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Les compagnies, dont le but principal est de créer, se retrouvent parfois dans une dépendance financière aux résidences artistiques de longues durée qui leur permettent d’avoir l’assurance de se maintenir sur cette période, tout en ayant la nécessité de continuer à travailler en dehors de ces résidences, a fortiori quand il s’agit de compagnies avec des équipements et une équipe importants.

3.2.1 Les résidences : un choix avant tout financier ?

Les résidences artistiques de territoires sont-elles un choix avant tout financier pour les compagnies ? C’est en tout cas ce qu’estime Florence Bellagambi, de son point de vue du Conseil Général de l’Isère :

On a l’impression que quand une résidence se termine, c’est très embêtant pour la compagnie, mais il faut apprendre à vivre sans résidence. C’est une erreur pour une compagnie de se dire qu’elle aura une résidence tout le temps (…) Je pense que ce n’est pas tellement l’intérêt de faire une résidence qui font que les compagnies ont envie, c’est que c’est du financement derrière. Je serais franche, tous les désagréments qu’il y a aussi, et toutes ces querelles qui sont liées à rester trois ans sur un territoire, ça doit être quand même assez lourd à porter. 86

Pourtant, Bruno Thircuir n’est pas de cet avis : il estime que, bien évidemment, faire une résidence artistique de territoire, sur trois ans, est un apport financier conséquent, mais que les valeurs même de la compagnie sont dans une démarche d’aller vers des territoires difficiles et que cela nourri profondément le travail artistique. Pour la Fabrique des petites utopies, il y a évidemment un enjeu financier, mais en même temps, les dépenses occasionnés par la résidence sont au final plus élevées que le financement des Vals du Dauphiné et du Conseil Général de l’Isère ; en effet, le budget initial de la résidence était de 49 000€ - 14 000€ du Conseil Général de l’Isère et 35 000€ des Vals du Dauphiné Expansion – et le budget final des trois ans était de 187 691€ (soit d’environ 62 563€ chaque année). Ce qui a permis à la compagnie de pouvoir ne pas avoir de pertes financières a été l’ajout d’une subvention spécifique liée aux « pratiques amateurs » du Conseil Général de l’Isère de 2000€, l’ajout de 4370€ des Vals du Dauphiné Expansion ainsi que 19 500€ du FIACRE médiation87.88

Il faut prendre néanmoins en compte qu’en étant en résidence artistique quelque part, une compagnie est assurée d’avoir du travail et, en conséquence, une rémunération pendant au moins trois ans. Dans un contexte financier difficile où certaines compagnies ont du mal à émerger ou à perdurer, les résidences artistiques de territoires constituent donc un apport non négligeable. Cependant cela peut être

86 ANNEXE 3 : Interview Florence Bellagambi, p.4.

87 Le FIACRE médiation est le volet médiation du Fond d’Innovation Artistique et Culturelle de la Région Rhône-Alpes.

88 ANNEXE 12 : Budget réalisé – Bilan des trois ans de Résidence de la Fabrique des petites utopies dans les Vals du Dauphiné.

problématique lorsque les compagnies se retrouvent en fin de résidence sans la renouveler ni enchaîner sur une autre.

3.2.2 La nécessité de continuer les tournées en dehors de la résidence

En comité de pilotage des Vals du Dauphiné, il a parfois été reproché à la

Fabrique des petites utopies, son manque de disponibilité car la compagnie ne

pouvait pas toujours répondre aux demandes et aux attentes des habitants, du territoire et des institutionnels. Il semble qu’il y ait, de la part des membres d’un comité de pilotage (techniciens de la culture et élus), une méconnaissance de l’économie des compagnies. Ainsi, pour les compagnies comme la Fabrique des

petites utopies, qui ont une dépense salariale importante, il est nécessaire de

continuer à tourner en dehors de la résidence de territoire pour deux raisons liées. D’une part pour continuer à créer des projets multiples et variés, et d’autre part, pour absorber financièrement la masse salariale de la compagnie, conséquente grâce aux multiples projets.

Cette nécessité n’est pas forcément présente pour toutes les compagnies ; Nathalie Thomas par exemple, avec sa compagnie de contes Ailleurs, un autre jour, était en résidence sur le voironnais - chartreuse de 2014 à 2016. Étant une jeune compagnie en émergence au début de résidence, et seule à mener ce projet, elle a pu être plus présente sur le territoire. Pour la Fabrique des petites utopies, c’était plus compliqué parce que pour que la compagnie puisse vivre, il fallait qu’à côté de la résidence dans les Vals du Dauphiné, elle ait d’autres projets et qu’elle fasse tourner ses spectacles en Auvergne Rhône Alpes, en France et à l’étranger, ce qui a parfois pu poser certains soucis de disponibilité.

Le problème vient peut-être que les conventions de résidences de territoire ne définissent pas du tout le temps de présence attendu sur le territoire. Par exemple, la

Fabrique des petites utopies a défini elle-même sa présence sur une base forfaitaire

de 1000€ par jour, équivalent à son niveau de dépense moyen journalier. Une autre compagnie va définir son temps de présence en fonction des moyens mis à disposition – espace de répétition, etc. - d’autres compagnies encore en fonction de

la médiation mise en œuvre. Il n’y a donc à nouveau pas d’équité et ainsi peu de bases de comparaison objectives. A contrario, il semble que la souplesse de ce dispositif permette à toutes les compagnies de l’Isère de postuler en fonction de leur projet artistique.

3.3 Les différents niveaux d’intérêts artistiques des