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motivation et exploration

Nous l'avons dit précédemment, le hack n'est pas une pratique récente.

Ce n'est finalement qu'un mot utilisé pour définir une façon d'envisager un problème et d'y trouver une solution.

Le second élément à prend re en considération est plus important encore : c'est le temps. Le temps passé à hacker un tel périphérique inclut l'étude, l'ana­

lyse, les essais, l'implémentation finale et éventuellement la documentation décrivant le hack. En prenant tout cela en considération, pensez-vous que le hack soit effectivement plus économique que l'acquisition d'un système d'affichage dédié ? Un autre exemple est celui des NAS. Ceux-ci sont potentiellement tous des serveurs miniatures. Sans base documentaire aucune, prendre le temps de construire un système complet utilisant pleinement les fonctionnalités

Un hack n'est pas spécifique à l'informatique, il peut s'appliquer à de nombreuses choses, Ici, le pont de Miles Glacier ayant subi une réparation de fortune suite à un tremblement

de terre. En anglais, on parlera alors de « kludge ii en lieu et place de « hack ii.

42 O pe n Sil ic iu m Magazine N°4 www.ope ns ili c iu m.com

Hackers, hacks et hacking : mise au point HAC KS

Régulièrement, les hackers de toutes sortes se réunissent pour partager leur savoir et échanger des connaissances. Ce genre de manifestations couvre bien des domaines et

est généralement un lieu de rencontre où se mélangent bidouille urs, pirates et forces de l'ordre.

On peut ainsi regarder l'histoire avec un œil différent et en particulier les inno­

vations techniques de l'espèce humaine.

Lorsqu'on comprend que le hacking n'est finalement rien d'autre que le fait de dépasser les limites qui semblent imposées et ainsi apporter une solution novatrice à un problème ponctuel ou chronique, on se rend compte que notre histoire est finalement ponctuée de hacks. Il devient même légitime de se demander si le hack n'est pas la seule façon d'innover et de faire progresser nos connaissances.

Aujourd'hui. alors que de plus en plus de produits existent pour régler les petits problèmes de tous les jours, les consommateurs perdent l'habitude de regarder au-delà de ce qu'on leur propose et de ce qu'on leur vend. Ils développent ainsi une dépendance à la technologie bien plus forte et dangereuse que celle des passionnés, qui eux, ont une relation plus interactive avec leur domaine de prédilection.

C'est là une habitude qui s'installe et qui découle directement d'une certaine accoutumance au confort. Nous avons dans

nos vies des objets pour chaque usage : un four micro-ondes pour réchauffer les aliments, des plaques vitrocéramiques pour cuire et cuisiner, des machines à café pour nos breuvages énergisants, des réfrigérateurs pour conserver les den­

rées, etc. Pourquoi diable devrions-nous détourner l'un de ces appareils de son usage initial ? Pourquoi donc tenter de le faire réparer (ou le réparer sOi-même) si l'opération est plus coûteuse que l'achat d'un nouveau produit, au même prix, qu'on nous jure plus efficace, mais pas forcé­

ment plus robuste ? D'autres utilisateurs, disposant de moins de ressources que nous, ne se posent pas ces questions. Il ne peuvent pas se le permettre ...

IJJugaad

Dans les pays industrialisés, le hacking est une activité intellectuelle, pratiquée par une minorité de ·la population.

Ailleurs, cette capacité à trouver des solutions « avec ce qu'on a », n'est pas un sport cérébral ou une forme d'artisanat ludique, mais une affaire de survie.

Le terme «jugaad » nous vient d'Inde, où il désigne plusieurs choses. Les diffé­

rences linguistiques et culturelles entre nous et l'Inde rendent difficile la simple traduction, à l'instar de celle de « hack » en français (<< bidouille » est péjoratif,

« bitouille » simplement ignoble, etc.).

Le terme peut ainsi désigner principa­

lement deux choses. La première est un véhicu le généralement construit intégralement autour d'un moteur diesel initialement utilisé pour les pompes à eau des installations agricoles. Il s'agit de moyens de transport économiques, partagés entre plusieurs voyageurs et qui sont destinés au transport d 'une

vingtaine de personnes ou plus. Se

déplaçant généralement à une vitesse pouvant aller jusqu'à 60km/h, ils sont dépourvus de tous systèmes de sécu­

rité modernes et ne respectent aucune norme en vigueur. Ils sont également réputés pour freiner assez mal, via des dispositifs tout aussi artisanaux que le reste du véhicule.

Devenus très courants, en particulier dans les petits villages d'Inde, ils échap­

pent à toute tentative de réglementation et peuvent être tout aussi bien utilisés pour les transports scolaires que pour celui de marchandises ou de matières premières. Ces véhicules improvisés, fabriqués avec les moyens du bord, sont une réponse à un besoin d'une population disposant de peu de ressources,

Mais jugaad désigne plus que cela et englobe également toutes les réalisations de même nature. Jugaad en tant que désignation d'un moyen de transport n'est pas généralisé à l'ensemble de l'Inde, mais le sens pratique qui y est associé est lui connu mondialement. En finance, par exemple, on parle parfois de jugaad comme la « voie indienne », désignant ainsi la capacité d'innover et de créer ce dont on a besoin avec ce qu'on a sous la main. De plus en plus, cette philosophie trouve sa place pour réduire les coûts de R&D et de production dans les pays semi-industrialisés, qui inspirent ainsi le reste du monde. Juggad, dans ce contexte, est associé à d'autres pratiques comme le frugal engineering

NEWS 1 LABO 1 MOBILITE 1 SYSTEME 1 EN COUVER UR 1

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Le périphérique Kinect de Microsoft, initialement destiné à la console Xbox 360, a fait l'objet de nombreux hacks. Suite au lancement d'un concours dans des circonstances

qui restent étranges (intervention d'un membre de l'équipe de développement du produit), ce périphérique s'est vu doté d'un pilote open source pour Linux en moins d'une

semaine grâce au hacker Hector Martin.

(également appelé gandhian enginee­

ring) visant à réduire un processus de fabrication, ou un produit complexe, en petits éléments simples pour ensuite tout ré-assembler de la façon la plus économique possible. L'idée, telle que mise en œuvre par Tata Motors pour sa Nano, la voiture la moins chère du monde, est d'aller à l'essentiel et le plus simplement possible de manière à créer plus à partir de moins et ce, pour le plus grand nombre.

La principaJe différence entre le jugaad et le hack réside dans la motivation.

Construire un véhicule de toutes pièces avec des restes, combiner les éléments de deux réfrigérateurs différents pour obtenir un appareil fonctionnel ou encore adapter de force une pièce conçue pour un autre modèle mécanique, sont autant d'exemples découlant de la nécessité, du besoin et de l'absence de choix et de ressources.

La fractu re entre les pays comme l'Inde et l'Europe, par exemple, est énorme car chez nous, rien ne nous oblige réellement à comprendre comment fonctionnent les objets qui nous entourent et la majorité des consommateurs se contentent de céder à des habitudes insufflées par les lois de la consommation. Les habitants des pays industrialisés, comme le nôtre, sont incités à jeter et remplacer, car c'est l'obsolescence p�ogrammée qui maintient, en grande partie, l'équilibre du système.

Il Conclusion (temporaire)

Temporaire c'est le mot, car force est aujourd'hui de constater que des habitudes sont prises par les consommateurs, incités à remplacer plutôt qu'à réparer. La répa­

ration d'un produit revient à comprendre son fonctionnement et donc à étudier la logique mise en œuvre par les concep­

teurs du produit. C'est la première étape d'un hack. Parfois, la réparation n'est pas prévue par le constructeur, ni souhaitée d'ailleurs. Il faut alors franchir une nou­

velle étape du hack consistant à adapter la pièce de rechange à l'appareil réparé. Le plus souvent, avec un baladeur MP3 par exemple, il est possible de trouver la pièce correspondante et ce ne sera finalement pas un hack, même si l'effort est bien là (essayez d'ouvrir un iPod G3, vous verrez).

Dans d'autres cas, il faudra un travail plus long. Si vous insistez, en dépit du temps que cela vous en coûtera, et que vous réussissez, votre réparation sera peut-être un hack. Si vous tentez l'opération alors que le matériel fonctionne correctement, pour adapter une batterie de plus forte capacité, ce sera certainement un hack.

Le hack n'est pas une affaire de génie mais d'astuce, d'ingéniosité et de curiosité. Malheureusement, dans bien des domaines, le hack nécessite de plus en plus de connaissances, à mesure que la technologie progresse, bien sûr, mais

A N I DO OTIQUE 1 RESEAU 1

également à mesure que les produits intègrent de plus en plus de mécanismes visant à l imiter les possibilités de répa­

ration et donc de hack. N'avez-vous pas remarqué ? Certains laptops ne permettent plus le remplacement de la batterie qui pourtant est un élément qui se dégrade bien plus vite que le reste de l 'appareil.

C'est également vrai pour les baladeurs et les téléphones, mais pas seulement.

Dans un tout autre domaine, demandez à votre garagiste, par exemple. Révolue semble bel et bien être l'époque où tout un chacun pouvait réparer et entretenir presque intégralement son véhicule à la maison, seul ou aidé d'une connaissance.

Alors qu'on nous parle de développement durable, de limiter les rejets et d'aller vers plus de recyclage, on nous empêche d'ap­

préhender pleinement le fonctionnement des outils et des technologies qui nous entourent et nous aidE:.nt. Pourtant, rien ne pourrait correspondre davantage au recyclage que la réparation de nos biens.

Et étrangement, ce sont dans les pays où finissent le plus souvent nos produits partiellement défectueux. que la population, n'ayant pas le choix, met en œuvre un art et un savoir-faire qui peu à peu nous échappe ou ne vit plus que dans de rares groupes de personnes.

Ceux-là mêmes qui sont relégués au rang d'originaux ou de bidouilleurs fous sinon de pirates et de nuisibles, du simple fait d'un raccourci l inguistique stupide et motivé par la fainéantise de faire une quelconque distinction.

Cette conclusion est donc bel et bien temporaire, car Jaime à croire que nos ressources n'étant finalement pas illimitées, le moment viendra où le savoir acquis par le hacking et I"exploration de ce qui nous entoure nous sera bien utile et où le fait de concevoir des produits plus facilement hackables s'imposera naturellement. D'ici là, nous devrons continuer à défaire ce que d'autres font avant de pouvoir amél iorer les technologies qui remplissent nos vies. Si le défi est de plus en plus difficile à relever, le prix n'en sera sans doute que plus grand. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, paraît-il...

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