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Le mythe de la monnaie dans l’orthodoxie et le vieux problème de la confiance

siècle en Europe

SECTION 3. Le mythe de la monnaie dans l’orthodoxie et le vieux problème de la confiance

La monnaie est une invention de l’Homme, tout comme l’agriculture l’est depuis le néolithique ;

les économistes hétérodoxes parlent d’invention sociale (Bruno THERET109, 2007), (Basil J.

MOORE110, 1988), mais il est difficile d’en dater exactement la genèse. Dans l’histoire de

l’humanité, la monnaie est plutôt une invention récente bien postérieure à l’agriculture ou à l’élevage qui répondent à des besoins primaires de l’être humain. Inutile pour « l’économiste pur » ou l’économiste orthodoxe en général, de savoir à quelle date précise la monnaie est née et pourquoi elle est née, mais il s’est borné à étudier ses propriétés fonctionnelles apparentes dans l’activité économique.

§1. Le mythe de la monnaie dans l’orthodoxie

D’où vient la monnaie ? Qui l’a créée et comment ? Pourquoi l’a-ton créée ? Comment est–on passé des pièces aux billets de banque puis à la monnaie électronique ? Est-elle un objet sacré dans les relations sociales et économiques, ou est ce un objet insignifiant ? Quel est l’avenir de la monnaie ? Ces questions n’ont jamais été traitées sérieusement par l’Économie Pure qui les prend pour des préoccupations secondaires de recherche. Ainsi, la théorie dominante qui a

existé est celle de la fable du troc, de la monnaie complètement laïcisée et dépourvue de toute sa

dimension sociale et religieuse d’antan ; (Simiand 1934). Pourquoi les docteurs scolastiques médiévaux étaient-ils connus pour leurs nombreuses condamnations vigoureuses des adultérations ? Parce que la monnaie était encore considérée comme un objet sacré. L’usure a été longtemps interdite pour des motifs essentiellement religieux. Mais aujourd’hui, la monnaie

apparait en « économie pure » comme un vrai mythe ; Jean Cartelier111 (2002). Elle serait donc

109 « La monnaie est une invention sociale qui remonte à très loin dans l’histoire de l’humanité ». Voir Theret, Bruno, 2007. « La monnaie au prisme de ses crises d’hier et d’aujourd’hui. In Theret, B. ed.: La monnaie dévoilée par ses crises, Volume 2, Crises monétaires en Russie et Allemagne au XXe siècle Paris: Éditions de l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Page17.

110 L’auteur utilise plusieurs fois le terme invention de la monnaie en page 4 : « Money is one of the great anonymous inventions of humandkind (Oppenheimer ; 1986, p.81) ». Voir Basil J. Moore, Horizontalists and Verticalists The macroeconomics of credit Money, Cambridge University Press, 1988

111 Voir Cartelier, Jean, 2002. Monnaie ou don réflexion sur le mythe économique de la monnaie. Journal des anthropologues, Monnaie : pluralités – contradictions, No 90- 91, 353 -372.

75 projetée dans le monde des échanges marchands pour rendre désormais possible tous les

échanges qui étaient impossibles. Georges Depeyrot 112 (1995) a dénoncé ce mythe de la

monnaie chez les philosophes, historiens et économistes orthodoxes parce qu’ils répugnent à reconnaitre le caractère violent du développement des systèmes monétaires. Des auteurs comme Boyer-Xambeu et al. (1986), John Day (1984,) et Daniel Dessert (1984) avaient réussi à le démontrer : la succession des différentes formes monétaires, ainsi que celle des institutions monétaires ne s’est jamais faite dans un pur hasard, mais à la suite de graves crises de légitimité de la monnaie (monnaie rognée par les princes, monnaie concentrée dans les mains de la haute noblesse etc.,). Les formes monétaires alternatives qui donneront lieu à la naissance du billet ou même des banques, sont l’expression d’une violence perpétuelle que le mythe indélébile des vieux orfèvres devenus banquiers, tel qu’il est en général enseigné dans les manuels

d’économie, ne peut rendre intelligible. Ainsi Hayek113 (1976) avait expliqué le contexte de la

création de la banque d’Amsterdam et des autres premières banques commerciales en Europe, il s’agissait d’une réaction des marchands de sécuriser eux-mêmes une monnaie stable non soumise à la puissance absolue des monarques et libérée de toute manipulation gouvernementale.

Avec les écrits d’Hérodote114, nous savons maintenant que l’invention de la monnaie frappée à

l’effigie du roi serait attribuée aux Lydiens (peuple d’Asie mineure) ; il ya 5000 ans avant Jésus

Christ. Dans son cours d’Economie Politique, Pareto 115 (1896/1964, p.338) précise que c’est de la

Lydie et de l’Egine que l’utilisation de la monnaie s’est propagé dans le monde ancien du bassin

112 Georges Depeyrot (1995, p.38) : « Le soin avec lequel les historiens et philosophes ont dissimulé les circonstances du développement de la monnaie, au profit d’une « invention ponctuelle » peut correspondre à une volonté de nier la violence du développement des systèmes monétaires et l’importance de la révolution hoplitique ».Depeyrot, Georges, 1995. Histoire de la monnaie des origines au 18e siècle - Tome 1 : Introduction : de l'Antiquité au treizième siècle.

113 Hayek (1976/1999, p.143) : « Some of the early foundations of banks at Amsterdam and elsewhere arose from attempts by merchants to secure for themselves a stable money, but rising absolutism soon suppressed all such efforts to create a non-governmental currency. Instead, it protected the rise of banks issuing notes in terms of the official government money. Even less than in the history of metallic money can we here sketch how this development opened the doors to new abuses of policy ».Voir Hayek, Friedrich A. Von, 1976. Denationalization of Money - The Argument Refined, An Analysis of the Theory and Practice of Concurrent Currencies. In Kresge, S. ed. Good money , Part II -The collected works of F A Hayek [1999]. Liberty fund paperback ed. Indianapolis: Liberty Fund, xi, 259 p. Page 143.

114 Hérodote (1860, p.38-39) : « Les Lydiens ont à peu près les mêmes coutumes que le grecs… Ils sont les premiers, à notre connaissance, qui frappèrent et mirent en usage la monnaie d’or et d’argent les premiers aussi qui firent le commerce de détail ».Giguet, P., 1860. Histoires d'Hérodote. (Cité aussi par Georges Depeyrot, 1995, pp.38 ; note No 76) »

115Pareto, Vilfredo, 1896. Cours d'économie politique professé à l'Université de Lausanne, Tome 1 Lausanne, Paris,: F. Rouge; Pichon; .

76 méditerranéen. Pour Georges Depeyrot (1995, p.38), l’introduction de la monnaie en Grèce antique n’avait pas pour vocation de développer le commerce, car il l’était déjà de manière très avancée, si l’on prend en considération le rôle joué par les colonies avant l’avènement de la monnaie. Mais les premiers usages de la monnaie en Grèce servaient à faciliter les transferts de richesse en période de guerre. Actuellement, « l’économiste pur » considère la monnaie comme un moyen d’effectuer les échanges, de mesurer la valeur des biens et de réserve de valeur. Une telle considération peut ici être vite qualifiée de réductionniste, car elle élimine plusieurs autres aspects significatifs et fondateurs de la chose monétaire (lien social, politique, confiance, souveraineté etc.,). De plus, l’étude des civilisations révèle que les trois fonctions de la monnaie ne sont pas apparues simultanément ; selon Michel Aglietta et André Orléan (1982, p.157), des millénaires de distance peuvent séparer les trois fonctions monétaires habituellement reconnues. Dans cette perspective, la monnaie est alors caractérisée par de nombreuses controverses théoriques. Cela tient aux formes, aux fonctions et à toutes les sophistications ou simplifications que l’Homme a apportées à cette invention sociale pour les besoins des civilisations successives.

Pour comprendre les théories monétaires, il est nécessaire de les placer dans le contexte de la période à laquelle elles se rapportent, l’économiste rigoureux doit veiller toujours à la nature ou à la forme de ce qui est appelé monnaie, les fonctions qui sont remplies par cette monnaie et aussi caractériser finalement le système économique en vigueur . Dans l’orthodoxie, la monnaie est là, mais elle ne fait rien, elle habille les échanges entre les biens, elle est neutre. Cette monnaie est aussi qualifiée d’exogène par rapport aux modèles d’équilibre économique, car sa quantité étant toujours connue et fixée. Il existe alors deux mondes, celui de l’économie réelle à part où les biens s’échangent contre des biens sans jamais être influencés par la quantité de monnaie et celui du monde monétaire qui est seulement appelé à masquer les échanges du premier monde. C’est le principe de la dichotomie qu’avaient si bien décrit Jean Marchal et Jacques Lecaillon : « Les théoriciens [dichotomistes] analysent les phénomènes économiques d’abord sous leur seul aspect réel, en faisant abstraction de leur aspect monétaire, c’est-à-dire en supposant que la monnaie n’exerce aucune influence, en admettant que tout se passe comme si elle n’existait pas. Les « dichotomistes » introduisent ensuite la monnaie en prenant soin de ne pas revenir sur les propositions antérieures formulées, propositions auxquelles il s’agit seulement de donner une apparence monétaire ; Jean Marchal et Jacques Lecaillon (1967, p.3).

77 Face à la complexité assez évidente de la réalité monétaire, le corpus théorique de la thèse orthodoxe est resté constamment pauvre et misérable, car il s’est développé toujours la même théorie de la monnaie, totalement quantitative, même si, par quelques curiosités d’esprit, la conception métalliste laissa progressivement la place à une conception nominaliste ; (Emile

James116, 1970). La dichotomie persiste dans de nombreux écrits. Toute la deuxième partie de

notre thèse reviendra sur l’étude critique des conceptions dichotomiques et quantitativistes de la monnaie. Auparavant notre dernier paragraphe introduit rapidement le problème de la confiance.

§2. Le vieux problème de la confiance ou le conflit des fonctions monétaires ?

Avant de boucler ce chapitre, les situations de crise monétaire des siècles de la Renaissance, que nous avons longuement rapportées dans les SECTIONS 1 et 2, méritent de revenir sur le vieux concept de la confiance. La confiance est un principe fondamental pour une monnaie, c’est même l’essence de la monnaie, quelle que soit sa forme. François Simiand (1934) insistait sur cet

aspect de la fiduciarité de toute monnaie en ces termes : « on oppose souvent monnaie de métal

précieux et monnaie dite fiduciaire. Nous apercevons maintenant que toute monnaie est fiduciaire. L’or, à ce jour, n’est que la première des monnaies fiduciaires : il n’est pas plus. Mais il n’est pas moins ».

À la lecture des tous les recueils des docteurs scolastiques qui condamnèrent les adultérations

des monnaies (coins debasement) ainsi que le faux monnayage, il est évident que la source de la

crise des prix était aussi l’effondrement de la confiance. Selon le professeur Tortajada (1987, p.869), malgré l’apparente controverse entre Bodin et Malestroit, il existe un point sur lequel les deux protagonistes étaient en accord sur la définition correcte des prix en monnaie en rapport

avec la quantité de métal précieux : « D'abord, les deux auteurs s'accordaient pour reconnaître le « vrai

et juste prix » dans le prix exprimé en monnaie de circulation : c'est la quantité d'or ou d'argent obtenue dans l'échange en deçà donc de « l'image de compte » qui est l'apparence. Les conséquences logiques de cette démarche qui conduit à préconiser l'abandon de la monnaie de compte pour ne retenir que la monnaie de circulation ne furent tirées par aucun des deux auteurs ».

78 Montrons maintenant dans une simple démonstration, la perturbation des rapports marchands suite à une modification des taux de conversion de l’unité compte fictive en métal précieux ou à une diminution de la quantité de métal contenue dans les pièces.

Supposons la situation suivante. Certains marchands continuent encore à fixer leur prix en quantité d’or même si les paiements sont effectivement faits en pièces de monnaie d’or. Par exemple, les marchands de chevaux de traite fixent le prix d’un cheval de traite à 20 grammes

d’or. Si la seule pièce de monnaie qui circule dans l’économie est une livre Xo qui vaut 1 gramme

d’or, il faut alors fournir 20 pièces authentiques et bonne qualité de cette livre Xo pour acquérir

son cheval de traite.

Dans l’esprit des hommes du XVIe siècle, si les pièces étaient de bonne qualité sans aucune malfaçon et contenaient exactement la quantité d’or requise, elles seraient acceptables partout. En revanche si l’ensemble des marchands constataient que les pièces étaient trop rognées de manière fallacieuse, alors la psychologie des capitalistes entrait en jeu. Certains marchands qui croyaient pouvoir conserver leur richesse sous forme de monnaie, se rendaient compte qu’elles auront perdu de leur valeur comparée à la valeur relative que ces mêmes richesses auraient pu être estimées avec une monnaie non rognée. Dans une telle situation, la méfiance des marchands aboutissait à une crise. Cette crise était aussi révélatrice de la nature quantitativiste du comportement des vendeurs du XVIe siècle. Ils augmenteront leur prix jusqu’à ce que la quantité d’or qu’ils désiraient gagner de leurs marchandises corresponde aux pièces. Par exemple, à la découverte de la généralisation des pièces rognées de 10%, de quel montant s’élèvera le prix d’un cheval de traite ? Si les marchands de chevaux désirent toujours gagner l’équivalent de 20 grammes d’or avant rognage, les prix s’effectueront désormais à 22, 23g, il

faut donc fournir presque 23 pièces de livres Xo au lieu de 20 pièces pour acquérir son cheval.

Cette simulation arithmétique si simpliste pour un seul bien est le type de calcul microéconomique que font les marchands dans une économie à monnaie substantialisée. Les marchands de chevaux tendront à relever leur prix, ce raisonnement est donc quantitativiste puisque l’avilissement de la monnaie de 10% augmente les prix des chevaux de 11,11%. Les marchands du XVIe siècle ont toujours raisonné comme cela tant qu’ils estimaient que la monnaie émise et frappée était truquée : c’était la panique des marchands. D’ailleurs un témoignage de F. Garrault concernant la sensibilité de ces marchands est fourni par

79 reçoivent et réagissent à la dévalorisation des espèces trébuchantes par la hausse des prix en unité de compte de ce qu’ils vendent ».

Pourtant, selon Malestroit, même la monnaie de compte (fictive) pouvait également varier de taux de conversion avec les métaux précieux. De la sorte en cas de dévaluation, tous le revenus monétaires exprimés en unité de compte perdaient en pouvoir d’achat. Tortajada (1987, p.858) a proposé une formule pour mesurer la capacité d’achat d’un revenu monétaire au XVIe siècle en fonction du coefficient de dépréciation monétaire. Nous le citons :

« En termes généraux si X est le coefficient de dépréciation monétaire et A (£)/B (£) la capacité d'achat initiale, la capacité d'achat finale est : [A (£)/B (£)] 1/X. Le mal véritable de la dépréciation ne tient donc pas aux prix, ceux-ci restant stables, mais à la baisse du pouvoir d'achat des revenus fixés en monnaie de compte ».

Une monnaie stable, une sorte de miroir collectif où chaque membre de la société peut s’y voir représenter sans être dévalorisé, c’est cela même la fragilité du concept de monnaie, c'est-à-dire la confiance de tout le monde. On comprendra dès lors pourquoi, il existe de nombreux textes dans ce domaine, des écrits souvent produits par les moralistes, les théologiens et surtout les

jurisconsultes. Ainsi on peut citer Aristote117 (384-322 av. J.C) chez qui la confiance dérive d’une

convention sous garantie de la loi ; le philosophe avait longuement condamné les taux d’intérêt usuriers. Nicolas Oresme (1355) et Nicolas Copernic (1526) avaient combattu vigoureusement les mutations d’adultérations pour instaurer la confiance. Enfin Bodin (1576), avec son idée de la République a assis son autorité historique sur la notion de souveraineté. Ce dernier mérite ici

une présentation plus détaillée de ses opinions exprimées dans les Six Livres de la République à

propos de son approche sur la confiance.

Dans un excellent article de 2006, Jérôme Blanc a restitué la place de Jean Bodin (1576) dans la pensée monétaire, dans une perspective plutôt juridique et politique. Si les idées de Jean Bodin les plus référencées et les plus contestées en théorie monétaire sont la théorie quantitative, l’auteur en tant que juriste trouve son point fort ailleurs, dans le domaine du Droit et la Justice.

117 Aristote philosophe de la Grèce antique (384-322 av.J.–C.). Nous pensons bien sûr au Livre V, Chapitre 8 de l'Éthique à Nicomaque. Nous le citons partiellement : « […] mais la monnaie est devenue une sorte de substitut du besoin et cela par convention, et c’est d’ailleurs pour cette raison que la monnaie reçoit le nom de X parce qu’elle existe non pas par nature, mais en vertu de la loi […]. ». Voir Aristote, 1959. Ethique à Nicomaque, Traduit par Jules Tricot ,: J. Vrin.

80 Ainsi pour Bodin, la monnaie relève en effet de la problématique de la souveraineté, qui constitue la pierre angulaire de son œuvre.

Dans les Six Livres de la République, il livre une série de conseils pour la gouvernance pratique de

la monnaie. Toute sa démarche dans cet ouvrage consiste à combattre par tous les moyens ce qu’il appelle la fausse monnaie (faux monnayage), car elle affecte la souveraineté du prince. À son époque où la monnaie pouvait être frappée par des ateliers clandestins autres que ceux des rois, la fausse monnaie affecta la confiance collective. Afin de cultiver définitivement cette confiance en la monnaie, Bodin a construit un schéma théorique dans lequel la loi et le contrat social sont des éléments clés pour éviter le faux monnayage par des tiers malfaiteurs et les adultérations opérées par les princes.

Cependant, si la loi est moyen redoutable pour garantir la fin des faux monnayages par les flatteurs, le comportement des princes est plus difficile à contrôler, Bodin stipulait que la manière d’obliger les princes à la vertu est le recours à la guerre ; (Jérôme Blanc, 2006). En effet pour les princes qui s’amuseraient à adultérer les pièces de monnaie, la guerre devrait être déclarée à leur territoire, de la sorte les princes soucieux de garder leur souveraineté seraient plus disposés à être vertueux, et cela éviterait aussi que des pièces étrangères de mauvaise qualité perturbent le commerce intérieur.

Dans ce système alors imaginé par Bodin, l’acte de battre la monnaie est de la nature de la loi, et doit aussi être centralisé à travers un atelier unique où toutes les monnaies du royaume seraient frappées. Il militait pour la suppression des délégations spéciales offertes à certains seigneurs de battre la monnaie, afin de minimiser les risques de multiplication de monnaie altérée. Ainsi

quiconque qui falsifie la monnaie commet un « crime de lèse-majesté », c'est-à-dire, le falsificateur

vient de violer la zone rouge de la souveraineté du roi ; Jérôme Blanc (2006).

Enfin la valeur et le titre de la monnaie, selon Bodin, relèvent du domaine de la convention, c'est-à-dire d’un contrat social tacite entre les princes et leurs sujets. Afin de garantir la foi du peuple, les princes sont formellement défendus de manipuler les monnaies sous risque de voir leur souveraineté remise en cause.

En définitive, nous constatons que le problème de la confiance, tel qu’il est abordé par Bodin, et les solutions qu’il recommande, ne reflètent que la nature même la monnaie ancienne. Longtemps substantialisée, sujette à des tensions déflationnistes, la politique monétaire, était aux mains des princes qui devaient gérer un équilibre fragile : les nécessités de la circulation et

81 aussi la valeur stable de la monnaie. Cette valeur selon les usages de l’époque dépendait de la quantité de métal fin contenue dans les pièces. Dès lors, les crises de confiance sont permanentes et la suspicion de la mauvaise monnaie explique tous les problèmes de thésaurisation de la monnaie supposée bonne, rendant la circulation parfois compliquée en cas de raréfaction de stocks de métaux monnayables. Un autre point important apparaît, quand on y regarde plus clair, c’est le conflit des « fonctions monétaires ».

Dans l’optique du public, la monnaie doit circuler et avoir un « pouvoir d’achat » stable qui permet de pouvoir réserver la valeur des biens. En revanche, du côté des autorités monétaires royales, la monnaie ne devait pas manquer dans la circulation.