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Le virus de la myxomatose est l’agent étiologique d’une maladie majeure du lapin européen,

Oryctolagus cuniculus, la myxomatose. Elle est systémique et rapidement létale. Elle se

caractérise par l’apparition sur l’animal de larges lésions cutanées mucoïdes, nommées myxomes dont la première description remonte en 1896 à l’Institut d’Hygiene de Montevideo. Les hôtes naturels du MYXV sont des lapins américains de type Sylvilagus dont le lapin brésilien, Sylvilagus brasiliensis. Chez ces animaux, la maladie est bénigne (fibrome cutané uniquement et il n’est relevé aucune immunodépression générale). Il semble ainsi que le MYXV ait franchi la barrière d’espèce pour provoquer chez le lapin européen cette maladie fulgurante, accompagnée d’un tableau clinique très caractéristique d’immunodépression généralisée suivie de la mort de l’animal.

Le MYXV est transmis de façon passive par certains arthropodes piqueurs (pas de réplication du virus dans les arthropodes), comme le moustique et la puce, à partir des lésions cutanées des animaux infectés et il se réplique de façon intensive chez Oryctolagus cuniculus.

Ce virus reste la seule arme biologique à avoir été sciemment utilisée pour détruire une population de vertébrés à grande échelle, comme en témoigne son introduction volontaire en Australie en 1950 pour éliminer les lapins, responsables de dommages agronomiques, écologiques et économiques considérables dans le pays. Le MYXV est devenu un exemple de virus ayant réussi une adaptation à un nouvel hôte, le lapin européen, et peut désormais être transmis entre Oryctolagus cuniculus en l’absence de son hôte naturel.

1. Pathogénie du MYXV chez le lapin européen

Après un repas sanguin, l’arthropode piqueur permet au MYXV d’infecter directement les cellules du derme, majoritairement les cellules dendritiques, exprimant le CMH-II (Figure

6). Il est clairement établi que ces cellules représentent le site primaire de réplication du

MYXV (Best et al., 2000).

Vingt-quatre heures après inoculation, le virus est détectable au niveau des nœuds lymphatiques drainant le site d’inoculation. A ce niveau, le MYXV infecte majoritairement les lymphocytes T (LT) du paracortex du nœud lymphatique (Figure 6), entraînant une

réduction massive du nombre de LT. Le virus est ensuite disséminé à partir du nœud lymphatique vers les autres tissus (Figure 6), principalement le poumon, les testicules et la peau (site majeur de dissémination, comme la paupière et autres sites cutanéo-muqueux).

Ainsi, le MYXV se réplique dans les lymphocytes et les macrophages, cellules exprimant le CMH-II, et le dysfonctionnement de ces cellules-clés du système immunitaire explique le tableau général d’immunodépression caractéristique de la maladie.

Les premiers signes cliniques de la maladie se manifestent entre le 2ième et le 5ième jour post- infection (Figure 7) et se caractérisent par une lésion cutanée érythémateuse au niveau du point d’inoculation qui progressera en une lésion oedémateuse, le myxome. Des myxomes secondaires envahissent les paupières, les oreilles et la zone anogénitale et souvent accompagnés d’écoulements muqueux puis purulents dans la sphère oculo-nasale. A partir du 6-8ème jour, les myxomes secondaires envahissent tout le corps de l’animal. Des surinfections bactériennes font aussi leur apparition. La mort intervient vers le 10-12ème jour de l’infection dans les cas les plus graves.

Il faut cependant noter que l’évolution de la maladie dépend à la fois de la souche virale mais aussi de la résistance naturelle de l’hôte. Ainsi, cinq grades d’infectiosité peuvent être distingués, le grade I étant le plus élevé, estimé selon le temps de survie, le taux de mortalité, l’aspect du myxome primaire, l’intensité et le temps de génération de la maladie, l’apparition ou non de signe nerveux, la teneur en virus et la virulence des lésions (Fenner & Marshall, 1957; Fenner & Ratcliffe, 1965, Joubert et al., 1972).

2. Réponse immunitaire contre l’infection par le MYXV

La mise en place de la réponse immunitaire contre le MYXV débute avec l’infection des cellules dendritiques, cellules de Langerhans (dans le derme) et des LT (au niveau des nœuds lymphatiques drainant). Les lapins développent des IgM et IgG contre le virus. Si ces anticorps peuvent neutraliser le virus, il semble cependant ne pas être suffisants pour protéger les lapins, comme en témoignent des expériences d’immunisation passive, avec une mortalité observée de 17 lapins sur 20 après transfert d’un sérum contre le MYXV, puis épreuve virulente (Fenner & Marshall, 1954). De plus, les vaccins à virus inactivés n’ont pas permis

de protéger les lapins contre la myxomatose, alors même que des anticorps étaient produits (Fenner & Ratcliffe, 1965), contrairement aux vaccins à virus atténués qui sont eux bien protecteurs. Ces données suggèrent que si des anticorps préexistants peuvent conférer une relative protection, en tout état de cause, les anticorps développés durant la phase clinique ne sont pas une donnée cruciale dans la survie des lapins. Ceci fait donc apparaître l’importance de la réponse à médiation cellulaire dans le contrôle de l’infection par le MYXV.

Le MYXV possède des armes pour contourner et interférer avec les acteurs responsables de la mise en place de la réponse cellulaire. Tout d’abord, le MYXV possède une capacité de dérégulation des molécules du CMH-I à la surface des cellules infectées (Guerin et al., 2002; Mansouri et al., 2003; Collin et al., 2005), ce qui altèrerait la capacité de présentation aux cellules T CD8+ actrices de la réponse cellulaire. Le MYXV infecte des cellules impliquées dans la réponse à médiation cellulaire telles que les cellules dendritiques et les lymphocytes T (Kerr & McFadden, 2002). L’apoptose des cellules et notamment celle des lymphocytes dans la zone paracorticale des nœuds lymphatiques (dès 4 jours post-infection) est un élément clé de la virulence du MYXV. L’inflammation est également un phénomène important dans le contrôle de l’infection par le MYXV. Le virus possède en effet plusieurs protéines aux propriétés anti-inflammatoires, des inhibiteurs d’interférons, de chemokines et de cytokines, ce qui empêche la mise en place d’une réponse immune à médiation cellulaire efficace (Stanford et al., 2007). Pour terminer, il semble que des lymphocytes T infectés par le MYXV soient in vitro incapables de répondre à un stimulus mitogène dès 4 jours post-infection.

Tous ces éléments indiquent que la réponse à médiation cellulaire est très certainement la composante majeure du contrôle immunitaire de l’infection du lapin européen par le MYXV.