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Des motivations de visionnage communes et prédominantes malgré une certaine culpabilité

Partie 4. Discussion finale

4.2 Des motivations de visionnage communes et prédominantes malgré une certaine culpabilité

4.2.1 Une envie de programmes divertissants

Notre étude nous a permis de repérer un goût prononcé des jeunes pour le divertissement. En effet, c'est l'élément principal qu'ils nous donnent pour expliquer ce qui leur plaît dans ces émissions. Cela n'est pas étonnant, comme Sylvie Octobre (2014 : 92-93) le souligne, les jeunes privilégient le divertissement dans leurs loisirs au détriment de la culture légitime.

François Jost (2009 : 59), comme Dominique Mehl (2003), explique l'attirance des jeunes envers la télé-réalité par la proximité culturelle entre les participants aux émissions et la société juvénile et la mise en avant de l'immaturité des candidats. Cet élément s'est également retrouvé dans nos entretiens : les enquêtés ont rapproché le côté divertissant du programme à l'immaturité des candidats et aux « bêtises » qu'ils peuvent faire. Il semble bien que cette proximité soit un facteur important de l'attirance du jeune public pour ces programmes.

Notre recherche a fait émerger un intérêt particulier des jeunes pour les situations de conflit qu'ils trouvent assez réjouissantes. Ces disputes sont fréquentes dans les programmes et sont un paramètre essentiel de l'attirance des jeunes pour la télé-réalité. Elles sont le sel de ces programmes. Notre état de la question avait déjà fait part de ce constat. Dans son enquête auprès de lycéen, Sophie Jehel (2015) avait remarqué l'intérêt des jeunes pour le conflit et l'intimité des candidats. Or, dans nos entretiens, nous avons aussi vu que les jeunes font un lien entre les histoires d'amour et les disputes, ce qui nous montre bien l'intérêt qu'éprouvent les jeunes à pouvoir observer l'intimité des participants. François Jost (2009 : 63) cite lui aussi, les histoires d'amour, les disputes et les déceptions dans les causes de l'attraction du public envers la télé-réalité. Nous avons aussi pu noter que cet attrait pour le conflit en amène un pour la gestion de celui-ci : nos enquêtés sont curieux de savoir comment les problèmes vont se résoudre.

Le suspens et le dynamisme des émissions sont d'autres ingrédients faisant le succès de la télé-réalité auprès de nos enquêtés. Sans forcément l'expliquer, ils distinguent le suspense entretenu par le programme et comprennent qu'il fait partie de l'intérêt qu'ils éprouvent pour l'émission. Selon Sylvie Octobre (2014 : 198), le spectateur aime regarder les programmes proposant un format feuilletonnant qui amène du suspense.

enquête sous la forme d'une adhésion à certaines valeurs néo-libérales mises en valeur dans les émissions. C'est le côté « stratégique » présent dans les émissions. La stratégie ici, correspond aux dispositifs que met en place une personne pour arriver à son but, gagner. Ça peut aller de l'alliance, en passant par le mensonge pour arriver à la trahison. Sophie Jehel (2018) avait déjà repéré le fait que sous couvert de stratégie, les coups bas et les trahisons semblent justifiés dans ces programmes. Le risque était pour elle, que les jeunes se familiarisent avec ces nouveaux codes régulant les rapports sociaux dans les émissions de télé-réalité. Elle apparaît pour ces chercheurs (Tremblay, 2006 et Jehel, 2018) comme une fabrique de normes conformes à l'idéologie néo-libérale.

4.2.2 Un regard ambivalent porté par les jeunes sur la télé-réalité

Cependant, malgré tous ces côtés attrayants trouvés dans ces programmes, les jeunes les condamnent en partie. Dans notre étude, cela apparaît sous deux formes. D'une part, ils blâment le côté peu intelligent du programme et d'autre part, ils reconnaissent que ces programmes ne donnent pas une bonne image des jeunes. En effet, Jean-Pierre Esquenazi (2002) rappelle qu'une grande partie de la population a intégré un discours social dévalorisant sur la télévision. Nos enquêtés font partie de ceux-là. Dans leur cas, le discours socialement accepté sur les programmes peut être représenté par celui que leurs parents vont émettre dessus. Plusieurs chercheurs ont opéré ce même constat chez les spectateurs de télé-réalité. Notre étude s'accorde avec celle d'Elodie Kredens (2008) et celle de Sophie Jehel (2015) sur ce point là : il y a un paradoxe chez le téléspectateur entre le plaisir pris à regarder et le sentiment de gène que cela peut entraîner. En d'autres termes, les jeunes portent un regard ambivalent sur la télé-réalité. Celui-ci engendre un sentiment de malaise (Jehel, 2015) chez les jeunes. Pour en sortir, certains justifient regarder en se retranchant derrière le fait que quelques émissions de télé-réalité mènent des projets pour récolter des dons pour des associations. Ce résultat est commun entre la recherche de Sophie Jehel (2015) et la nôtre. Le second malaise qu'elle évoque dans sa recherche se confirme aussi dans la nôtre : bien que les adolescents enquêtés ont conscience que les émissions de télé-réalité donnent une mauvaise image des jeunes, cela ne les empêche pas de s'identifier aux candidats ou bien de s'imaginer dans les situations qu'ils observent dans ces émissions. En d'autres termes, cette distance observée est remise en question par la propension à l'identification constatée chez les jeunes enquêtés. C'est pourquoi Sophie Jehel a considéré ses distances (reconnaissance du manque de légitimité de ces programmes et repérage de la mauvaise image des jeunes diffusée dans ces émissions) comme des « pseudo-distances ».

Le manque de légitimité culturelle de la télé-réalité entraîne chez les spectateurs un sentiment de culpabilité. Elodie Kredens (2008) a élaboré une typologie de « stratégies de neutralisation » de cet effet discréditant. Elle propose quatre stratégies types : « le mimétisme », « la relativisation »,

« le paradoxe » et « le mensonge ». Lors de notre étude, nous avons remarqué qu'une de ces stratégies est privilégiée par les collégiens, celle de la « relativisation ». Cependant, elle peut prendre plusieurs formes. La première est une atténuation de son investissement dans le visionnage, l'enquêté regarde car il n'a « rien d'autres à faire », « pour passer le temps ». La deuxième forme équivaut à dire qu'il n'y a rien d'autre d'intéressant à la télévision aux heures de diffusion des programmes. La troisième et dernière forme observée correspond à justifier regarder car un autre membre de la famille a choisi de regarder cette émission. Le spectateur cherche donc à se désengager du fait de regarder pour ne pas souffrir de l'image négative associée au programme qu'il regarde.

4.3 Un questionnement autour de télé-réalité peu approfondi mais présent