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Chapitre I Etat des connaissances

5. Facteurs de variabilité de la qualité

5.1. Déterminisme et amélioration génétique

5.1.2. Mutations génétiques

Outre la sélection génétique traditionnelle ayant contribué à améliorer les seuils de composition naturels, les techniques de mutagenèse physico-chimique développées dès les années 70 ont conduit à la création de mutants présentant de teneurs modifiées en acides gras (Tableau 10). Ces mutants ont été développés de manière à fournir une large gamme de composition en acides gras, d’une part afin d’alimenter des filières industrielles spécifiques nécessitant des taux déterminés d’acides gras; d’autre part, dans le but d’étudier les processus biochimiques impliqués dans la biosynthèse des acides gras.

Tableau 10 : Composition en acides gras (%) de la graine de tournesol pour des mutants naturels ou induits en comparaison avec le tournesol standard

Mutants Caractéristiques de l’huile C16:0 C16:1 C18:0 C18:1 C18:2 Références

Standard Forte teneur en C18:2 7.0 4.0 17.0 72.0 Dorrell et Vick, 1997

Standard Forte teneur en C18:2 6.5 3.0 40.9 49.6 Fernandez-Martinez et al.,

1993

2698-1 Forte teneur en C18:2 78.0 Miller et Vick, 2001

F6-sel. Forte teneur en C18:2 77.3 Simpson et al., 1989

Pervenets Forte teneur en C18:1 79.3 14.8 Soldatov, 1976

HO

lignées Forte teneur en C18:1 4.9 2.9 90.3 1.8

Fernandez-Martinez et al., 1993

M-4229 Forte teneur en C18:1 3.4 4.1 86.1 3.9 Vick et Miller, 1996

M-3067 Teneur mi-oléique 3.9 5.2 54.6 33.9 Vick et Miller, 1996

CAS-5 Forte teneur en C16:0 25.2 3.7 3.5 11.4 55.1 Osario et al., 1995

CAS-12 Forte teneur en C16:0 Teneur mi-oléique 30.7 7.6 2.1 56.0 3.1 Fernandez-Martinez et al., 1997

CAS-37 Forte teneur en C16:0 Forte teneur en C16:1 29.5 12.3 1.4 5.4 38.7 Salas et al., 2004

CAS-14 Forte teneur en C18:0 8.4 37.3 12.4 38.0 Fernandez-Moya et al.,

2002

CAS-3 Forte teneur en C18:0 5.1 26.0 13.8 55.1 Osario et al., 1995

CAS-4 Teneur mi-stéarique 5.4 11.3 34.6 48.0 Osario et al., 1995

CAS-8 Teneur C18:0 5.8 9.9 20.4 63.8 Osario et al., 1995

5.1.2.1. Mutants riches en acide oléique

Les variétés oléiques sont issues de la première variété population de tournesol oléique, Pervenets, obtenue par mutagenèse chimique au diméthylsulfate de la population VNIMK 8931 (Soldatov, 1976). La mutation se traduit par une augmentation de la teneur en C18:1 dans les triglycérides de réserve de la graine en réponse à la perte d’activité enzymatique embryonnaire de la ? 12 désaturase responsable de la conversion de C18:1 en C18:2 (Garcés et al., 1989). En 1981, une autre mutation « hautement oléique » a été obtenue (lignée No654, Ivanov et Georgiev, 1981). Par la suite, ces génotypes ont été utilisés (Miller et Vick, 1984; Petakov, 1990) pour la sélection de variétés hybrides qui a conduit à des progrès significatifs assurant des potentiels de teneurs en C18:1 dans la graine intermédiaires par rapport aux génotypes standard (mi-oléique, 55%) (Vick et Miller, 1996), voire nettement supérieurs (oléique, plus de 90%) (Fernandez-Martinez et al., 1993).

Les croisements entre lignées provenant de la population Pervenets et de lignées non oléiques ont permis d’étudier la ségrégation mendélienne des gènes de la mutation « hautement oléique ». La mutation sur un gène dominant (Ol1) s’est avéré fortement responsable du caractère « haute teneur en C18:1 » dans la graine (Fick, 1984; Urie, 1985). Néanmoins, d’autres croisements ont révélé l’existence d’un ou deux autres gènes supplémentaires responsables de cette mutation (Ol2 et Ol3) (Fernandez-Martinez et al., 1989; Perez-Vich et al., 2002), avec des effets moindres sur la teneur en C18:1. Ces gènes récessifs joueraient le rôle de facteurs « modificateurs » responsables des plus faibles teneurs en C18:1 obtenue pour certains croisements (Miller et al., 1987). Le caractère « hautement oléique » correspond donc à un facteur génétique majeur influencé par ces « modificateurs » qui agissent indépendamment des conditions environnementales (Fick et al., 1984). Ainsi, la présence de la mutation n’est pas suffisante pour induire le phénotype oléique; le caractère « hautement oléique » serait contrôlé par au moins trois loci (Lacombe et al., 2004) (. Cependant, dans ces études, le phénotype oléique est toujours dominant sans effet maternel majeur Lacombe et Bervillé, 2000; Varès et al., 2000).

Au niveau moléculaire, la mutation oléique est caractérisée par une duplication associée à un réarrangement du gène ? 12 désaturase sur un même locus. Cette duplication modifierait les séquences régulatrices adjacentes et entraînerait l’absence d’expression du gène de la ? 12 désaturase (Hongtrakul et al., 1998). Certains auteurs émettent l’hypothèse que cette région répétée en tandem serait à l’origine du caractère « hautement oléique » soit par un phénomène de suppression de l’expression du gène non muté de la ? 12 désaturase, soit par un effet « gene silencing »qui induirait l’expression du gène muté (Lacombe et al., 2002). De plus, cette insertion unique porterait une partie des séquences codantes et des introns de l’oléate désaturase (Lacombe et

al., 2004). Bien que plusieurs études aient mis en évidence la réduction de l’expression du gène de la ? 12 désaturase dans les graines de génotypes oléiques (Kabbaj et al., 1996; Lagravère et al., 2000; Lacombe et al., 2000) le caractère allo-polyploïde du tournesol ainsi que le caractère aléatoire des mutants présentant le phénotype oléique laissent envisager de nombreuses isoformes des enzymes désaturases et complexifie de ce fait les études moléculaires ainsi que la production de génotypes à hautes teneurs oléiques stables et performants.

5.1.2.2. Mutants riches en acide stéarique

Des mutants contenant des teneurs en C18:0 six fois supérieures aux teneurs des variétés classiques ont été développés (Osario et al., 1995). Ces mutants ont été obtenus par traitement à l’éthylméthane sulfonate de la lignée RDF-1-532. Le croisement du mutant « hautement stéarique » avec des variétés oléiques a donné naissance à une autre catégorie de mutants (CAS-3, Perez-Vich et al., 2000b) dont l’huile possède une forte stabilité oxydative due à la présence de C18:1 ainsi qu’une haute plasticité grâce au C18:0. L’huile obtenue a une haute valeur ajoutée pour l’industrie alimentaire (Purdy, 1986; Wardlaw et Snook, 1990). Plus récemment, un mutant à très haute teneur en C18:0 (supérieur à 35%) a été isolé (Fernandez-Moya et al., 2002). Le caractère de forte teneur en C18:0 est déterminé par deux loci qui subissent un effet épistasique par les loci responsables de la haute teneur en acide palmitique (C16:0) (Perez-Vich et al., 2000a). Certains auteurs suggèrent que in vivo, le phénotype « riche en C18:0 » résulte de l’effet combiné de la réduction de l’activité de l’enzyme stearoyl-ACP désaturase et de l’augmentation de l’activité acyl-ACP thioestérase (Cantisan et al., 2000).

5.1.2.3. Mutants riches en acide palmitique

Les variétés mutantes « riches en C16:0 » (environ 30%) ont été obtenues par irradiation aux rayons X de tournesols standard (génotype CAS-5) (Osario et al., 1995) et oléique (génotype CAS-12) (Fernandez-Martinez et al., 1997). Trois gènes sont responsables du caractère « riches en C16:0 » (Perez-Vich et al., 1998). Ce phénotype serait dû à un effet combiné de l’activité de deux enzymes intervenant dans la synthèse des acides gras (activité faible de la ß-kéto-acyl protein synthase II et une haute activité thioestérase sur le palmitoyl-ACP (C16:0-ACP)) (Garcés et al., 2000). Ces mutants possèdent trois autres acides gras : l’acide palmitoléique (16:1 ? 9), l’acide asclépique (18:1 ? 11) et l’acide palmitolinoléique (16:2 ? 9 ? 12) du à l’hydrolyse complète du C16-ACP par la thioestérase (Salas et al., 2004).

5.1.2.4. Mutants riches en tocophérols

La modification du profil tocophérols a également été étudiée dans le but de remplacer l’a- tocophérol par d’autres dérivés tocophérols de façon à augmenter le degré de stabilité oxydative de l’huile de tournesol. Les efforts de sélection ont conduit au développement et à la caractérisation de plusieurs sources de profil tocophérolique modifié chez le tournesol. Deux lignées (LG15, LG17) ont été isolées contenant respectivement d’importantes teneurs en ß-tocophérol (50% des tocophérols totaux) et en ?-tocophérol (95% des tocophérols totaux) (Demurin, 1993; Demurin et al., 1996). D’autres auteurs ont obtenu encore davantage d’ ?-tocophérol (>95%) (Velasco et al., 2004). Demurin (1993) ont également mis en évidence les deux gènes indépendants (Tph1 et Tph2) contrôlant la composition en tocophérols des graines de tournesol. Le gène Tph1 contrôle le ratio a/ß tocophérols tandis que le gène Tph2 affecte les formes a et ?.

La sélection facilite l’évolution continue des potentialités variétales à travers la création de nouveaux hybrides. En associant les modifications génétiques engendrées par mutagenèse, les recherches pour la sélection tendent vers une large diversité de composition qui soit également stable et héritable. Ainsi, la stabilité du caractère richesse en oléique des génotypes est un objectif primordial de sélection.

Concernant les critères de composition en acides gras de l’huile de tournesol, deux types variétaux ont été développés jusqu’à ce jour: les cultivars standard et oléiques. Cependant, il existe des sources de variation au sein de ces deux types qui dépendent de leurs origines géographique et génétique: croisement de lignées entre elles, de lignées et d’hybrides ou d’hybrides entre eux. En effet, beaucoup d’études ont mis en évidence un fort effet du facteur « génotype » qui correspond à l’origine parentale des hybrides concernés (Radford et Nielsen, 1982; Unger, 1980). Par exemple, certains travaux ont montré une variabilité du rapport teneur en huile/rendement selon les génotypes (El Asri et al., 2000; Fernandez-Martinez et al., 1995; Piva et al., 2000); ainsi que la variabilité de composition en acides gras. L’influence des génotypes module la réponse selon leur capacité à tolérer les stress et à accumuler des acides gras déterminés (notamment pour les variétés oléiques). Chez les hybrides standard, les teneurs en C18:2 peuvent varier de 25 à 45% tandis que chez les hybrides oléiques, la gamme s’étend de 70 à 90%. Le facteur « génotype » semble également être une source de variation de la concentration en composés mineurs tels que les phytostérols; chez le colza par exemple (Abidi et al., 1999). En Argentine, de nombreux programmes de sélection ont été entrepris visant à évaluer la stabilité des génotypes dans des environnements géographiques spécifiques vis-à-vis du rendement grain, de la teneur en huile et en C18:1 (Aguero et al., 2000).

L’expression de ces potentialités génétiques varie selon les conditions environnementales (température, eau...) et les conduites de culture (régime hydrique, apport azoté, date de semis). La composition de la graine est donc tributaire de deux types de facteurs agri-environnementaux: ceux que l’on ne peut contrôler (climat, sols), ceux qu’il est possible de maîtriser (apports nutritifs par la fertilisation, disponibilité hydrique par l’irrigation, choix du génotype, prévention contre les maladies).

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