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CHAPITRE 5 DISCUSSION GÉNÉRALE

5.5. D YNAMIQUE DE LA POPULATION

5.5.2. Mortalité

Les mâles montrent des mortalités plus élevées que pour les femelles, de 30 à 50%, selon la méthode) à BSM et de 20 à 30% à HSP. Au Svalbard, Birkely et Gulliksen (2003a) ont calculé des mortalités un peu plus élevées, mais dans le même ordre de grandeur. Ces auteurs ont également trouvé que la mortalité totale chez les mâles (0,41 an-1) est deux fois plus élevée que chez les femelles (0,19 an-1), une différence plus marquée que ce qui a été trouvé dans le nord du golfe du Saint-Laurent. Également pour N. antarcticus, une espèce antarctique non exploitée chez qui la mortalité chez les mâles (0,92 an-1) est deux fois plus important que celui des femelles (0,44 an-1) (Bluhm et Brey, 2001). Cependant, la mortalité demeure nettement plus faible chez ces deux espèces comparées à la population non exploitée de C. crangon dans la mer d’Irlande (Z = 3,4 - 3,6 an-1 ; Oh et al., 1999).

Dans notre étude, la méthode empirique de Pauly a présenté des taux de mortalité plus élevés que ceux obtenus par la méthode de Taylor. La première a utilisé une température du milieu et, dans notre cas, une température moyenne annuelle estimée à partir des données couvrant 30 m de profondeur à partir de la base de données de Dutil et al. (2012). La seconde est basée sur des paramètres croissance estimés à partir de données ponctuelles. La méthode de Taylor demeure plus robuste du fait que la méthode de Pauly est reconnue pour surestimer les valeurs de mortalité naturelle (Sparre et Venema, 1996). De plus, la température choisie n’est peut-être pas appropriée, pusqiu’elle ne couvre pas, par exemple, la totalité de l’aire de distribution de l’espèce. Cependant, l’utilisation de deux méthodes a l’avantage de fournir un intervalle de la valeur de la mortalité pour la population de S. boreas dans le nord du golfe du Saint-Laurent.

La croissance et la survie des mâles de S. boreas sont sans doute reliés (Gab-Alla et al., 1990). La stratégie de quête pure, si répandue chez les Crangonidés, pourrait expliquer les taux de mortalité élevés fréquemment observés chez les grands mâles (Bluhm et Brey, 2001 ; Birkely et Gulliksen, 2003). En effet dans un système d'accouplement de quête pure, la vulnérabilité à la prédation chez les mâles n’est probablement pas corrélée à une

augmentation de la taille. Les mâles matures ont probablement de la difficulté à minimiser la menace de prédation du fait de leur dispersion et de leur recherche active de femelles réceptives à l’accouplement (Correa et Thiel, 2003 ; Lacoursière-Roussel et Sainte-Marie, 2009 ; Guay, 2011). Ils sont défavorisés par des coûts élevés d'entretien et de locomotion qu’ils investissent dans leur quête comparés aux mâles de petite taille qui sont plus agiles et alertes et peuvent plus facilement échapper à la prédation. Les femelles étant probablement moins sélectives et passives dans leur choix de partenaires peuvent être moins vulnérables à la prédation (Guay, 2011). De plus, le comportement qu’elles adoptent lors de la reproduction (peu mobile lors de l’incubation) peut également les soustraire aux prédateurs. La présence d’épibiontes peut témoigner de leur habileté à se camoufler et l’absence de ceux-ci chez les mâles ne permet pas d’identifier ce comportement.

Toutefois, des études ont rapporté que les individus de petite taille de C. crangon et C. septemspinosa sont les plus susceptibles à subir une mortalité par prédation (Siegel et al. 2008 ; Lasley-Rasher et al., 2015) Dans le cas de C. septemspinosa, une étude portant sur analyse d’une grande série temporelle de contenus stomacaux de poissons démersaux dans le nord-est des États-Unis a révélé qu’au début du printemps, cette espèce devient une proie principale pour des Gadiformes dans les eaux côtières et peu profondes (Lasley-Rasher et al., 2015). Le changement spatial et temporel observé dans le régime alimentaire des Gadiformes a été attribué aux mécanismes de migration bien connue chez cette espèce (Corey, 1981, Modlin, 1980). En effet, C. septemspinosa devient une ressource abondante dans les milieux littoraux au début du printemps soit bien avant la floraison printanière des eaux peu profondes et côtières et bien avant l’éclosion de ses larves (Price, 1962 ; Modlin, 1980). En l’absence de migrations, on suppose que la croissance asynchrone chez la population de C. septemspinosa pourrait expliquer les petites tailles des crevettes, des mâles, observées dans les estomacs des Gadiformes.

Selon Bukin (1992), S. boreas peut connaître des migrations saisonnières dans la mer de Béring et le schéma de migration semblait être corrélé avec la température. Les températures élevées (1,5-3°C) sont associées à la maturation des œufs tandis que

l’éclosion (libération de la progéniture) est associée à des températures très basses (< 0°C). Ainsi, les migrations dans les profondeurs débutent en automne (octobre-novembre) soit lorsque les températures sont à la baisse pour la maturation des œufs des femelles. Dans l’étude de Bukin, les petits mâles ont une répartition côtière tandis que les grands mâles (sexuellement matures) connaîtraient également des migrations dans les profondeurs puisqu’ils ont été retrouvés à des températures aussi basses que les femelles. Selon cet auteur, c’est dans des températures basses que l’accouplement se produirait.

Les migrations saisonnières sont bien documentées chez les Crangonidés (Modlin, 1980 ; Siegfried, 1980 ; Corey, 1981). Les travaux de Birkely et Gulliksen (2003a) ont également supposé une migration pour la crevette de roche pour expliquer le sex-ratio observé en faveur des mâles pendant le mois de mai. Cependant, leurs travaux effectués en automne (septembre) dans le Svalbard ont révélé que les mâles se trouvaient dans les eaux peu profondes (<100 m) alors que les femelles ont été trouvées à plus grande profondeur (100-200 m). Cette ségrégation sexuelle en fonction de la profondeur est régulée par des besoins préférentiels en nourritures et ces derniers sont reliés directement à la nature du substrat (Birkely et Gulliksen, 2003b). La répartition dans les profondeurs est accompagnée par une augmentation de la taille des individus.

Les observations de Bukin (1992) et Birkely et Gulliksen (2003b) ont l’avantage d’expliquer que la forte prédation qui affecte les grands mâles peut résulter d’une répartition bathymétrique différentielle entre les sexes dans des périodes de l’année que notre étude n’a pas pu révéler puisqu’elles ont été effectuées seulement au printemps. De plus, les pêcheurs ont révélé que les observations de cette espèce dans les fonds côtiers sont rares pendant l’hiver.