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j1 i ü il ü à Lausanne

Salvan a été très chanté à Lausanne ! Pour son dixième anniversaire, la Chanson vaudoise a créé une œ uvr e de son directeur, « Le Missel de l’A lpe », racontant une heureuse journée salvanintze. Cette suite pour choeurs, solis, danses et accom p agn em en t instrumental est délicieuse. Ecrivain et com positeur o n t rendu à merveille l’atm osphère lum ineuse et fluide de cette contrée qui leur est d ’ailleurs familière à tous deux. Tant le premier, Louis Grivel, plus co n n u sous le p seudonym e de D o u g , que le second, R oger Moret, sont depuis quarante ans des fidèles des mayens. C om bien de fois n ’ont-ils pas gravi le sentier qui, de la gare de Salvan, m o n te par Le Biolley et Les Granges au vallon ? Et le com p ositeu r n ’a-t-il pas fait transporter son piano dans son chalet bien avant la con stru ction de la route ? H isser un piano par La Matse pour le redescendre sur V a n -d ’en-Bas, puis le remonter sur la pente des Diés, cela n ’est pas une petite affaire. Enfin, c ’est sur ce clavier que sont nées les mélodies, fo rt plaisantes, du « Missel de l’Alpe ».

La journée co m p t e trois m om ents, trois thèmes principaux de l’œ u v r e : « Le m atin », « L ’après-midi », « Le soir ».

A nnonciatrice d’une belle journée, l’aube est saluée par une ouverture du petit ensem ble instrumental, et voici le to n don n é à cette évasion sur l’alpe. Le ch œ ur chante alors « Q uand l’aube... », et l’on s’élance sur le sentier des chèvres en com pagnie du père François qui m o n te au vallon pour y faucher son pré. La blonde Sylvie est du voyage, elle va rejoindre ses

frères, les chevriers. O n dansera là-haut, avec « T ou te la m on tagne ». U n m enuet clô t cette première partie.

L’après-midi, les chalets de l’alpage nous accueil­ lent. Passe le colporteur, Firmin, avec sa bonne h u ­ meur et son saint-frusquin, puis la belle Fiortense. La fon tain e des mayens chante, l’heure suspend son vol, il fait bon hu m er l’air des mélèzes... U n e valse term ine cet après-midi idyllique.

Le soir vient, c ’est le retour au chalet, cet abri sûr. U n chagrin pourtant : Sylvie est m orte, em portée si jeune, dans la fleur de ses seize ans. Son chalet ne sera plus fleuri chaque jour. Le soleil a disparu der­ rière le Scex-des-Granges. L’om bre s’étend à travers un très beau m o u v e m e n t musical, exécuté par le petit ensemble qui, to u t au long de cet oratorio, a soutenu chœ urs7 et soli. U n e danse vie nt rendre encore la joie paisible de l ’Alpe, avant l’expression de gratitude finale :

V oici l'instant du bleu silence, Un jour de plus s’est envole ; Disons notre reconnaissance Pour tout ce qui nous f u t donné. Dans la nuit douce et solitaire, H eureux ceux d o n t le cœ u r content Peut sentir com m e une prière S’élever jusqu’au firm a m en t.

R oger M oret et Louis G rivel o n t écrit une œ u v r e charmante. O n aurait plaisir à l’entendre sur la place de Salvan. Q ui sait si le V ieux-Salvan ne la reprendra pas, pour le plaisir des Salvanins et celui de leurs hôtes ? A ndré A m iguet.

Rosseries valaisannes t-rt ) . . / 7 * 7 /

--- l u n as pas renie tes origines radicales !

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F

D e passage à Fully, le co lo n e l G iroud n ’avait pas m a n ­ qué de s’arrêter ch ez so n ami le curé B o n v in , l’affaire d’u n e m inute, pour lui to u ch er la m ain ; n ’avait pu refuser u n dem i-verre, juste pour trinquer, puis une gou tte de celui-ci, mais si peu, puis u n e g o u tte de celui-là, et de fil en aiguille l ’après-midi s’était tiré. Ces gouttes-là étaient d’autant meilleures qu’hélas ! le co lo ne l devait se m énager et que l’entorse au régime a g o û t de fruit défendu. Bref, il était resté p o u r sou ­ per, et m ain ten an t son h ô te le pressait de passer la nuit à la cure :

— Jamais de la v ie ! se défendait le colonel. Marie va être dans tous ses états. N o n , je ne puis faire cela à ma chère épouse. Elle qui veille si jalousem ent sur ma santé ! N o n , ce n ’est pas raisonnable.

— C e qui n ’est pas raisonnable, ren voie le curé, c’est de rentrer si tard. T u dois quand m êm e faire attention. P ou rq u oi t ’exposer à cette fatigue sans nécessité ? R este, v o y o n s. Le lit est fait. T u partiras demain m atin, bien reposé.

— Mais tu t ’im agines ! Marie va dire que j’ai trop bu, que j’ai fait des bêtises. O n v o it bien que tu n ’es pas marié. Mais elle va m e croire iv re-m ort, incapa­ ble de remuer. Elle risque de venir m e chercher avec une am bulance !

Le curé insistait. Le co lo n e l :

— N o n , je te dis que c ’est exclu. Si tu v e u x lui téléphoner pour lui expliquer, toi, tu n ’as q u ’à essayer. Moi, pas question. Je rentre.

Im perturbable, B o n v in prend le téléphone. O n sait qu’il im ite à ravir le colonel.

— Marie, fait-il, plus co lo ne l que nature, je te téléphone de Fully. Je m e suis arrêté chez m o n digne et excellent ami le curé B o n v in . U n p etit pèlerinage...

Il écarte légèrem ent, pour épargner son oreille, le co rn et to u t vibrant d ’indignation. Le rapproche : — Mais puisque je te dis que je suis en sécurité chez le représentant de la divine Providence. N o u s avons parlé de choses très sérieuses, tu vois ce que je v e u x dire. J’ai toujours été b on chrétien, Marie. Pourtant, un h o m m e n ’approche pas du term e de son v o y a g e terrestre sans éprouver le besoin de se confier plus lo n g u em en t au pasteur des âmes. Aussi ai-je décidé de passer la nu it à la cure. Je rentrerai demain matin. C ’est préférable. Il est bien tard. Tu sais que le m édecin... C o m m e n t ? Juste une goutte, tu ne voudrais quand m êm e pas que... N e te fais donc aucun souci ! Il y a lon gtem p s que je ne m ’étais pas senti aussi bien.

A ce m o m en t, le curé écarte résolum ent le cornet, ou retentit une véritable explosion. Laisse passer le

gros de l ’orage, rafferm it sa m ain sur l’appareil et gronde à son to u r d ’une v o ix de tem p ê te :

Marie ! Tu n ’as pas renié tes origines radicales ! Il faut préciser ici que M m e G iroud est née Car- rupt, d’une fam ille radicale. E t p o u r nos lecteurs

V

étrangers, que le co lo ne l est un chef de file du parti con servateur-catholique, et enfin q u ’o n dit le radica­ lisme valaisan tein té d ’anticléricalisme.

T a n t bien que mal, les choses se s o n t arrangées. Le c o lo n e l est rentré le m atin suivant, p lu tô t fraîche­ m e n t accueilli. Mais le plus m al reçu est encore le curé B o n v in , la prem ière fois qu’il passe à la m aison. Marie est hors d ’elle :

— V ous n ’avez pas h o n te ! Lui qui d o it faire tellem ent a tten tion à sa santé ! Et c ’est v o u s qui le déroutez ! V ous, un curé !

— Marie, fait alors le curé B o n v in avec la grosse v o ix du colonel, o n v o it bien que tu n ’as pas encore renié tes origines radicales !

Les bras lui en to m b e n t et, du coup, sa colère aussi.

— C o m m e n t, c ’était d o n c v o u s ! E t m oi, sa fem m e, je n e m e suis pas doutée un instant de la supercherie. Q u el com éd ien ! Eh bien, m onsieur le curé, si j’étais restée radicale, je dirais que v o u s avez raté v o tre v o cation . B. O.

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