, la confrontation directe au texte hégélien et l’apparition de la

273 Leslie Hill, Blanchot. Extreme Contemporary, London-New York, Routledge, 1997, p. 103. 274 Marlène Zarader, L’Être et le neutre, op. cit., p. 47-59.

275 Maurice Blanchot, « La littérature et le droit à la mort », La Part du feu, Paris, Gallimard, 1949, p. 295. Nous soulignons.

figure conceptuelle de l’écrivain — vient s’y ajouter une troisième, qui a d’ailleurs suscité un intérêt renouvelé après la publication des textes que Derrida lui a consacré276. : c’est la

manière dont Blanchot parle ici de la mort, et plus particulièrement de la mort politique. Pour toutes ces raisons, et d’autres que nous découvrirons, il serait simplement impossible de ne pas aborder ce texte dans notre travail.

Paru d’abord en deux parties dans Critique  — « Le règne animal de l’esprit » en novembre 1947 et « La littérature et le droit à la mort » en janvier 1948 —, il est souvent considéré comme un commentaire de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, ce qui est vrai d’un certain point de vue. Ce n’est pas seulement qu’on y trouve de nombreuses références au philosophe allemand, le titre même de la première partie lui est emprunté : « Le règne animal de l’esprit » est l’une des sections de la partie C du chapitre V de la Phénoménologie de

l’esprit, « Das geistige Tierreich  und der Betrung, oder die  Sache selbst ». Cette section

contient d’ailleurs ce que Hyppolite appelle la « dialectique de l’action » et qui dans notre hypothèse coïncide avec la description que Blanchot fait de l’expérience de l’écrivain. En conséquence, nous intégrerons dans nos analyses le commentaire et la traduction de Hyppolite, ce qui ne va pas de soi : la plupart des spécialistes s’accordent sur le fait de considérer Kojève comme la seule source secondaire de Blanchot. Anne-lise Schulte Nordholt par exemple, dans son importante thèse sur Blanchot développe la question de la négativité et de la mort exclusivement à partir de la lecture du philosophe franco-russe. Marlène Zarader, qui consacre 40 pages de son livre sur Blanchot à la discussion avec Hegel, ne mentionne jamais Hyppolite et se base uniquement sur la lecture de Kojève.

Cela, bien entendu, ne constitue ni un reproche ni une disqualification de ces remarquables travaux, car il est en effet possible de lire le texte de 1947-1948 comme une méditation à partir de — mais aussi contre — Kojève. Or, à notre avis, cette lecture sous- estime d’une part l’importance d’Hyppolite et de l’autre la lecture de Hegel faite par Blanchot lui-même277. Si les questions de la mort et du travail peuvent certainement être lues avec

276 Voir : Jacques Derrida, « « Maurice Blanchot est mort » », dans Christophe Bident et Pierre Vilar (dir.), Maurice Blanchot. Récits critiques, Tours, Farrago, 2003, p. 595-623 et Séminaire La bête et

le souverain. Volume 1 (2001-2002), Paris, Galilée, 2008, p. 147-177. À vrai dire, les références à

« La littérature et le droit à la mort » sont partout chez Derrida. Outre un séminaire inédit (Du droit

à la littérature, 1978), il le mentionne aussi dans son introduction à L’Origine de la géométrie de

Husserl.

277 Mais également la discussion — assez frontale — avec Sartre. À ce sujet, voir : Stefanos Geroulanos, An Atheism that Is Not Humanist Emerges in French Thought, Stanford, Stanford University Press, 2010, p. 259 sqq.

Kojève, c’est seulement à partir de Hyppolite — et la très particulière lecture qu’en fait Blanchot — que le rapport entre l’écriture et le monde peut être expliqué278. Nous suivrons

donc le texte de « La littérature et le droit à la mort » à l’aide de ces deux grands commentaires de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, tous les deux parus en 1947, c’est- à-dire la même année que la première partie du texte de Blanchot.

Encore un mot sur le texte que nous analysons : en ce qui concerne sa structure interne, nous pouvons et jusqu’à un certain point nous devons reproduire la division effectuée lors de sa première publication dans Critique. Ainsi, une première partie (qui va de la page 293 à la page 311 de La Part du feu) développe une sorte de phénoménologie de la littérature ou — plus précisément — une dialectique de l’action littéraire. Elle débute par une référence à Hegel et se termine par une référence à Sade et à la révolution. La deuxième partie, dont le titre a été très probablement emprunté à Hölderlin, commence exactement là où se termine la première et se poursuit jusqu’à la fin du chapitre. Bien que les références soient toujours les mêmes — Mallarmé, Hölderlin, Paulhan — nous assistons à l’émergence d’une nouvelle pensée du langage littéraire. Et en effet, pour ce qui est de la première partie, le lecteur attentif comprendra dès les toutes premières pages que le projet de Blanchot est, non pas de définir la littérature, mais de décrire ses moments, non pas de dévoiler son essence, mais de suivre son mouvement. Ainsi, ce n’est pas étonnant que la question « Qu’est-ce que la littérature » soit récusée et même ridiculisée par Blanchot : elle n’a « jamais reçu que des réponses insignifiantes », écrit-il (cela, rappelons-nous, quelques mois après la publication du texte de Sartre, qui utilise cette même question comme titre279). Ce n’est pas une faiblesse, voire une

incapacité de la part de ceux qui ont essayé de répondre, c’est la littérature elle-même qui repousse l’approche trop directe de la pensée théorique. Lisons Blanchot :

Si la réflexion imposante s’approche de la littérature, la littérature devient une force caustique, capable de détruire ce qui en elle et dans la réflexion pouvait en imposer. Si la réflexion s’éloigne, alors la littérature redevient, en effet, quelque chose d’important, d’essentiel, de plus important que la philosophie, la religion et la vie du monde qu’elle embrasse280.

278 Nous ne sommes pas les seuls à penser que ce deuxième aspect est fondamental. Leslie Hill, par exemple, signale que « la préoccupation majeure de “La littérature et le droit à la mort” de 1947- 1948 » ce sont « les rapports entre l’écriture de fiction et le monde des hommes. » (Leslie Hill, « L’itinéraire de Blanchot », Maurice Blanchot. Colloque de Genève : « La littérature encore une

fois », Genève, Furor, 2017, p. 101).

279 Même si Qu’est-ce que la littérature est paru en 1948, la première version a été publiée dans Les

Temps modernes en 1947.

Les causes — on l’a vu — en sont le vide qui est au cœur de la littérature, son statut paradoxal et l’ambiguïté qui la constitue. Néanmoins la question se pose, cela Blanchot le reconnaît volontiers et il ira jusqu’à dire que « la littérature commence au moment où la littérature devient une question281 ». Il s’agira donc de trouver une manière de parler de la

littérature sans chercher à fixer sa signification, sans présupposer son essence ou la poser comme but de la recherche, et surtout sans que l’opération de la réflexion annule toute approche possible. Notre hypothèse, répétons-le, est la suivante : Blanchot essayera cette fois d’approcher ce problème à travers une dialectique de l’écriture presque décalquée sur la dialectique de l’action hégélienne décrite par Hyppolite. À partir de cette opération, Blanchot cherchera à dépasser l’opposition entre l’action comme « intervention concrète dans le monde » et l’écriture comme « manifestation passive à la surface du monde282 », et cela grâce

à un concept très spécifique de travail, proche de celui de Kojève. Or ce problème nous le connaissons, il est toujours celui de l’opposition entre événement extérieur et événement intérieur, entre une action et l’autre. Mais si au début des années quarante Blanchot faisait intervenir la notion d’imaginaire pour se détacher d’une conception mimétique de l’écriture, ce sera désormais la notion de travail qui, dans la première partie du texte, guidera la recherche. Autrement dit, si la notion de travail — et donc de négativité — a été empruntée au Hegel de Kojève, la « méthode » générale est empruntée au Hegel de Hyppolite.

Prenons comme point de départ de notre analyse ce que Blanchot dit au sujet de la littérature : elle commence lorsqu’elle devient question. Évidemment, cela n’est pas une définition, car cette phrase ne dit pas ce que la littérature est mais où elle commence, ce qui est différent et marque déjà une distance par rapport à la manière pour ainsi dire classique d’aborder le sujet. Mais d’où vient cette interrogation ? Et encore plus important, qui l’énonce ? Voilà ce qui nous dit Blanchot :

[U]ne fois la page écrite, est présente dans cette page la question qui, peut-être à son insu, n’a cessé d’interroger l’écrivain tandis qu’il écrivait ; et maintenant, au sein de l’œuvre, attendant l’approche d’un lecteur — de n’importe quel lecteur, profond ou vain — repose silencieusement la même interrogation, adressée au langage, derrière l’homme qui écrit et lit, par le langage devenu littérature283.

La formulation est étonnante à plusieurs égards, mais contentons-nous de souligner que ce n’est pas l’écrivain qui est à l’origine de la question. Par une tournure de phrase — le sujet est bien la question et non pas l’écrivain — Blanchot nous fait comprendre que c’est « le langage

281 Ibid., p. 293. 282 Ibid., p. 304. 283 Ibid., p. 293.

devenu littérature » qui, comme une voix en off, pose la question. Nous reconnaissons le schéma : il existe un point où le langage cesse d’être simple langage utile, référentiel, et devient quelque chose d’autre, voire son autre. Ce détachement serait donc le commencement de la littérature, de sorte qu’elle ne se définit plus par une essence mais par un mouvement. Nous apprenons encore que c’est à travers l’activité que la question se manifeste, car même si elle hantait déjà l’écrivain, elle ne se présente à proprement parler qu’au moment où la page est déjà écrite. Or cette activité n’est pas n’importe laquelle, car d’après Blanchot « il faut bien reconnaître dans l’activité de l’écrivain la forme par excellence du travail284 ». Comment

cela ? Pour répondre, il nous faudra regarder de plus près en quoi consiste ce mouvement, cette activité qui est celle de la littérature et en quoi elle est l’héritière de ce monument philosophique qui est la Phénoménologie de l’esprit de Hegel.

a. Une phénoménologie de l’écriture

Pour Blanchot, tout commence par une constatation : depuis la fin de la Première Guerre Mondiale nous avons assisté à une mise en cause généralisée de l’art. Qui plus est, cette mise en cause n’a pas seulement revigoré la production artistique, elle représente également le sommet de l’art de cette période. Certes, ces propos ne sauraient nous surprendre, cela est presque supposé lorsqu’on parle de l’entre-deux-guerres et, en ce sens, Blanchot n’ajoute rien ou très peu à un discours déjà classique sur l’histoire de l’art. Or cette constatation lui sert à introduire Hegel : il se peut — écrit Blanchot — que cette mise en cause suppose le « glissement, le déplacement d’une puissance au travail dans le secret des œuvres et répugnant à venir au grand jour285 ». En ce sens, il faudrait distinguer entre les mouvements

de contestation ou de négation — si radicaux soient-ils — de l’art par les artistes et la négation de l’art par l’art lui-même. Or ce qui intéresse ici Blanchot, ce n’est pas d’opposer une négation accidentelle, historiquement située, à une négation essentielle, faisant depuis toujours partie de l’art. Il s’agit, au contraire, de distinguer deux niveaux ou deux types de négation : l’une — celle des avant-gardes artistiques — conteste la légitimité de l’art, son fonctionnement, ses procédés et peut-être surtout la logique de ses surfaces286 ; l’autre — celle

qui vient de l’art — va plus loin, elle ne se contente pas de dénoncer son illégitimité, car l’art se sait déjà illégitime. Ce que l’art découvre, c’est qu’il est nul, qu’il existe un vide créé par la force négatrice au travail dans l’œuvre. Incipit Hegel. Nous comprenons désormais pour quoi

284 Ibid., p. 304.

285 Ibid., p. 294. Nous soulignons.

Blanchot parlait de « force caustique » : au lieu d’une essence susceptible d’être saisie par une approche théorique, ce que nous trouvons — comme Pompée s’approchant du cœur du Temple287— est tout simplement un vide.

Or ce qui retiendra notre attention, c’est le fait que Blanchot identifie cette deuxième négativité à la littérature. Cela reste inexpliqué, et à première vue on a du mal à saisir les raisons de ce privilège de la littérature face aux autres disciplines artistiques. Bien entendu, c’est un geste typique chez Blanchot à cette époque et nous verrons bientôt que cette spécificité est liée au langage, mais dans ce cas, pourquoi parler d’abord d’art pour après remplacer ce terme par « littérature » sans autre explication qu’une note en bas de page ? En effet, après avoir affirmé que chez Hegel nous trouvons une description de tous les moments que l’écrivain parcourt lorsqu’il se met à écrire — et par lesquels il se condamne à appartenir au « règne animal de l’esprit » —, Blanchot insère cette note :

Hegel dans ce développement considère l’œuvre humaine en général. Il est entendu que les remarques qui suivent restent fort loin du texte de La Phénoménologie et ne cherchent pas à l’éclairer. On peut le lire dans la traduction de La Phénoménologie qu’a publiée Jean Hyppolite et le suivre dans son important livre Genèse et structure de la Phénoménologie de l’esprit de

Hegel288.

On le voit bien, il s’agit d’un avertissement et non d’une explication. Ce que Blanchot ne nous dit pas, c’est que l’idée d’une appartenance de l’artiste au « règne animal de l’esprit » avait déjà été formulée par Hyppolite dans sa traduction de la Phénoménologie. Juste après le titre de la section qui nous intéresse, il écrit :

Les animaux intellectuels. Das geistige Tierreich und der Betrung, oder die Sache selbst. Après les héros du romantisme, “Hegel considère ici les spécialistes, professeurs, artistes, qui donnent à leur tâche une valeur absolue” (Bréhier : Histoire de la Philosophie, II, III, p. 753). Dans leur signification la plus générale, ces individus sont les cellules qui constituent le tout compact de la société ; mais chacun de ces cellules s’enferme en elle-même dans sa tâche propre et y voit l’absolu289.

287 Hegel commente cet épisode dans « L’esprit du christianisme et son destin », Premiers  Écrits

(Francfort   1797-1800), traduit par Olivier Depré, Paris, Vrin, 1997, p. 205-343.  Sur les

conséquences esthétiques de ce célèbre commentaire, voir : Jacques Taminiaux, « La pensée esthétique du jeune Hegel », Revue Philosophique de Louvain, no 50, 1958, p. 222-250.

288 Maurice Blanchot, « La littérature et le droit à la mort », op. cit., p. 296, note 1.

289 G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l’esprit, tome I, op. cit., p. 325, note 7. Certes, Kojève parle lui aussi de l’intellectuel comme animal spirituel, mais l’interprétation de Blanchot est plus proche de celle de Hyppolite. C’est Bataille qui, bien avant la publication des leçons, discutera ce point à l’aide de Kojève. Cf. Alexandre Kojève, Introduction   à   la   lecture   de   Hegel :   leçons   sur   la

Phénoménologie   de   l’Esprit   professées   de   1933   à   1939   à   l’École   des   Hautes   Études, Paris,

Gallimard, coll. « Tel », 1947, p. 106-111 et Georges Bataille, « Le Coupable », op. cit., p. 369-371. Pour une lecture contre l’identification de l’intellectuel avec animal spirituel, voir : Jean- Pierre Labarrière, Introduction   à  une   lecture   de   la  Phénoménologie   de   l’esprit, Paris, Aubier- Montaigne, 1979.

Il n’est pas difficile d’imaginer l’étonnement et même la joie de Blanchot au moment de lire cette note. Depuis longtemps il lui arrivait de parler de solitude, de non-vérité, d’un absolu qui n’est pas l’universel, et voilà qu’il retrouve tous ces termes non seulement condensés dans une phrase mais articulés autour de la notion d’œuvre (Werke). Nous le verrons : sans le dire, Blanchot nous fait suivre les moments décrits dans cette section de la Phénoménologie avec une admirable précision. À regarder de plus près, toute la dialectique de l’action était déjà décrite dans les premières lignes du texte, mais il faut attendre une vingtaine de pages pour le comprendre. Commençons la traversée.

Tout commence par une difficulté que celui qui se met à écrire constate rapidement. Assis devant sa table, il est arrêté par une contradiction à l’air cruellement banal : il ne pourra rien écrire s’il n’a pas le talent, mais il ne peut pas connaître ses capacités s’il n’écrit pas, ce qui le met dans l’absurde situation de réaliser que ce qu’il lui faut pour écrire, il ne l’aura qu’en écrivant. Ce cercle ne se rompt que par l’écriture, c’est-à-dire par l’action qui fait œuvre. Pour cela — l’écrivain le comprend très vite — il lui faut concevoir l’écriture comme projet, ce qui le met encore dans un autre embarras. D’un côté, cette conception de l’action d’écrire exclut la possibilité d’une œuvre conçue dans sa totalité avant l’écriture. La raison en est simple : quelqu’un qui aurait déjà l’œuvre complète dans sa tête, avec ses détails, ses intrigues et ses résolutions, n’aurait même pas besoin de l’écrire et il ne passerait jamais à l’action. C’est que pour Blanchot — ainsi que pour Hegel, Marx et tant d’autres — l’œuvre n’existe que lorsqu’elle acquiert une existence pour ainsi dire objective. Cela revient à dire que si l’œuvre ne se réalise pas, si elle n’est pas là-devant l’auteur elle n’existe pas et

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