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Le choix de l’architecture qui génèrera les mouvements du laparoscope revêt une importance majeure. Outre l’impact sur la qualité de ces mouvements, cette architecture va également déterminer l’encombrement du robot et le nombre d’ajustements à apporter durant son installation au début d’une intervention. Deux pistes ont été tracées dans la première partie, lors de l’analyse des systèmes existants et de la définition des objectifs : concevoir une architecture dont la cinématique autorise un placement du robot de manière indépendante de la localisation de l’incision, et minimiser le volume balayé par les parties mobiles en découplant le contrôle des degrés de liberté du laparoscope.

3.2.1

Découplage des mouvements

L’AESOP, l’EndoAssit et le LapMan, les trois premiers porte-endoscopes actifs commerciaux, possèdent une architecture proche de celle des manipula- teurs sériels que l’on retrouve dans l’industrie manufacturière. L’objet déplacé par ces robots, en l’occurrence le laparoscope, est solidaire de leur effecteur terminal et placé après la ou les dernières articulations rotoïdes (actives ou pas- sives). Le zoom de l’image, obtenu par translation du laparoscope suivant son axe propre, est généré par l’action d’un ou plusieurs moteurs placés avant ces pivots terminaux dans la chaîne cinématique. Par exemple, les trois premières articulations de l’AESOP doivent être actionnées pour obtenir ce mouvement d’insertion du laparoscope dans le trocart. Cela induit également le déplace- ment d’une partie du bras porteur, qui balaie ainsi l’espace situé au dessus de l’abdomen.

Pour éviter cet encombrement dynamique inutile, on peut placer le dispo- sitif de zoom (et de rotation du laparoscope autour de son axe) à l’extrémité de la chaîne cinématique du robot. De la sorte, un mouvement de zoom ne

demandera aucun autre mouvement du robot que la translation de son or- gane terminal portant le laparoscope. Il est même envisageable de supprimer ce déplacement, à l’aide d’un zoom optique ou numérique. Le choix entre ces possibilités d’implémentation sera effectué au chapitre suivant, mais nous re- tiendrons en tous les cas ce principe de zoom et rotation terminaux, solution avantageuse qui a déjà été implémentée sur plusieurs robots tels que le ViKY, le FIPS Endoarm ou le Laparocision.

3.2.2

Génération des mouvements angulaires

Comme exposé au paragraphe 1.1.2, la contrainte cinématique principale à remplir est le passage du laparoscope par l’incision, qui peut être assimilée à un centre de rotation fixe. Elle peut être satisfaite par plusieurs types d’ar- chitectures dédiées, décrites entre autres par Russel Taylor [Taylor 2003], Jacques Gangloff [Gangloff 2004] et Philippe Poignet [Poignet 2005]. La solution la plus évidente consiste à employer un mécanisme sphérique à deux (ou trois) axes de rotation concourants, dont l’intersection coïncide avec

l’incision. Le ViKY, le MC2E et le Blue Dragon [Rosen 2005] du Biorobotics

Lab de la University of Washington (Seattle, USA) font partie de cette famille. La seconde solution revient à placer ce centre de rotation intrinsèque à distance de la structure : on parle alors de centre de rotation déporté (ou rcm, pour Remote Center-of-Motion), qui doit être aligné avec l’incision pour se superposer au pivot naturel dans la paroi abdominale. Pour ce faire, le da Vinci recourt à des parallélogrammes, comme dans le schéma de principe de la figure 3.1a, mais il existe d’autres mécanismes goniométriques équivalents.

La troisième possibilité dérive de ce principe de centre de rotation déporté, mais il n’est cette fois plus intrinsèque au mécanisme. Il est obtenu par une commande appropriée des mouvements du robot, par exemple par découplage dynamique tâche/posture [Michelin 2004] avec le robot D2M2 du lirmm, ou avec une commande en effort [Krupa 2000] visant à annuler les efforts latéraux mesurés par un capteur.

Enfin, une dernière approche est utilisée dans certains robots porte- endoscope comme l’AESOP, l’EndoAssist et le LapMan. À l’inverse des trois autres solutions qui contrôlent les 6 ddl et imposent au laparoscope de pivoter autour d’un centre de rotation fixe, l’idée est de déplacer un point du laparo-

(a) Robot à centre de rotation déporté utilisant des parallélogrammes, comme sur le robot da Vinci

(b) Robot dont le poignet possède deux articulations passives, comme AESOP

Figure 3.1 – Architectures classiques pour la manipulation d’instruments la- paroscopiques (adapté de [Jaspers 2004])

scope autour de l’incision et de le laisser pivoter passivement grâce à deux2

articulations rotoïdes libres. La figure 3.1b illustre ce principe, parfois appelé « rcm passif ».

À nouveau, différents critères provenant du graphe des objectifs entrent en ligne de compte pour la sélection de l’architecture la plus adéquate pour notre manipulateur.

La stabilité de l’image du poignet passif sera bien entendu moindre que

celle offerte par les systèmes contrôlant les 6 ddl du laparoscope, mais l’expérience des robots AESOP, EndoAssist et LapMan prouve qu’elle est toutefois suffisante.

L’encombrement en usage est fortement lié au type d’architecture. Le ro-

bot local occupe plus d’espace autour de l’incision que les mécanismes déportés. Les articulations terminales du robot à poignet passif peuvent par contre être très compactes en l’absence de moteurs.

Les réglages initiaux sont certainement plus longs avec un rcm mécanique,

qui demande un alignement précis avec l’incision pour garantir le bon fonctionnement, mais également la sécurité du patient. Le rcm pro- 2. Plus précisément, l’EndoAssist et le LapMan combinent un axe goniométrique et un ou deux pivots passifs, respectivement.

grammé requiert lui aussi une phase d’initialisation inutile avec un poignet passif ou un dispositif local.

La stérilité du mécanisme sphérique impose des contraintes sévères sur le

design des pièces et le choix des actionneurs et transmissions, alors que tous les mécanismes délocalisés peuvent être drapés.

Les efforts exercés en usage normal par un robot à poignet passif sont

peut-être un peu plus élevés, à cause de l’effet de levier exercé par le laparoscope qui prend appui dans l’incision, et dont le poids est essentiel- lement localisé dans la caméra.

Les efforts en cas de mauvais alignement d’un centre de rotation dé-

porté (mécanique ou programmé) avec l’incision peuvent par contre être dangereux pour le patient.

Les efforts en cas de spasme sont également dangereux avec les dispositifs

qui maintiennent rigidement le laparoscope.

La possibilité de manipuler manuellement le laparoscope est demandée

dans le cahier des charges, mais semble plus complexe à implémenter avec un robot à centre de rotation programmé, nécessitant par exemple de recourir à la comanipulation.

La solution qui répond le mieux à ces attentes est l’architecture à poi-

gnet passif, qui ne requiert pas d’alignement spécifique avec l’incision et laisse

Critère Poids Local Méca. Prog. Passif

Stabilité de l’image 0,50 3 4 4 2

Encombrement en usage 1,00 1 3 2 4

Réglages initiaux 1,00 4 1 3 4

Stérilité 1,00 1 3 3 3

Efforts en usage normal 0,30 3 3 3 2

Efforts si mésalignement 0,20 4 1 1 4

Efforts si spasme 0,30 1 1 1 3

Manip. manuelle possible 0,25 4 4 1 3

Total (pondéré) 18,20 10,50 11,40 12,65 15,05

Écart-type (non pondéré) – 1,41 1,31 1,19 0,83

une liberté au chirurgien quant au placement du robot. En outre, la liberté de mouvement angulaire du laparoscope grâce aux deux pivots passifs offre cer- tains avantages en termes de sécurité, et n’est que peu pénalisante au niveau de la stabilité de l’image — contrairement à la manipulation d’un instrument chirurgical, qui requiert bien sûr un contrôle précis de tous ses degrés de liberté. Cette architecture obtient le meilleur score pondéré dans le tableau 3.2 et est aussi la plus homogène vis-à-vis des critères.