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1.4 L ES PPP AU Q UÉBEC

1.4.2 Dans les municipalités

Dans son projet de loi, le gouvernement avait prévu l’obligation pour les municipalités

de considérer l’hypothèse PPP, au moins dans les cas où le projet bénéficierait de subventions gouvernementales126

Par ailleurs, dans le cas des municipalités québécoises, entre autres, il ne faudrait cependant pas négliger le gain politique, qui peut venir brouiller le calcul des avantages économiques. En effet, la signature d’un contrat de location plutôt que d’un contrat d’achat permet d’obtenir la même chose tout en évitant la longue procédure qui encadre les règlements d’emprunts municipaux : ouverture du registre où les opposants au règlement d’emprunt proposé peuvent venir signer pour exiger la tenue d’un référendum, puis, si le nombre de signatures est suffisant, obligation de tenir un référendum ou de retirer le règlement d’emprunt; cette procédure prévoit des assouplissements exceptionnels pour les municipalités les plus importantes. En mai 2009,

. Les intéressées avaient alors vivement protesté contre cette nouvelle façon pour le gouvernement de contrôler leurs décisions, en soulignant au passage que cela contredisait le discours gouvernemental qui aime les présenter comme des « partenaires ». Les municipalités insistaient surtout sur le fait qu’il était inutile (et un peu ridicule) de les obliger à envisager la formule des PPP puisque, pragmatiques et débrouillardes, elles n’avaient pas attendu cette nouvelle possibilité légale pour pratiquer la chose à l’occasion et le faisaient depuis fort longtemps. J’avais d’ailleurs été personnellement payé pour l’apprendre : avant que le projet de loi ne soit débattu, j’avais été invité comme « personne-ressource », dans le cadre d’une activité de formation organisée par l’Union des municipalités du Québec, pour un atelier que les organisateurs avaient choisi d’intituler « Danser avec les loups : le partenariat avec le privé dans la réalisation de projets de développement » (octobre 2004). Comme cela se produit fréquemment, les participants firent en sorte que le formateur en ressorte mieux formé : une quinzaine de maires de municipalités de taille moyenne s’étaient relayés pour me déniaiser en m’enseignant les multiples façons de contourner les lois et règlements qui, jusqu’alors, interdisaient des ententes avec le privé d’une durée supérieure à cinq ans. Les municipalités sont généralement au fait de ce qui s’offre à elles puisqu’elles sont constamment sollicitées par des entreprises qui leur promettent monts et merveilles (forcément).

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Hamel, Pierre J. (2007). Les partenariats public-privé (PPP) et les municipalités : au-delà des

principes, un bref survol des pratiques, réalisé à la demande de la Fédération canadienne des

municipalités (FCM), Montréal : Groupe de recherche sur l’innovation municipale (GRIM), INRS- Urbanisation, Culture et Société, 112 p. http://www.ucs.inrs.ca/pdf/PPPMun.pdf

j’ai obtenu une nouvelle confirmation, écrite cette fois-ci, de cette motivation pour aller en PPP; dans un courriel, la direction générale de la Ville de Beloeil m’expliquait candidement pourquoi on y avait choisi de procéder en PPP pour la construction et l’entretien d’un aréna et d’un centre multifonctionnel127

« De : Martine Vallières [mailto:mvallier@ville.beloeil.qc.ca] Envoyé : 5 mai 2009 14:55

À : Hamel, Pierre J. Cc : […]

Objet : PPP - ville de Beloeil .

[…] 3)L’autre facteur en est un de culture local[e]. Eh oui, il faut aussi en tenir compte. Nous venons de nous faire bloquer à Beloeil un règlement d’emprunt de 1,6 M pour l’achat de terrain en zone industrielle. Le prix du p.c. était à 1,75 $. Nous voulions y mettre

un dépôt à neige car le nôtre est trop petit et encore cet hiver non conforme et y installer éventuellement nos ateliers municipaux qui sont en plein cœur du Vieux-Beloeil.

Les gens en venant signer le registre à raison de 594 personnes ont mis fin à cet achat. Alors pensez-vous qu’ils accepteront un règlement d’emprunt d’environ 16 M»128

Nouveau rebondissement dans cette affaire, en septembre 2009.

?

« Devant la pression populaire, le ministère des Affaires municipales a exigé de l’administration municipale de Beloeil d’ouvrir un registre public pour permettre aux citoyens et citoyennes de se prononcer sur le projet de construction d’un centre multifonctionnel en formule de partenariat public-privé (PPP) »129

127

Jusqu’à présent, lorsque je citais ce courriel, je prenais bien soin de retirer tous les détails qui auraient permis d’identifier le cas en question. Mais je me suis rendu compte qu’il s’agissait de précautions inutiles car ce courriel était de notoriété publique : il m’avait été adressé personnellement mais la directrice générale avait pris la peine de faire suivre une copie conforme à tous les membres du conseil municipal, y compris aux conseillers de l’opposition qui, eux, ne se sont pas gênés pour rediffuser la chose, tout comme le syndicat des employés municipaux, bien entendu. J’aurais été le dernier à demeurer discret.

.

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Courriel reçu le mardi 2009-05-0514:55, envoyé par Martine Vallières, directrice générale de la Ville de Beloeil.

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SCFP. (2009). Construction d’un centre en PPP. Les citoyens de Beloeil pourront finalement

L’esprit des règles qui encadrent le fonctionnement des municipalités va dans le sens

d’une protection relativement sérieuse du citoyen-contribuable et la lettre de ces règles stipule qu’il est obligatoire de consulter les citoyens pour tout projet impliquant un emprunt.

Le PPP permet de respecter la lettre, car il n’y a pas d’emprunt municipal direct stricto sensu, mais il est clair que les gens du ministère ont estimé, au moins pour ce cas précis,

qu’on en prenait un peu trop à son aise avec l’esprit de la loi130

C’est en connaissance de cause que certaines municipalités recourent parfois à une forme ou une autre de PPP, sans qu’on puisse cependant parler d’enthousiasme aveugle ou délirant; c’est également en toute connaissance de cause que la plupart refusent de succomber

aux sirènes d’un PPP

. Il ne faut donc pas sous-estimer l’attrait des PPP pour certains qui y trouvent la possibilité de contourner de lourds mécanismes destinés à protéger les intérêts des contribuables, tout en esquivant un débat sur la pertinence d’un investissement. Cependant, ce n’est certes pas là un avantage dont on peut se vanter publiquement.

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. Et, soit dit en passant, elles ont obtenu que la loi créant l’Agence des PPP ne les force pas à envisager un PPP132

http://scfp.qc.ca/modules/communiques/communique.php?id=1137&langue=fr&menu=41

. À l’évidence, la passion débridée n’y est pas,

. Le jour prévu, les citoyens se sont déplacés en grand nombre pour signer le registre et, ne serait-ce que moralement, la municipalité devra alors choisir : soit qu’elle abandonne le projet, soit elle le soumette au vote dans le cadre d’un référendum.

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Ce genre de tour de passe-passe pour lancer un projet sans consulter les citoyens n’est pas nouveau ̶ cela se pratiquait avant que la formule actuelle des PPP n’existe ̶ et ce n’est pas vraiment exceptionnel non plus. Comment se fait-il que le ministère réagisse maintenant et pas avant, concernant les autres cas qui lui avaient pourtant été signalés par des citoyens opposés à des projets financés « en douce »? La question est posée. Par ailleurs, il est clair que cette réaction du ministère n’aurait pas été possible il y a quelques mois à peine, alors que les PPP avaient encore le statut de religion officielle; les opposants avaient beau piaffer de rage, y compris au sein de l’appareil d’État, mais le tout demeurait sous la

gouverne ferme de partisans résolus des PPP.

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Ratthé, Dominic. (2009). dossier du mois « Les PPP. Pour le meilleur ou pour le pire? », Urba (magazine de l’Union des municipalités du Québec), vol. XXX, no 1 (mars-avril), p.18-35

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Le gouvernement a de nouveau tenté d’inclure une clause semblable dans la loi créant Infrastructure Québec, qui prend la relève de l’Agence : un article prévoyait que le gouvernement pourrait obliger une municipalité à s’associer à Infrastructure Québec dans le cas d’un projet « majeur ». Rebelote. L’UMQ signifia formellement son opposition et même publiquement, sur son site internet, le 18 novembre : Union des municipalités du Québec. (2009). Infrastructures. Proposition d’amendement au projet de loi no

même si l’idéologie inspire bien des discours.

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