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1. État des connaissances

1.2. La mortalité et ses déterminants au cours de l’infection à VIH

1.2.2. Mortalité et sérotype viral

En plus du VIH-1, un autre virus : le VIH-2 peut causer le sida. Le VIH-2 présente des similarités par rapport au VIH-1 en partageant les mêmes mécanismes de réplication, les mêmes modes de transmission et la même expression clinique notamment l’évolution vers le sida. L’infection par le VIH-2 présente cependant un potentiel évolutif moins important avec des charges virales plasmatiques plus basses, une baisse du niveau de CD4 plus lente et une progression clinique également plus lente que celle de l’infection par le VIH-1 (Alabi et al., 2003; Andersson al., 2000; Azevedo-Pereira et Santos-Costa, 2016; Berry et al., 1998; Drylewicz et al., 2008; Jaffar et al., 2004; Kanki et al, 1994; MacNeil et al., 2007; Marlink et al, 1994). Ces différences évolutives font que la majorité des personnes infectées par le VIH-2 sont des non progresseurs à long terme8 voire des « elite controllers9 » ou « natural

8 Personnes vivant avec le VIH qui, en l’absence de traitement ARV, conservent un niveau de CD4 > 500/µL et

controllers ». En effet, plus de 75% des PVVIH-2 sont des non-progresseurs à long terme alors que moins de 25% progressent vers le sida en l’absence de traitement (De Silva et al., 2008; Lambotte et al., 2005; Schim van der Loeff et al., 2010). La proportion de non progresseurs à long terme est < 5% chez les PVVIH-1 (Kumar P, 2013). Il a même été rapporté que les PVVIH-2 ayant une charge virale indétectable auraient une survie qui n’est pas différente de celle de la population générale (Berry et al., 2002; Schim van der Loeff et al., 2010). Par ailleurs, bien que l’infection par le VIH-2 puisse causer le sida, les PVVIH-2 à ce stade de la maladie ont des charges virales plus basses en comparaison avec les PVVIH-1 au même stade de sida (Schim van der Loeff et al., 2010). Le VIH-2 est par conséquent moins transmissible que le VIH-1 et est endémique seulement en Afrique occidentale où la coinfection par le VIH- 1 et le VIH-2 est relativement fréquente (Ekouevi et al., 2013; De Silva et al., 2010; Gottlieb et al., 2008).

Plusieurs études ont comparé la mortalité de l’infection par le VIH-1, de l’infection par le VIH-2 et de la coinfection VIH-1 + VIH-2. Ces études s’entendent pour dire que la mortalité est plus élevée chez ceux infectés par le VIH-1 ou coinfectés par le VIH-1 et le VIH- 2 (Prince et al., 2014; Tchounga et al., 2016; Whittle et al., 1994). Par exemple, l’étude réalisée en Gambie sur 175 PVVIH-1 et 294 PVVIH-2 avec des durées de suivi médianes respectives de 5,2 mois et 9,4 mois a montré un aHR de 0,64 (IC 95% : 0,43– 0,94) en comparant la mortalité des PVVIH-2 avec celle des PVVIH-1 après ajustement sur l’âge, le sexe et le niveau de CD4 (Whittle et al., 1994). Une autre analyse des données comparant 746 PVVIH-1 suivies pendant une durée médiane de 1,82 ans, 666 PVVIH-2 suivies pendant une durée médiane de 3,15 ans et 107 individus coinfectés suivis pendant une durée médiane de 1,53 an, confirmait les résultats précédents avec des taux de mortalité similaires entre PVVIH- 1 et coinfectés (Schim van der Loeff et al., 2002). Cependant, chez les PVVIH qui avaient un niveau de ≥ 500 CD4/µL, le aHR était de 0,76 (IC 95% : 0,65 – 0,88) après ajustement sur l’âge, le sexe et le stade clinique CDC alors qu’il n’y avait pas de différence significative de mortalité entre le VIH-1 et le VIH-2 dans les strates de CD4 « < 200 » et « 200-499 ». Ces

9 Personnes vivant avec le VIH qui, en l’absence de traitement ARV, conservent un niveau de CD4 > 500/µL et

résultats faisaient émettre l’hypothèse que la différence de mortalité observée entre les PVVIH-1 et les PVVIH-2 était attribuable à la différence du niveau de CD4 (Schim van der Loeff et al., 2002). Cette hypothèse a été appuyée par les résultats de Togun T et al. (2011) qui n’avaient pas retrouvé de différence significative de mortalité après ajustement sur le niveau de CD4. Ils ont rapporté un HR (ajusté sur le niveau de CD4) de 0,73 (IC 95% : 0,42 – 1,26) pour 103 PVVIH-2 et un HR de 1,07 (IC 95% : 0,49 – 2,31) pour 39 individus coinfectés par rapport à 647 PVVIH-1. Dans ces trois études, il pouvait subsister de la confusion résiduelle en l’absence d’ajustement sur la charge virale. Une autre étude ayant inclus 119 PVVIH-1, 137 PVVIH-2 et 82 coinfectés confirmait les résultats précédents. Elle montrait par ailleurs une charge virale moins élevée chez les PVVIH-2. Le niveau de CD4 était le seul facteur de risque indépendant de décès, quel que soit le sérotype viral; la charge virale n’étant un facteur de risque que chez les PVVIH-2 (Alabi et al., 2003). Sur une population exclusivement féminine comportant 101 PVVIH-1 et 243 PVVIH-2, les taux de mortalité étaient de 56/1000 PA (IC 95% : 39 – 79) et 16/1000 PA (IC 95% : 10 – 23); p < 0,001, respectivement. Le niveau de CD4 et la charge virale sont apparus comme facteurs de risque indépendants de décès (Hansmann et al., 2005). Dans l’étude de Tienen et al. (2011), des HR respectifs de 2,6 (IC 95% : 2,1 – 3,2), de 7,3 (IC 95% : 5,3 – 10,0) et de 6,6 (IC 95% : 4,4 – 9,0) pour le VIH-1, le VIH-2 et la coinfection VIH-1 + VIH-2 ont été estimés, en comparaison avec la population générale.

Du fait de son rôle épidémiologique limité, l’infection par le VIH-2 n’a pas fait l’objet du même intérêt que l’infection par le VIH-1. Ceci est encore plus vrai pour la coinfection VIH-1 + VIH-2 pour laquelle subsistent plusieurs zones d’ombre. Par exemple, il existe un débat vif sur la dynamique d’interaction entre le VIH-1 et le VIH-2. Un possible effet protecteur du VIH-2 contre l’infection par le VIH-1 a été rapporté pour la première fois en 1995 chez des travailleuses du sexe sénégalaises. Une cohorte de 756 PS (138 PVVIH-2 et 618 séronégatives) a été suivie de 1985 à 1994 : les taux d’incidence du VIH-1 chez les PVVIH-2 et les séronégatives étaient de 1,06/100 PA (IC 95% : 0,21 – 2,22) et 2,53 (IC 95% : 1,97 – 3,25). Le HR d’infection par le VIH-1 des PVVIH-2 par rapport aux séronégatives était de 0,32; p = 0,008 (Travers et al., 1995). Plusieurs études conduites en Guinée Bissau et en Côte d’Ivoire ont par la suite réfuté cette observation (Aaby et al., 1997; Norrgren et al., 1997;

Schimm van der Loeff et al., 2001; Wiktor et al., 1999) et ont été appuyées par une revue de la littérature (Greenberg, 2001). Plus récemment, une autre étude réalisée sur 233 policiers guinéens a rapporté une durée de progression vers le sida plus longue lorsque les PVVIH-1 étaient coinfectées par le VIH-2. Chez les coinfectés, cette durée était de 104 mois (IC 95% : 75 – 133) contre 68 mois (IC 95% : 60 – 76; p = 0.003) pour les PVVIH-1 avec un effet plus important lorsque l’infection par le VIH-2 précédait l’infection par le VIH-1 chez les coinfectés. Cela a fait émettre l’hypothèse qu’une infection préexistante par le VIH-2 aurait un effet inhibiteur sur la progression de l’infection par le VIH-1 (Esbjörnsson et al., 2012). Chez les policiers guinéens, on a également rapporté une durée de survie plus longue chez les coinfectés que chez les PVVIH-1 : 11,3 ans (IC 95% = 9,9 – 12,7) contre 8,2 ans (IC 95% = 7,5 – 8,8); p = 0,072 (Esbjörnsson et al., 2014). Cet effet a été remis en cause par plusieurs auteurs (De Silva et al., 2012; Van Tienen et al., 2012; Vannberg et al.; 2012). La méta- analyse de six études sur l’effet du sérotype a trouvé un HR de 1,11 (IC 95% = 0,95 – 1,30) (Prince et al., 2014). Par rapport aux PVVIH-1, quatre études ont rapporté un risque de décès plus élevé chez les coinfectés avec un HR qui variait de 1,07 à 1,31 quoiqu’aucune différence n’était significative dans ces études (Hansmann et al., 2005; Kassim et al., 1995; Norrgren et al., 2010; Van Tienen et al., 2011). Deux études ont rapporté un risque de décès inférieur chez les coinfectés avec des HR de 0,82 (IC 95% = 0,48–1,40) et 0,83 (IC 95% =0,28 – 2,46) (Gustafson et al., 2007; Holmgren et al., 2007).

En somme, la question sur l’effet du sérotype est encore largement débattue. Notre étude de cohorte permettra d’apporter des informations utiles à ce débat qui est propre à l’Afrique de l’Ouest avec la 2e cohorte la plus importante en termes d’effectif et de durée de suivi. En plus, notre population d’étude constituée de PVVIH ayant un niveau de CD4 ≥ 350 est assez rare en PRL et a l’avantage de pallier à certaines limites des études précédentes soit la non-restriction aux patients avec un état d’immunodépression avancé, des effectifs faibles, des durées de suivi courtes ainsi que beaucoup de pertes au suivi.

1.2.3. Autres déterminants de la mortalité au cours de l’infection à