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69 Le Mouton en tant que modèle d’étude des encéphalopathies subaiguës spongiformes

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transmissibles

Les maladies à prions ou encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles sont des maladies neurodégénératives d’incubation longue, systématiquement fatales, se caractérisant cliniquement par des déficits moteurs et sensoriels et microscopiquement par la présence de petites vacuoles rondes dans les corps cellulaires neuronaux et dans le neuropile (spongiose) associée à une importante gliose et une perte neuronale.

Ces encéphalopathies ont été décrites chez l’Homme et différentes espèces animales sauvages et domestiques. Les ESST humaines comprennent la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), le syndrome de Gerstmann-Straussler-Scheinker (GSS), l’insomnie fatale familiale et le Kuru. Il existe plusieurs formes de la MCJ : la MCJ sporadique (sMCJ, aucune cause connue); la MCJ familiale (fMCJ, héréditaire); la MCJ iatrogène (iMCJ, associée à un traitement, une transfusion ou une greffe) et la variante de la MCJ (vMCJ, associée à l’exposition à l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)). Les ESST animales incluent notamment l’ESB des bovins et la tremblante des petits Ruminants. Qu’elles soient spontanées, génétiques ou acquises, les ESST ont toutes le potentiel d’être transmissibles.

Selon l’hypothèse du prion, aujourd’hui unaniment reconnue par la communauté scientifique pour expliquer la pathogénie de ces maladies, les ESST seraient dues à l’accumulation dans le système nerveux central d’une particule protéique infectieuse : l’isoforme pathologique de la protéine prion endogène (PrPc, c pour cellulaire) principalement exprimée à la surface des neurones. La forme anormale de la protéine prion est communément appelée « PrPsc » (Sc faisant référence à scrapie, le terme anglais pour désigner la tremblante des petits ruminants) ou « PrPres » car la conformation anormale de cette protéine lui confère la particularité de résister partiellement à la digestion par les protéases [110]–[112]. La taille des fragments obtenus après digestion protéolytique de PrPsc peut varier selon les isolats, ce qui semble indiquer qu’il existe différentes souches de prion pour une même espèce hôte. La protéine prion est codée par le gène PRNP dont la séquence est hautement conservée chez les animaux et l’Homme.

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Cela fait aujourd’hui presque trois siècles que les premières descriptions de la tremblante du mouton ont été réalisées. Cette maladie ayant fait l’objet du plus grand nombre de recherches, elle constitue un modèle d’étude pour les autres ESST notamment la MCJ. Du fait de la capacité de la tremblante à franchir la barrière d’espèce, les chercheurs ont réussi à transmettre différentes souches responsables de cette maladie à des modèles murins, plus faciles à étudier et moins coûteux que le modèle ovin. Ces modèles murins ont été très utiles pour caractériser et élucider certains mécanismes moléculaires et pathogéniques qui déterminent la progression de la maladie, mais ils restent toutefois limités. Par exemple, c’est le modèle ovin qui s’est avéré essentiel dans l’évaluation de la transmission iatrogène de la maladie en utilisant des études de transfusion sanguine qui auraient été physiquement impossibles à réaliser sur modèle rongeur [104]. Par l’utilisation de ce modèle, les responsables de la santé publique ont pu être alertés sur le risque de transmission iatrogène des ESST lors de transfusion de sang ou de plasma provenant d’un donneur apparemment en bonne santé.

La tremblante, comme la forme sporadique de la MCJ, peut être causée par différentes souches de prion [113], [114] Ces souches se distinguent par la durée du temps d’incubation, la localisation intra-cérébrale de PrPsc et des lésions associées, et la signature biochimique de PrPsc obtenue après digestion protéolytique et analyse Western-blot de la fraction résistante. Ainsi, il existe deux formes de tremblante : une forme qualifiée de « classique » et une forme « atypique », les premiers cas de cette dernière ont commencé à être détectés il y a vingt ans [115]. Le phénotype des deux formes est dissemblable tant sur le plan clinique que sur le plan anatomique (i.e. distribution spatiale des lésions intra-cérébrales). Les souches de PrPsc responsables de la forme atypique se différencient de celles responsables de la forme classique par la présence caractéristique d’une bande de faible poids moléculaire (inférieure à 15 KDa) lors d’analyse Western-blot consécutive à un traitement protéolytique [116], [117] Les lésions microscopiques du système nerveux central observées lors de tremblante sont communes à toutes les ESST, il s’agit de la vacuolisation des corps neuronaux et du neuropile (spongiose), la multiplication des astrocytes (astrogliose) et la mort neuronale. Les plaques amyloïdes correspondant à l’accumulation de la protéine PrPSc observées dans le système nerveux central lors d’ESST humaines, ne sont que rarement retrouvées chez les

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moutons atteints de tremblante. La distribution spatiale des lésions diffère selon la forme de tremblante. Dans la forme classique, elles sont préférentiellement localisées dans le tronc cérébral, notamment la moelle allongée au niveau de l’obex dans laquelle sont situés le noyau moteur dorsal du nerf vague, le noyau cunéiforme latéral, le noyau du tractus spinal du nerf trijumeau, le noyau olive et les noyaux de la formation réticulaire. Dans la forme atypique, la spongiose est de faible intensité et touche plus particulièrement le cervelet et le cortex cérébral [115].

Les mécanismes pathogéniques qui déterminent la propagation des différentes souches de prions au sein de l’encéphale ne sont encore pas clairement élucidés. Dans ce contexte, l’utilisation de l’IRM dans le modèle ovin infecté expérimentalement avec différentes souches de prions et étudié à différents temps d’évolution de la phase clinique apparaît comme une stratégie intéressante. Non seulement l’IRM permettrait l’examen non- invasif d’un même animal au cours du temps, mais il est aussi probable que les séquences pondérées en diffusion soient capables de mettre en évidence chez l’animal les zones cérébrales spécifiquement atteintes. En effet, l’IRM de diffusion est une modalité essentielle dans le diagnostic différentiel des syndromes démentiels à progression rapide chez l’Homme; elle permet d’identifier les patients atteints d’ESST avec plus de sensibilité que l’électroencéphalogramme. Une restriction de diffusion au sein de structures de substance grise spécifiques, révélée par l’analyse des images pondérées en diffusion et des cartes paramétriques issues de la DTI (cartes de MD et FA), est caractéristique des maladies à prions [118], [119]. Ces structures spécifiques sont le néocortex, le striatum, le thalamus et le cortex limbique. Le pattern d’atteinte de ces structures varie selon le type et la forme de la maladie à prions. Par exemple, la restriction de diffusion touche préférentiellement le cortex limbique chez les patients atteints du syndrome de GSS; elle affecte plutôt le néocortex, le striatum et le thalamus chez les patients atteints de MCJ. Lors de sMCJ, le néocortex et le striatum sont plus fréquemment atteints que le thalamus alors que c’est l’inverse pour les patients atteints de vMCJ [118], [120]. Les modifications de la substance grise objectivée en IRM de diffusion seraient dues aux vacuoles intracellulaires qui entraînent une hypertrophie du périkaryon et des neurites et conduisent ainsi à une restriction du mouvement des molécules d’eau dans le compartiment extracellulaire, mais également à la gliose et au dépôt de protéine prion [121]. Les paramètres issus de la DTI seraient également capables de déceler des modifications fonctionnelles au sein de la substance blanche (altérations du transport axonal) [119].

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Les différents paramètres issus de l’imagerie du tenseur de diffusion apparaissent donc comme de potentiels outils d’intérêt pour étudier la propagation de la protéine prion anormale dans le modèle ovin expérimentalement infecté par différentes souches de prions responsables de la tremblante.

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