• Aucun résultat trouvé

Le Moyen Âge et la Renaissance

Dans le document historiques expliquées Citations (Page 41-47)

Le Moyen Âge et la Renaissance

« Souviens-toi du vase de Soissons. »

CLOVIS, vers 486

Après la chute de l’Empire romain d’Occident en 476, plusieurs chefs de guerre se disputent ses lambeaux. Clovis, roi des Francs saliens, dirige un territoire situé tout au nord de la Gaule, avec pour capitale Tournai (en Belgique actuelle). Vers 486, à Soissons, il défait un rival, le roi Syagrius, et règne désormais sur le nord de la Seine.

L’évêque Grégoire de Tours raconte l’épisode un siècle plus tard dans son Histoire des Francs. Clovis ne s’était pas encore converti au christia-nisme mais entretenait déjà de bonnes relations avec la puissante Église de Rome. C’est pourquoi, après le pillage de toute la région qui avait suivi la victoire, il retrancha du butin un magnifique vase liturgi-que réclamé par un évêliturgi-que (peut-être Remi de Reims). Clovis s’adressa ainsi à ses troupes : « Je vous prie, mes braves guerriers, de vouloir bien m’accorder, outre ma part, ce vase que voici. » Furieux de voir cet objet de métal précieux échapper au tirage au sort, un soldat le frappa avec sa francisque : « Tu ne recevras ici que ce que le sort t’attribuera vraiment », lança-t-il par défi au roi, qui garda son sang-froid.

Le vase sacré fut sans doute bosselé (et non pas cassé), mais Clovis le renvoya à l’évêque. Un an plus tard, il passa ses troupes en revue. Recon-naissant le guerrier, il le sermonna : « Personne n’a des armes aussi mal tenues que les tiennes, car ni ta lance, ni ton épée, ni ta hache ne sont en bon état. » Aussitôt, il lui arracha sa hache, la jeta à terre puis lui fendit le crâne lorsqu’il se baissa pour la ramasser. Avec ce commentaire :

« Voilà ce que tu as fait au vase de Soissons. » Une variante simplifiée a connu un grand succès : « Souviens-toi du vase de Soissons. »

On a parfois vu dans cette scène un trait de rancune, voire de cruauté.

Sans doute Grégoire de Tours a-t-il voulu montrer de façon spectacu-laire le respect qu’avait ce roi encore païen pour les biens sacrés de l’Église. Et le sort réservé aux impies.

Citations historiques expliquées

« Courbe-toi, fier Sicambre. »

SAINT REMI, vers 496

Assez tardivement et sous la pression de sa jeune épouse Clotilde déjà convertie, Clovis choisit d’embrasser le catholicisme romain. Ses enne-mis sont aussi des chrétiens, mais ils appartiennent à la secte arianiste.

Le roi des Francs, c’est-à-dire des « Libres », fédérant plusieurs tribus germaniques, dont les fameux Sicambres, reçoit le baptême à Reims avec trois mille de ses guerriers, peut-être le jour de Noël 496.

À en croire Grégoire de Tours, l’évêque de Reims saint Remi aurait ainsi apostrophé le roi : « Courbe-toi, fier Sicambre. Adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. » En tout cas selon la traduction française habi-tuelle. Car dans le texte original en latin, Depone colla, Sigamber signifie littéralement : « Dépose tes colliers, Sicambre. » Peu importe. L’une comme l’autre version n’ont sans doute jamais été prononcées, mais expriment l’autorité morale de l’évêque (et donc de l’Église romaine) sur le roi.

La formule de la Nation

La phrase attribuée à l’évêque de Reims fut ânonnée par tous les écoliers de la IIIe République : par ceux de l’école laïque, d’abord, car elle montrait le moment édifiant où la nation française fut créée d’un coup par le geste de Clovis, une nation définitivement dissociée des brutes païennes de Germanie ; phrase récitée aussi par les élèves de l’école catholique, car elle prouvait que la nation française était bien la

« fille aînée de l’Église ».

À la fin du XIXe siècle, l’humoriste Alphonse Allais révéla enfin la fière réplique (si longtemps ignorée) de Clovis à saint Remi : « Cambre-toi, vieux si courbe… » L’honneur était sauf.

Source : Grégoire de Tours, Histoire des Francs, Livre II (gallica.bnf.fr).

Le Moyen Âge et la Renaissance

« Qui t’a fait roi ? »

ADALBERT, en 996

Adalbert (ou Aldebert selon d’autres manuscrits du Moyen Âge), comte de la Marche et du Périgord, défia, en l’an 996, le roi de France Hugues Capet en refusant de lever le siège de Tours. Le vassal insultait l’autorité de son suzerain.

Selon Adémar de Chabannes (un moine du Limousin ayant composé des chroniques avant 1030), le roi en colère adressa au félon ce rappel à l’ordre féodal : « Qui t’a fait comte ? » Adalbert retourna la question à Hugues Capet : « Qui t’a fait roi ? » Le comte lui rappela ainsi avec inso-lence la faiblesse de son pouvoir.

Hugues, duc des Francs, avait en effet été élu roi en 987 par une assem-blée composée de quelques grands barons du royaume. Mais il prenait la place du duc Charles de Lorraine, prétendant au trône issu de la dynastie carolingienne, c’est-à-dire un descendant de Charlemagne.

Près de deux siècles après son règne, l’empereur était devenu une figure légendaire et romanesque. Le prestige d’une ascendance carolingienne était immense. La légitimité capétienne (ou plutôt robertienne, le grand-père d’Hugues Capet, Robert Ier, ayant brièvement occupé le trône en 922-923) était donc contestée. Il avait pourtant été couronné à Reims selon le rite carolingien.

Le roi de France dut lutter contre une coalition de grands seigneurs ralliés au Carolingien. Hugues Capet prit la précaution de faire couron-ner son fils Robert II dès l’année de son élection. La dynastie capétienne s’installait ainsi sur le trône de France… avec deux rois.

Source : Adémar de Chabannes, Chroniques.

Citations historiques expliquées

« On ne prend pas le roi à la guerre, pas plus qu’aux échecs. »

LOUIS VI, en 1119

Louis VI a régné en France de 1108 à 1137. Il fut surnommé le Gros, mais aussi le Père des communes, le Justicier, l’Éveillé, ou encore le Batailleur ! Le 20 août 1119, il affronte le roi d’Angleterre et duc de Normandie Henri Ier Beauclerc sur le champ de Brémule (« crottin de mule »), dans l’Eure.

L’abbé Suger, principal ministre et biographe de Louis VI, reconnaît que le roi s’est jeté dans la bataille avec audace, mais sans discernement et surtout de façon totalement improvisée. Face à un dispositif anglo-normand bien ordonné, il est contraint de se replier dans son fief du Vexin, aux Andelys, en se reprochant sa propre légèreté. Un autre contemporain, le philosophe anglais Jean de Salisbury, ajoute cette anecdote : pendant le combat, un soldat normand réussit à saisir la bride du destrier royal, alourdi par la corpulence de son cavalier. « Le roi est pris ! », s’écria l’archer. Mais le roi l’abattit aussitôt d’un coup de masse d’armes, avec cette réplique : « On ne prend pas le roi à la guerre, pas plus qu’aux échecs. »

Belle répartie pleine d’esprit, mais curieusement absente chez Suger.

L’historiographe, si favorable à son maître, n’aurait pas manqué de la signaler afin de rehausser cet épisode peu glorieux. Le chroniqueur normand Orderic Vital, qui a pourtant mené une enquête minutieuse, indique seulement qu’un soldat normand s’empara de l’étendard de Louis. Peut-être Jean de Salisbury a-t-il recueilli ce mot après son instal-lation en France en 1136, puis inséré le dialogue dans sa satire politique Policraticus, rédigée en 1159. Mais on peut aussi penser que cette saillie de Louis VI, souvent citée, est un enjolivement littéraire. Salisbury n’a-t-il pas écrit : « Un roi illettré n’est qu’un âne couronné » ?

Sources : Jean de Salisbury, Policraticus.

Suger, La geste de Louis VI, ch. 30.

Orderic Vital, Histoire de Normandie, Livre XII (gallica.bnf.fr).

Le Moyen Âge et la Renaissance

« Tuez-les tous !

Dans le document historiques expliquées Citations (Page 41-47)