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Multi-résistance bactérienne en réanimation : 1.Définition [66] :

pharmacodynamiques dans l’antibiothérapie en réanimation :

V. Désescalade antibiotique en réanimation :

2. Multi-résistance bactérienne en réanimation : 1.Définition [66] :

I1 apparait rapidement, à la lecture de la littérature, que de donner une définition de la multi-résistance est une tâche difficile. Comme souvent, des mots largement utilisés recouvrent des concepts qui varient selon les utilisateurs. Les deux sens les plus communément acceptés de la multi-résistance bactérienne tournent autour de bactéries qui sont résistantes à de nombreux antibiotiques ou < qui sont résistantes beaucoup plus d'antibiotiques que la connaissance du phénotype sauvage ne le laissait prévoir.

On voit que le premier concept s'adapte bien aux bactéries pour lesquelles on parle de résistance naturelle. Ce sont celles qui ont, de tout temps et en tout lieu, été résistantes de nombreux antibiotiques. La résistance à tels ou tels antibiotiques est alors un caractère d'espèce, si constant qu'il sert souvent de repère taxonomique au laboratoire. Parmi les bactéries responsables d'infections chez les sujets hospitalisés en réanimation, on peut ranger dans ce groupe de

nombreuses bactéries à métabolisme oxydatif comme les Pseudomonas, les

Acinetobacter, les Stenotrophomonas.

Le deuxième des concepts énoncés plus haut s'adapte bien aux bactéries dont le phénotype de résistance s'est modifié de façon importante au cours du temps, celles pour lesquelles on parle de « résistance acquise ». Cette acquisition de résistance peut correspondre à de nombreux mécanismes qui sont déjà traités.

Parmi les bactéries importantes de ce groupe et qui intéressent les réanimateurs, on peut citer S. aureus, K. pneumoniae, Enterobacter claocae,

Enterococcus faecium, pour les bactéries responsables d'infections

nosocomiales.

On peut ajouter à cette liste S. pneumoniae, bactérie généralement responsable d'infections communautaires, mais qui peut être isolée en réanimation notamment après admission primaire de malades graves.

2.2.Rôle de la pression de sélection par les antibiotiques [66, 67] :

La combinaison de la pression de sélection due aux énormes quantités d’antibiotiques utilisées dans le monde et de l’efficacité de la dissémination des bactéries résistantes entre les individus est à l’origine du développement de la résistance.

I1 y a de multiples exemples où la pression de sélection par les antibiotiques a été mise directement en cause dans l'apparition de cas de colonisation ou d'infection par des bactéries résistantes. Trois exemples sont, entre autres, frappants. Le premier est celui de la résistance à la streptomycine qui est apparu rapidement chez la quasi-totalité des tuberculeux traités en monothérapie lorsque seul ce produit était disponible. Cet exemple historique,

dû à un mécanisme de modification de cible par mutation, est intéressant pour son exemplarité et devrait amener à une grande prudence dans l'utilisation en monothérapie, ou en monothérapie potentielle au site de l'infection, de nouvelles molécules, notamment de synthèse, chez les malades de réanimation porteurs d'inoculums bactériens élevés.

Un deuxième exemple est constitué par la colonisation intestinale par les entérobactéries résistantes : les flores commensales pourraient jouer un rôle majeur dans la dissémination de la résistance. Lors de chaque administration d’antibiotique, quelle que soit l’indication, on peut observer la sélection de microorganismes résistants de façon concomitante au sein des diverses flores commensales des individus. Cette sélection pourrait être un phénomène beaucoup plus important pour l’évolution de la résistance que la sélection directe de pathogènes résistants au sein du foyer infectieux.

Cette sélection de mécanismes de résistance au sein des flores commensales et leur transfert secondaire aux bactéries pathogènes pourraient ainsi participer largement à la dissémination de la résistance.

Cet exemple est ensuite intéressant pour la relation quasi parfaitement linéaire qu'il a permis de mettre en évidence entre la fréquence d'apparition de la colonisation et la durée du traitement sé1ecteur qui l'a précédée. Cette linéarité est, notre avis, un argument fort pour promouvoir une politique active de réduction de la durée des traitements antibiotiques en réanimation, c'est- à-dire en pratique une réévaluation critique quotidienne de l'utilité de chaque molécule prescrite. Un troisième exemple est celui de la possibilité de survenue de deuxième épisode de bactériémies à Enterobacter cloacae lorsque le premier est traité par une molécule sélectionnant un mutant déréprimé de production de

céphalosporinase. Cet exemple est intéressant pour la complexité du mécanisme génétique mis ainsi en jeu, aboutissant à des conséquences évidentes en clinique pour le soin quotidien.

2.3.Impact écologique de la multi-résistance [66] :

La multi-résistance microbienne, notamment en réanimation, est une des conséquences de l'utilisation massive des antibiotiques depuis cinquante ans et de l'impact qu'a cette utilisation sur les écosystèmes microbiens de l'homme, des animaux et de l'environnement. Toutefois, son existence va elle-même avoir des conséquences écologiques importantes.

Les services de réanimation sont les plaques tournantes du trafic des malades à l'intérieur d'un établissement et vers d'autres établissements. Le développement de la multi-résistance en leur sein représente donc une véritable bombe épidémiologique à partir de laquelle des phénomènes rapides de dissémination de certains phénotypes peuvent s'observer.

Enfin, on pensait classiquement que les bactéries résistantes étaient plutôt défavorisées par rapport aux phénotypes sauvages lorsque cessait la pression de sélection. Ceci peut être vrai pour une résistance unique, mais la multiplicité de la résistance chez une même bactérie a pour corolaire de démultiplier l'efficacité de la pression de sélection, une seule molécule sé1ectionnant les bactéries qui vont être résistantes à de nombreuses autres. Ceci expliquerait, par exemple, que le portage intestinal d'entérobactéries résistantes à des antibiotiques qui ne sont plus guère utilisés, comme les phénicolés, soit toujours présent de façon fréquente dans la flore fécale de sujets sains vivant en France et ce, sans changement notable depuis vingt ans.