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Ces mutations fragilisent le modèle traditionnel des grandes enseignes

Dans le document RAPPORT D INFORMATION (Page 22-26)

A. LES RÉVOLUTIONS DU SENS ET DE LA PROXIMITÉ CONSTITUENT DEUX

3. Ces mutations fragilisent le modèle traditionnel des grandes enseignes

commerciales que celles de la grande distribution. Ainsi du secteur du bricolage, par exemple, dont la taille et le poids des produits justifient une emprise foncière plus importante des surfaces de vente en magasin pour leur commercialisation, ainsi que des entrepôts plus importants et des parkings plus étendus. En outre, ce type de produits ne répondent pas à une demande courante mais seulement ponctuelle ; ils font donc l’objet d’une rotation des stocks plus lente que celle des produits alimentaires, ne permettant pas aux enseignes de réaliser une rentabilité suffisante sur des petites surfaces.

Il convient toutefois de noter que certaines enseignes de bricolage ont expérimenté des implantations en centre-ville pour la partie « service » de leur activité (accompagnement des travaux, point fixe ou itinérant de dépannage, réparation des produits, etc.).

Par ailleurs, en centre-ville, l’accès des clients et l’approvisionnement des magasins seraient fortement complexifiés, si ce n’est impossibles, compte tenu des difficultés de stationnement et de circulation.

Enfin, y compris au sein de la grande distribution, toutes les enseignes ne sont pas en mesure de se réimplanter massivement dans les cœurs de ville, du fait de l’expertise nécessaire. Les indépendants (Leclerc, Intermarché, etc.) ne disposent par exemple pas de la même expertise immobilière que les franchisés Carrefour ou Casino, qui bénéficient de l’appui d’un groupe consolidé qui gère parfois « en propre » ses magasins.

3.Ces mutations fragilisent le modèle traditionnel des grandes enseignes

Les révolutions du sens et de la proximité ont entraîné une remise en cause du modèle classique des grandes enseignes de périphérie, au premier rang desquelles la grande distribution, encore accentuée et accélérée par la révolution de l’omnicanalité (cf. infra).

1 Audition de Mme Patricia Sberro, 20 février 2020.

a) La remise en cause du modèle d’affaires de ces enseignes les oblige à trouver de nouveaux leviers de croissance

(1) Une baisse de la rentabilité au mètre carré

Ainsi que l’a souligné la FCD lors de son audition par le rapporteur, les différents piliers du modèle d’affaires de la grande distribution sont aujourd’hui remis en cause par les mutations du commerce :

• la croissance forte des volumes permettait de réduire les coûts fixes ; le volume des ventes baisse aujourd’hui d’environ 1 % ;

• les coûts fonciers étaient initialement faibles ; ils augmentent désormais ;

• les délais de paiement permettaient aux enseignes de se constituer une trésorerie conséquente générant des intérêts ; ils sont désormais faibles.

Depuis 20151, le chiffre d’affaires par mètre carré des hypermarchés est en baisse. Par conséquent, les nouveaux mètres carrés créés par les enseignes sont de moins en moins rentables : alors qu’entre 2015 et 2018, la surface commerciale des hypermarchés a augmenté de 6,3 %, le rendement au mètre carré, lui, reculait de 5,5 %.

Cette baisse des rendements est consécutive à la baisse de la fréquentation, elle-même liée aux multiples facteurs listés supra : le modèle du « tout sous le même toit » séduit moins, les achats alimentaires sont davantage fragmentés2, certains consommateurs recherchent une plus grande proximité, la concurrence inter-enseignes est plus forte, notamment en raison du développement des magasins spécialisés et du commerce en ligne, etc.

Le graphique suivant illustre cette baisse, et le regain d’intérêt dont bénéficient les plus petits hypermarchés.

Évolution de la fréquentation des hypermarchés entre janvier et novembre 2018

Source : Nielsen, données transmises par la FCD.

En particulier, les hypermarchés ne réalisent plus que 20 % environ de leurs ventes dans le secteur non alimentaire. Le segment « loisirs », qui intègre notamment les articles du sport, a ainsi fortement reculé (- 35 %) ; les

1 Audition des représentants de la FCD, 17 décembre 2019.

2 Selon l’institut Kantar, cité par la FCD dans sa contribution écrite transmise au groupe de travail, les consommateurs fréquentaient en 2018 près de 8 circuits différents pour leurs courses alimentaires contre 7,1 en 2008.

ventes liées à l’équipement de la maison ont reculé, quant à elles, de plus d’un milliard d’euros entre 2010 et 2018. Or selon les représentants de la FCD, cette nouvelle répartition des ventes entre alimentaire et non alimentaire fragilise leur capacité d’investissement, car ces ventes non alimentaires permettaient de compenser les faibles marges - voire négatives - qu’ils dégageaient dans certains rayons alimentaires (boulangerie, boucherie).

Compte tenu du développement de la consommation alimentaire hors domicile, par ailleurs, la part des hyper et supermarchés dans les dépenses alimentaires des ménages est désormais inférieure à 50 %.

(2) La nécessité d’individualiser la relation au client

Si l’histoire de la grande distribution est celle d’une constante adaptation à de nouveaux enjeux ou à des innovations (code-barres, carte de crédit, parking, caddie, etc.), la période actuelle présente la singularité de requérir des investissements particulièrement significatifs lors même que les capacités d’investissement ou d’endettement sont limitées.

En effet, « la grande distribution doit faire face à de nouveaux enjeux : technologiques (explosion du drive, développement des mobiles), commerciaux (e-commerce, apparition de nouveaux circuits comme les AMAP et les paniers de producteurs) et sociétaux (apparition d’une consommation plus responsable, décroissance…) »1.

Alors que la croissance des magasins passait autrefois par l’augmentation du nombre de mètres carrés, afin de proposer une masse croissante de produits, il s’agit désormais, pour ces enseignes, de travailler davantage sur l’ancrage et l’offre de services proposés, afin de renforcer la fidélité du client. Les représentants des Mousquetaires ont ainsi distingué deux types de transformation à envisager :

• un approfondissement de la relation au client et une anticipation de ses attentes. Entre autres exemples, ont été créés un prix au litre, un Franco-score, un référencement sur l’application Shopopop, qui permet la livraison de courses entre particuliers ;

• une modernisation des procédures en interne et un priorité mise sur les données, afin de pouvoir répondre en temps réel au client sur le contenu des produits et pouvoir adapter l’offre proposée à la typologie des consommateurs.

Parallèlement au réinvestissement des centres-villes, les enseignes de la grande distribution et du commerce spécialisé diversifient les activités proposées dans leurs hyper et supermarchés de périphérie, afin d’optimiser la gestion de leur foncier conséquent. Une des enseignes d’indépendants, par exemple, propose désormais la location de véhicules (et de vélos et voitures

1 Laure Lavorata, citée dans O. Badot, J-F Lemoine, A. Ochs, « Distribution 4.0 », Pearson, 2018.

électriques) en libre accès 7 jours sur 7, un espace de covoiturage, la location d’ustensiles de cuisine, de matériel (tireuse à bière, etc.), une conciergerie, des animations thématiques, des rencontres avec des diététiciens, etc.

Une autre souhaite consacrer une partie des centaines de milliers de mètres carrés d’hypermarchés dont elle dispose en périphérie comme zone de préparation, par exemple de repas. Le magasin deviendrait alors une

« zone de vie », où fabrication, consommation et expérimentation1 se côtoieront.

En outre, les hypermarchés deviennent progressivement des hybrides entre supermarché et entrepôt (cf. infra) afin de livrer régulièrement les points de vente désormais installés en centre-ville. Le rapporteur note toutefois les difficultés inhérentes à la cohabitation des flux logistiques et des flux commerciaux, qui complexifie la possibilité d’utiliser le foncier commercial existant pour le transformer en entrepôts. En effet, d’une part les surfaces commerciales relèvent des autorisations d’exploitation commerciale (AEC) tandis que la réglementation des entrepôts a trait aux ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement).

D’autre part, la transformation en entrepôt pose des problèmes techniques : elle nécessite l’installation de quais de chargement, une certaine hauteur pour pouvoir stocker des dizaines de milliers de références, de penser le parcours client et son articulation avec la présence de flux de camions de livraison, etc.

b) Souvent annoncée, la fin des grandes surfaces de périphérie n’est toutefois pas pour demain

Si l’exercice prospectif est par nature délicat, il peut toutefois légitimement être attendu que les grandes surfaces de périphérie diversifieront encore plus, à l’avenir, les activités qu’elles proposent sur leurs lieux de vente, et qu’elles utiliseront une partie de leur foncier pour approvisionner rapidement leurs formats réduits de centre-ville afin que ces derniers puissent proposer une offre vaste tout en ayant peu de réserve.

En revanche, à rebours de certains discours qui voient dans les nouvelles attentes du consommateur la fin des grandes surfaces, le rapporteur ne croit pas à leur disparition. En cela, il rejoint le directeur de la rédaction du magazine spécialisé LSA qui a indiqué, lors de son audition :

« il y aura sans doute moins de supermarchés et d’hypermarchés mais je ne crois pas à la fin du gigantisme »2.

L’hypermarché est certes moins fréquenté qu’auparavant, mais ces magasins de plus de 2 500 m² de surface de vente détiennent toujours plus de 50 % des parts de marché. Les Français réalisent toujours plus de 100 fois par an des courses de produits de grande consommation, et ces grandes

1 Par exemple, un circuit d’essai de trottinettes.

2 Audition d’Yves Puget du 5 février 2020.

surfaces de périphérie, si elles sont éloignées des centres-villes, restent proches des habitations en zone périurbaine, là où réside la majeure partie des consommateurs. Voir dans le regain d’intérêt pour les commerces de proximité la fin de ces modèles commerciaux revient à oublier la persistance de certains facteurs urbains, sociodémographiques et économiques structurants.

B. LA RÉVOLUTION DE L’OMNICANALITÉ, QUI SURPLOMBE ET

Dans le document RAPPORT D INFORMATION (Page 22-26)