• Aucun résultat trouvé

3 Les voies de communication

4.3 Le Haut Moyen Age

Dans les territoires occupés par les Mérovingiens, les nécropoles ont fourni dès le XIXe siècle le principal indice du peuplement au Haut Moyen Age, faisant de cette période une «civilisation de la mort». C’est bien connu: au VIIe siècle, on ne vivait pas, on mou-rait. Puis ont été mis au jour les «fonds de cabane», ces structures d’envergure très limitée dont bon nombre ont été fouillées dans la première moitié du XXe siècle et après la Seconde Guerre mondiale. Même si ces trouvailles ne donnaient de l’habitat qu’une vision très partielle voire trompeuse, elles prouvaient au moins qu’à l’époque, les gens faisaient autre chose que de trépasser.

125FERDIÈRE 1988, pp. 109-114.

126MARTIN 1971, p. 220.

127ROBERT 1985, p. 15.

4 L’habitat Fort heureusement, la vie de ce peuple fantôme tend enfin à devenir concrète car ces

dernières décennies, des fouilles de grande surface ont été effectuées, mettant en évi-dence des ensembles plus vastes. Dans certains cas, les recherches ont été si poussées que l’on peut presque reconstituer des nains de jardin dans les parcellaires, permettant ainsi d’entrevoir une population au travers de ses activités quotidiennes plutôt que par le judas d’un salon mortuaire.

Dans le Jura, les investigations archéologiques entreprises sur le tracé de l’autoroute A16 - Transjurane ont mis au jour plusieurs sites d’habitat. Le plus grand d’entre eux, dans la vallée de Delémont, est le hameau situé sur les communes de Develier et de Courtételle qui, par la richesse de ses découvertes, donne enfin une vision large et con-crète de ce qu’était la vie dans une agglomération mérovingienne, permettant de reconnaître l’organisation interne d’un village, les zones liées à l’économie agraire et celles liées aux activités artisanales128.

128 FEDERICI-SCHENARDI et FELLNER, à paraître.

129 Ibid. et FEDERICI-SCHENARDI et FELLNER 1999a.

130 MARTIN-KILCHER et QUENET 1987.

131 ESCHENLOHR et SERNEELS 1991.

132 MASSEREY 1989, pp. 26-27.

Cette petite agglomération, installée au fond d’un vallon du bassin de Delémont en bordure d’un ruisseau, comportait au minimum six fermes. Chacune d’elles compte au moins un bâtiment plus important, d’une surface de 4-7 × 6-10 m, dans lequel on re-connaît facilement la maison d’habitation, notamment grâce à la présence d’un foyer (fig. 36); autour de celle-ci gravitent des dépendances (granges, greniers, ateliers…), le plus souvent de petites constructions à quatre poteaux ou des cabanes en fosse à quatre ou six poteaux. Les fermes, distantes les unes des autres de quelques dizaines de mè-tres, étaient séparées par un réseau de fossés orthogonaux ou par des espaces vides. Si l’agriculture est attestée et devait fournir de quoi subvenir à l’alimentation quotidienne, l’industrie du fer était aussi pratiquée: les zones liées à cette activité ont livré d’énor-mes quantités de scories qui permettront peut-être de se faire une idée du volume de la production129.

A Montsevelier, un atelier de potier a été découvert accidentellement en 1980130. Les seules fouilles effectuées n’ont livré qu’un foyer et une vingtaine d’individus cérami-ques (fig. 87), mais il est vraisemblable que cette zone devait jouxter un habitat: le site est en effet perché à 800 m d’altitude, sur une ancienne voie de passage en direction d’Erschwil (SO), et on imagine mal des artisans monter depuis la plaine pour le seul plaisir de pratiquer leur métier devant un panorama de carte postale (fig. 20).

A Boécourt - Les Boulies (fig. 37 et 61), se sont deux bas fourneaux de réduction du fer qui ont été fouillés. Toutefois, des indices supposent la proximité d’un atelier131. Il en est de même à Glovelier - Au Breuil, où un sondage a révélé des scories et un lit de charbon qui traduisent le même type d’activité artisanale132.

Ces dernières années, des sites ont aussi été mis au jour en Ajoie. La découverte la plus intrigante fut peut-être celle du site de La Rasse à Porrentruy (fig. 38 et 92) où furent dégagés les vestiges, malheureusement fort mal conservés, d’un bâtiment en pierre de 18 m de long pour une largeur d’au moins 7 m, divisé en trois nefs. Cet édifice du VIIe siècle reprend en fait dans les grandes lignes le plan d’une construction en bois

Fig. 36Develier - Courtételle (site 63.4). Plan de la ferme 3 du hameau mérovingien. En haut à droite, le bâtiment d’habitation avec un foyer. Les constructions annexes servent de bâtiments d’exploitation.

;

y;;yy

;;

yy

d’une superficie d’environ 17 × 16 m, antérieure de quelques décennies. Ce qui sur-prend, ce sont tout d’abord les dimensions, inhabituelles pour un bâtiment du Haut Moyen Age puisqu’en comparaison, l’habitation de la ferme 3 de Develier - Courtételle ne fait que 7 × 8,50 m. L’usage de la pierre ensuite, même s’il est vraisemblable, d’après la faible largeur des fondations et les restes de clayons récoltés, que l’élévation devait être constituée de matériaux légers. Les maçonneries sont rares au Haut Moyen Age et réservées à des édifices plus importants qu’un simple habitat rural. La fonction de ce bâtiment isolé reste difficile à établir, mais l’on peut envisager le travail du fer, à cause des scories qui y ont été observées133. Signalons deux sites qui ont fourni des construc-tions en pierre assez semblables en plan et en dimensions et qui semblent avoir eu une vocation artisanale: Aalen (Bade-Wurtemberg), qui contenait deux fours, et Poncin (Ain), où des activités de tabletterie sont attestées134.

A Porrentruy, au Voyebœuf, des sondages ont montré un site malheureusement très mal conservé. La superficie de la couche archéologique atteignait près d’un hec-tare, mais seules quelques fosses ont pu être mises en évidence. La présence de scories atteste néanmoins d’un travail de réduction du fer135. L’étendue du niveau archéologique rend vraisemblable l’hypo-thèse d’un établissement.

Un site du même genre a été découvert à Chevenez, dans la Combe en Vaillard et non loin de là, à Courtedoux, au bord du Creugenat, les fouilles en cours ont révélé un habitat136. Des scories figurent égale-ment dans le corpus du mobilier. L’endroit, assez humide, n’est pourtant pas ce qu’il y a de mieux pour l’installation d’un groupe hu-main, du moins selon des critères actuels.

Mais cette caractéristique est commune à plusieurs des établissements dont nous avons parlé; Develier - Courtételle, et Porrentruy, Voyebœuf sont également situés à proximité immédiate de zones inondables. Voilà donc que se dessinent quelques caractéristiques de vie des Jurassiens du VIIe siècle, autrement que par leur mobilier funéraire: à l’épo-que de saint Germain, on ne craignait pas les rhumatismes. Il semble du reste, d’après les cas connus, que la présence des rivières (parfois des sources) est une caractéristique récurrente des habitats mérovingiens137. On se gardera cependant de généraliser et de faire de ce constat une règle absolue: il reste possible que bien des villages138devaient se trouver au sec. Et si des groupes humains ont choisi délibérément de s’installer dans des endroits humides, c’est que le facteur eau apportait des avantages tels que l’on pou-vait bien s’accommoder de quelques désagréments occasionnels. Les raisons qui ont conduit au choix de ces emplacements tiennent sans doute à des activités domestiques ou artisanales: on pense à la meunerie par moulins hydrauliques, à la poterie, au travail des fibres textiles et, naturellement, au travail du fer, qui fut vraisemblablement à l’ori-gine de la richesse des habitants du Jura au Haut Moyen Age. La publication à venir du site de Develier - Courtételle amènera, soyons-en certain, des éléments de réponses intéressants139: non seulement parce qu’elle permet d’appréhender le fonctionnement d’un établissement de cette période et son évolution spatiale et temporelle, mais sur-tout parce qu’elle situe dans un contexte historique une petite agglomération qui fut le témoin des enjeux politiques régionaux de l’époque.

133DEMAREZ, à paraître.

134 Aalen: KRAUSE, GROSS et SCHURIG 1997; Poncin: VICHERD s.d., pp. 22-23.

135PAUPE 1996 et 1997.

136DESLEX 2000 et 2001.

137Cette caractéristique avait déjà été signalée par Germaine Faider-Feytmans (citée par FARNOUX 1987, p. 12), qui l’explique par la disparition des techniques romai-nes d’adduction d’eau.

138Ceux-ci sont pratiquement in-connus, raison pour laquelle on ad-met en général qu’il doivent se situer sous les agglomérations ac-tuelles, en tous cas dans les villages en –court ou –velier.

139 FEDERICI-SCHENARDI et FELLNER, à paraître.

Fig. 37 Boécourt, Les Boulies (site 62.1). Les bas fourneaux mérovin-giens. Voir aussi fig. 87

Fig. 38 Porrentruy, La Rasse (site 22.4). En haut, plan du premier bâ-timent, en bois. En noir, le second bâtiment à soubassement en pierre. Les fondations en gris, sans doute des murs de soutènement d’une terrasse, semblent être pos-térieures (VIIIe-IXe siècle). Voir aussi fig. 92.

5 Le monde de la mort et la religion