Nous ne reviendrons pas sur l'illustration des textes bibliques et mythologiques, référés précédemment174
, cette catégorie d'images allant de soi. En revanche nous allons nous pencher ici sur les images issues de l'observation de ces phénomènes. Cette observation semble logique dans des documents tels que les Mémoires de Claude Haton qui relate des événements vécus et y adjoint quelques dessins pour figurer la comète qu'il a vue (fig. 94). Il en va de même avec les multiples représentations de l'apparition de la
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comète de 1577175. Pourtant, une fois encore, la démarche n'est pas la même. L'exemple de la comète de 1577 est un des plus parlant car son apparition a été très longue et vue dans de nombreux pays. Elle a suscité nombre de peurs et de pronostications catastrophiques, et a donc fait l'objet de nombreux canards, prédictions et représentations par ses contemporains (fig. 94, 101). On trouve de nombreuses descriptions du passage de cette comète chez les chroniqueurs, tel Pierre de l'Estoile (1546-1611) dans ses Mémoires : Journal pour le règne de Henri III176. Il s'agit d'un journal des événements marquants de son époque qui, initialement, n'était pas destiné à être publié. Il relate l'apparition de la comète de 1577 et les réactions qu'elle suscita :
« Le jeudi sept novembre, commença à paraître une comète vers le midi, dont la queue fort longue tirait vers l'orient estival. Elle levait avec la lune, peu après le soleil couché, et s'abaissait sous l'horizon sur les neuf ou dix heures du soir, et fut vue quarante jours. Ces fols d'astrologues disaient qu'elle présageait la mort d'une reine ou de quelque grande dame, avec quelque remarquable et insigne malheur. »177
De même, Jacques-Auguste de Thou (1553-1617), dans son Histoire Universelle, rend compte de l'ampleur du phénomène :
« L'évènement le plus surprenant fut l'apparition d'une Comète la plus terrible qu'on eut encore vüe jusqu'alors. Sa queue était tournée vers l'Occident, et elle s'étendait plus de trente degrés dans le ciel, semblant embrasser les signes du Sagittaire et du Capricorne. Les plus habiles astronomes de notre siècle écrivirent sur cette matière et prétendirent qu'elle était placée dans le ciel des étoiles, et non pas dans la région élémentaire.[...] On a toujours regardé ces sortes de phénomènes comme des présages de la mort de quelques grands... »178
Ces descriptions constituent le pendant des représentations « sur le vif » de cette comète qui a tant marqué les esprits.
L'apparition d'un phénomène céleste est le prétexte de discours alarmistes concernant l'avenir et l'annonce de manifestations de la colère divine. Cette iconographie spontanée des phénomènes célestes se trouve essentiellement dans le cadre d'apparition de comète car l'arc-en-ciel, trop fréquent, ne se prête pas à ce type de pronostication. De même, 175
Seguin 1964 : liste des canards concernant cette comète : « Discours de la comete commencee à apparoir sur Paris le XI jour de novembre 1577 à 6h du soir », Lyon, Benoist Rigaud, 1578, fig. au titre et en fin de texte ; « Discours sur la noble comete apparue à Venise au mois de novembre 1577 », Lyon, J. Patrasson, 1578, fig au titre et au fol 8v ; « Discours sur la comette apparue l'an mille cinq cent septante sept ès terres de Ferrare », Lyon, J. Patrasson, 1578, fig au titre...
176
Pierre de l'Estoile, Journal de l'Estoile pour le règne de Henri III, (1574-1589), Paris, Louis Servin, 1621
177
Mémoires. Journal de l'Estoile pour le règne de Henri III, Paris, NRF Gallimard, coll. Au temps présent, 1943, p. 155.
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l'éclipse suscite déjà moins de craintes et est surtout représentée de manière sommaire dans les almanachs dans lesquels on la prédit pour l'année à venir.
Ces observations peuvent cependant être reprises par des chroniqueurs postérieurs et la même comète peut faire l'objet d'écrits et de représentations bien après son apparition. C'est le cas de la comète de 1527-1528179qui, on l'a vu, a été représentée et commentée dans une plaquette contemporaine par Peter Creutzer pour ensuite être reprise trente ans après par Conrad Lycosthènes, puis par Pierre Boaistuau encore dix ans plus tard pour finir par être décrite par Ambroise Paré en 1573 (fig. 90-93). La comète de 1527 fait ainsi l'objet d'une première représentation née d'une observation sur le vif pour ensuite être reprise en tant qu'évènement marquant au cours des années suivantes. Même si l'illustration n'a que peu évolué, voire s'est réduite à une simple récupération du bois gravé, la comète de 1527 est devenue un repère historique clef. Elle fait d'ailleurs l'objet d'une description dans Des Monstres et prodiges de Ambroise Paré180
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On assiste donc à l'évolution de la représentation : la démarche change au fur et à mesure de la réutilisation des représentations. Peter Creutzer offre un témoignage d'une observation faite sur le moment d'un événement vécu, puis Lycosthènes s'en sert dans le cadre de son Prodigiorum ac ostentorum chronicon dans une visée à la fois astrologique et historique ; il rend compte des événements notables de l'époque. Boaistuau le reprend ensuite à son compte dans le cadre de caractère fictif de ses Histoires Prodigieuses où l'on trouve surtout des avertissements eschatologiques faits aux pécheurs répondant aux croyances populaires. Enfin Ambroise Paré s'en sert comme élément permettant de comprendre certains faits, comme la multiplication des maladies et des morts à cette époque-là. Ce faisant, il répond au besoin du XVIᵉ siècle d'expliquer le monde.
Le geste de la représentation s'avère donc révélateur de la fonction sociale que peuvent avoir de telles images : leur perception confirme leur indéniable impact dans les esprits.
L
E DISCOURS DES IMAGESMais allons plus loin dan notre analyse. Voyons ce que ces représentations dévoilent sur les hommes et l’époque où ils vivaient. En effet, la simple approche esthétique de ces images ne suffit pas, il faut aller au-delà.
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La date varie selon les sources mais il semble bien qu'il s'agisse de la même comète.
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