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Les propos des personnels des SCD montrent que le développement de projets innovants et la satisfaction des demandes actuelles des étudiants et des enseignants ne sont pas toujours réalisables, dans un contexte marqué par la pénurie des moyens. Certains établissements réussissent à dégager les moyens financiers et humains afin de développer et d’adapter leur SCD. D’autres, malgré l’existence d’idées innovantes, bloquent ou abandonnent leurs projets faute de moyens : « Le projet d'évoluer vers un learning centre a échoué pour des raisons

financières » (formatrice, SCD) ; « La dynamique ralentie voire perdue pour des questions de coûts » (conseiller pédagogique, SUP) ou « Il y a quelques années, la bibliothèque de sciences avait effectivement envisagé d'épouser un projet de d'évoluer vers un learning centre et je trouvais ça tout à fait pertinent : justement, on aurait pu regrouper dans ces learning centres le service d’accueil pédagogique et la bibliothèque. Ce projet n'a pas abouti en raison de querelles et d'absence de financement » (directeur de BU).

Pour un autre directeur de BU, « si les services documentation ne disposent pas des

moyens humains (en temps de travail notamment), on ne peut pas améliorer les relations avec les enseignants et les services liés à la pédagogie » car « il faut produire et en qualité : les effectifs actuels ne permettent pas cette évolution. Dommage, car il y a une réelle motivation ».

Conclusion

L’étude réalisée permet de constater l’existence une dynamique réelle, bien que transitoire, caractérisée par une nouvelle prise de conscience à l’égard des pratiques d’enseignement et d’apprentissage des différents acteurs concernés. Pourtant le niveau de conscientisation reste très hétérogène :

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- Il est encore relativement faible du côté des enseignants, dont les pratiques d’enseignement sont marquées par l’individualisme pédagogique et le manque d’échanges et d’initiatives pédagogiques collectives au sein des équipes ;

- Les collaborations entre enseignants et personnels des SCD naissent en général de relations interpersonnelles privilégiées, moins fréquemment d’initiatives institutionnelles systématiques. Les professionnels des bibliothèques font souvent la démarche de contacter les enseignants à ce propos. La réciproque est plus exceptionnelle. Les différents acteurs impliqués ont la volonté d’étendre ces actions, en particulier à l’occasion des campagnes d’accréditation ;

- Il est également faible du côté des étudiants. Seuls les plus avancés sont présents dans différentes commissions, et leur engagement est décrit comme faible. De fait, ils restent dans une posture de consommateurs de savoirs ;

- L’attitude des politiques est plus volontariste à cet égard. Mais le niveau de résistance des deux premières catégories d’acteurs est tel que la collaboration est difficile à mettre en œuvre. S’ils peuvent compter sur l’appui des spécialistes de l’information documentaire et des nouvelles technologies, ils doivent se garder d’aller trop loin au risque de mécontenter les enseignants qui les élisent par ailleurs. Au mieux sont-ils en mesure de proposer des dispositifs visant à une innovation incrémentale, rarement participative. De plus, l’émergence un peu partout de

learning centres dont la fonction est généralement peu définie, pose clairement le

problème de l’évolution de la BU ;

- Le principal levier de changement semble devoir être actionné par les personnels des SCD, qui sont très demandeurs de formation pédagogique, aussi bien que d’interventions dans les différents cursus universitaires. De ce côté, les changements sont jugés trop lents, les initiatives trop timides. Le problème reste que ce volontarisme se double d’une quête de reconnaissance professionnelle qui peine à se concrétiser ;

- Tant que la pédagogie ne devient pas une préoccupation importante pour les composantes pédagogiques et les enseignants, l’impact en matière d’innovation pédagogique, notamment celle impliquant les instances transversales comme les SCD, reste limité.

La place, le rôle pédagogique et formateur des SCD figurent parmi les facteurs de changement de la mission d’enseignement, dans cette période de mutation de l’université. Encore faut-il que cette prise de conscience soit partagée par les différents acteurs concernés. Les décideurs institutionnels sont de plus en plus conscients de l’importance des différentes formes de la collaboration au sein de leurs établissements dans l’évolution pédagogique de l’université. Cependant, les données de l’enquête montrent que cette dynamique émergente est diversement présente dans les structures visées par notre démarche. La densité, le niveau et l’ampleur des formes de la collaboration varient considérablement, tant entre les établissements, que parfois même à l’interne. Dans un contexte transitoire s’expriment des jugements et des appréciations très contrastés, voire opposés. Ainsi trouve-t-on aussi bien des

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acteurs institutionnels enthousiastes à propos des changements en cours et des perspectives stimulantes qu’ils dessinent, que d’autres moins mobilisés ou déçus des blocages et de la lourdeur bureaucratique.

L’introduction des innovations par le haut et le rôle central et déterminant de la gouvernance signifient aussi que les instances intermédiaires ou les acteurs locaux ne partagent pas toujours la même analyse ou n’ont pas les mêmes priorités. Le peu d’implication de ces acteurs semble plus lié aux représentations et aux identités professionnelles qu’à un rapport hiérarchique. C’est toute la question de la nature des innovations proposées. Il est assez peu fréquent de voir participer les représentants des enseignants et des étudiants aux côtés du personnel des SCD à cette réflexion globale liée à la place des compétences informationnelles et documentaires et aux modalités de leur intégration aux programmes. La conception de tels projets est le plus souvent subie plutôt qu’agie par la communauté, et les expériences sont encore balbutiantes. L’examen des appels d'offres concernant la pédagogie universitaire montre qu’on n’exige pas souvent l'association des services numériques et des SCD. Les politiques insistent particulièrement sur l’effet de changements à moyen et à long terme. La gouvernance prend parfois appui sur les expériences étrangères pour développer de nouveaux projets et de nouvelles formes de collaboration entre les instances impliquées (SUP, SCD, direction numérique, composantes pédagogiques, direction du patrimoine). C’est un indicateur analyseur qui révèle l’absence de repères aux niveaux national et local.

En s’appuyant sur le corpus de données réunies, on peut dire que la collaboration effective et intégrée entre les SCD, les composantes pédagogiques et les autres instances impliquées dans les domaines pédagogiques (SUP, direction numérique) semble être parfois dysfonctionnelle ou freinée par un ensemble de facteurs. Le nœud critique paraît lié à la place des instances intermédiaires ou aux acteurs directement concernés (les enseignants) et à leur implication respective. Le décalage est souvent important entre la volonté politique au niveau de la gouvernance et des SCD d’une part, et la mobilisation effective des acteurs les plus concernés d’autre part (équipes pédagogiques et enseignants). Autrement dit, les collaborations entre les acteurs pédagogiques sont loin d’être systémiques et intégrées dans la culture institutionnelle. De même, la volonté des SCD de collaborer avec les enseignants semble parfois se heurter à l’absence de soutien politique. Les différentes formes de la collaboration sont souvent prescrites dans les textes et les normes institutionnelles mais le décalage important entre la collaboration formellement prescrite et la collaboration réelle reste effectif.

Les préconisations

Si l’on souhaite promouvoir de nouvelles modalités de travail, une intelligence collective, dépasser une logique d’enseignement au profit d’une logique d’apprentissage et développer des formes d’auto-formation, il s’agirait par conséquent de construire une culture informationnelle, documentaire, et aussi un savoir de l’information, une conscience critique de l’information. Des compétences de différentes natures devront être articulées : informationnelles, documentaires, médiatiques, de médiation, numériques, scientifiques.

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- Institutionnaliser la présence du personnel des SCD dans les instances pédagogiques des structures d’enseignement ;

- Associer systématiquement des personnels du SCD à l’équipe pédagogique du diplôme à l’occasion des campagnes d’accréditation ;

- Valoriser la collaboration entre les équipes pédagogiques et le personnel des SCD dans l’évaluation des programmes d’enseignement ;

- Garantir la participation régulière des SCD dans les instances politiques et notamment la CFVU ;

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Chapitre II