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Les premières représentations se trouvent essentiellement dans les manuscrits religieux. La Bible contient en effet les trois phénomènes qui nous occupent ici, permettant ainsi éventuellement de les représenter dans un même ouvrage. L'arc-en-ciel, quasiment 88

Pline, HN, Venetiis, Nicolas Janson, trad. Cristoforo Landino, 1476 ; Sénèque, Naturalium Quaestionum dans Oeuvres morales

absent des scènes du Déluge, est en revanche déjà très souvent représenté pour illustrer les passages du Jugement Dernier, servant de trône au Christ en majesté. La question de la comète dans les scènes de Nativité ou d'Adoration des Mages reste épineuse. Il s'agit de savoir selon quels critères iconographiques on peut déterminer si telle étoile ressemble à une comète ou non. On prendra donc le parti de s'intéresser aux étoiles représentées avec une sorte de queue ou des rayons la prolongeant.

Les sources religieuses

D'après les sources parvenues jusqu'à nous, les représentations bibliques de l'éclipse aux XIᵉ-XIIIᵉ siècles concernent l'Apocalypse. En effet, on n'a pas retrouvé d'éclipse de la Crucifixion. Le moment de l'Apocalypse le plus représenté est le passage de la Quatrième trompette.89 On en trouve un exemple très parlant dès le XIᵉ siècle avec le manuscrit dit Beatus de Saint-Sever qui est un commentaire de l'Apocalypse (fig. 4). Les deux astres sont représentés de façon claire, le soleil plus grand et de couleur dorée, et la lune comme une sphère plus petite et blanche. Pour mieux identifier les deux astres, les trois premières lettres de leur nom sont inscrites dans le tiers obscurci : « lun » et « sol ». La représentation annonce les éclipses telles qu'on pourra les observer par la suite : la lune et le soleil, côte à côte, différenciés par la couleur et éventuellement la taille. L'obscurcissement du tiers de la lune et du soleil est suggéré par du noir ou du moins une couleur sombre et renvoie directement au passage de la clarté à l'obscurité, faisant ainsi le lien avec le phénomène de l'éclipse (fig. 5,6,7)90. On perçoit d'ailleurs l'aspect négatif du phénomène : il s'agit ici d'une des « étapes » de l'Apocalypse avant le Jugement Dernier, et tout comme l'éclipse, cet obscurcissement est un des signes célestes de mauvais augure.

En revanche, la dimension négative de la comète que l'on retrouve pourtant dans les sources textuelles ne constitue pas (encore) un des sujets de sa représentation. Comme on l'a dit, ce qu'on peut envisager comme des représentations de comète est le plus souvent lié aux scènes de Nativité ou d'Adoration des mages. Il s'agit presque toujours de l'image d'une étoile pourvue d'une longue queue sinueuse, comme sur ce manuscrit turc du XVᵉ siècle (fig. 8) ou ce manuscrit bolonais de chants du début du XIIIᵉ siècle (fig. 9), ou encore prolongée par des rayons qui peuvent à la fois évoquer son 89

Théoriquement il ne s'agit d'ailleurs pas d'une éclipse, mais du soleil et de la lune qui sont chacun obscurcis d'un tiers. Pourtant, si on se fie aux descripteurs des folios numérisés, sur le site de la BnF par exemple, qui mentionnent une éclipse, et à la ressemblance de la représentation, on peut les considérer comme des représentations d'éclipses.

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mouvement -et donc l'idée de comète- et son rayonnement. On remarque une telle étoile dans un manuscrit des Heures à l'usage de Paris qui présente différents moments de la quête des Mages avec, chaque fois, l'étoile au dessus d'eux ; témoignant ainsi de son déplacement (fig. 10).

Comme on l'a vu, l'arc-en-ciel se retrouve dans le domaine religieux exclusivement dans sa dimension menaçante puisqu'il est surtout représenté dans le cadre du Jugement Dernier. Le Christ en majesté trône sur un arc-en-ciel tel que le décrit St Jean dans son

Apocalypse (IV, 3) :

« Voici, un trône était dressé dans le ciel, et, siégeant sur le trône,

Quelqu'un...Celui qui siège est comme une vision de jaspe et de cornaline ; un

arc-en-ciel autour du trône est comme une vision d''émeraude ».

Il devient ainsi un des attributs de sa puissance et de sa justice comme on peut le voir sur une représentation de la pesée des âmes au début du XVᵉ siècle (fig. 11).

Les sources scientifiques

A côté de l'iconographie religieuse, c'est dans le champ scientifique que l'on trouve la plupart des représentations. En effet, les manuscrits dits « scientifiques » constituent une part importantes des sources observées. On y trouve déjà des représentations de comètes et d'éclipses semblables à ce que l'on verra au XVIᵉ siècle, notamment avec les différentes éclipses de Regiomontanus (fig. 12) ou encore les observations de Paolo Toscanelli (1397-1482) à propos de la comète des années 1449-1450 (fig. 13). Cette dernière image est notable par la présentation de la comète qui ressemble davantage à une étude de constellation. Il y a certes un fossé entre les représentations scientifiques et celles qui se veulent moins rationnelles. Un manuscrit scientifique du XIIIᵉ siècle présente cependant une enluminure française avec une comète ( identifiée par le texte encadrant la miniature) qui correspond aux mêmes codes iconographiques que l'on a pu recenser dans certaines scènes religieuses. (fig. 14).

Les sources profanes

Les références antiques sont nombreuses ainsi que les chroniques évoquant l'apparition de tels phénomènes : un manuscrit du XVᵉ siècle mettant en scène Sulpicius Gallus91 rassurant ses troupes devant l'éclipse en est un bon exemple. L'éclipse y figurant est plutôt réaliste et diffère complètement de celles qu'on a pu observer précédemment : la lune est obscurcie de moitié mais sans les séparations géométriques qui caractérisaient les tiers obscurcis lors de la Quatrième trompette. Dans le même esprit on peut citer la 91

représentation d'Alexandre regardant l'éclipse avec ses troupes, une éclipse cette fois exprimée par une sphère obscure au milieu du bleu sombre et nuageux du ciel (fig. 15). Le caractère néfaste du phénomène est confirmé par la présence d'une éclipse illustrant les présages des malheurs du monde (fig. 16). Cette représentation se rapproche de nouveau de celles que l'on peut trouver dans les traités d'observation. D'autre part, on trouve toujours l'arc-en-ciel en tant que symbole de l'intervention d'Iris, comme dans cette Eneide de 1458 lors de l'incendie de la flotte troyenne (fig. 17) : on note que cet arc-en-ciel n'est pas réaliste ; il n'a que trois couleurs et le bandeau central est démesurément large.