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Le financement de l’agriculture est un des points névralgiques du développement rural. Comme d’autres acteurs (administration, opé- rateurs privés...), les organisations paysannes tentent de contrôler et maîtriser les processus de financement ou, du moins, d’être associées à leur conception, leur mise en place et leur fonc- tionnement.

ORGANISATIONS RURALES ET FINANCEMENT

Parmi les organisations paysannes (OP) asso- ciées de près ou de loin au financement de l’agriculture, il convient de distinguer entre :

• Les OP spécialisées dans l’épargne-crédit

dans le « secteur intermédiaire » (COOPEC, crédit solidaire...) et dans le « secteur endogène » (tontines).

• Les OP dont la fonction crédit vient en com-

plément d’autres activités (production, com- mercialisation...) en général dans le cadre de filières de culture de rente.

• Les OP réalisant du financement-subvention

à partir d’autres sources, soit à partir de cotisa- tions (type collectivités locales), soit à partir de ressources externes (immigration, coopération internationale...).

Il est important d’observer les implications que peuvent avoir des activités de financement sur les relations de l’organisation avec son envi- ronnement (système bancaire, marché finan- cier...), sur les structures sociales (pouvoir lié au contrôle du crédit, liens de clientélisme...) et les relations avec les opérateurs des activités de financement.

Si chaque cas a ses particularités, il est intéres- sant d’avoir à l’esprit la difficulté de mélanger les fonctions à l’intérieur de la même organisa- tion :

• Subvention et crédit.

• Fonction financement et gestion des filières

(crédits ciblés sur des objets pré-déterminés).

• Fonction financement et représentation syn-

dicale (les syndicats peuvent voir leur base s’éroder en assumant la fonction ingrate de récupération des prêts).

Comme autres points de réflexion à approfon- dir dans le cadre des actions d’accompagne- ment aux systèmes de crédit, on peut mentionner :

• Le problème de la viabilité économique, qui

implique la maîtrise d’un remboursement à 100 %, un taux d’intérêt couvrant les coûts de fonctionnement et les coûts financiers de la res- source, une structure en réseau pour les fonc- tions d’appui aux caisses locales, afin de réduire les coûts afférents (formation, comptabilité, ins- pection).

• Le problème de la tranparence de la gestion et

de son contrôle par les usagers.

• La nécessité d’une concertation entre les diffé-

rents niveaux (local ou national), afin d’élaborer une politique de financement rural car les sys- tèmes de crédit ne peuvent se développer que dans un environnement favorable.

DOLIGEZ F., IRAM, pour le Réseau GAO, 1994.

Il existe bon nombre de cas d’organisations paysannes qui ont à gérer des crédits au niveau local, soit comme activité principale (COOPEC), soit dans le cadre d’une multi- fonctionnalité (groupements initiés par les sociétés de développement). Dans la plupart des cas, la caution solidaire joue un rôle cen- tral, bien souvent porteur d’ambiguïtés.

La caution solidaire

Elle est soit plus ou moins imposée de l’exté- rieur (intervenants), ou existe dans les pra- tiques sociales en se manifestant lorsqu’il y a maladie ou accident, par le paiement de l’échéance du crédit à la place du membre tou- ché. Elle peut être la conséquence d’une volonté de ne pas perdre sa réputation ou son honneur (contrôle du groupe sur l’individu ou pression sociale), qui a d’autant plus de chance d’être efficace qu’elle est couplée à d’autres « ingrédients » (besoin d’accéder à nouveau au crédit, relation équilibrée entre crédit et épargne, système de crédit et d’épargne appro- prié par les paysans).

Elle peut se construire progressivement au sein de petits groupes, par l’expérience réussie de la gestion du crédit.

IRAM, note rédigée pour le Réseau GAO, octobre 1994.

« La solidarité perverse »

Il faut d’abord s’interroger au cas par cas sur les fameuses solidarités africaines. Si elles exis- tent, au moins en cas d’accident comme dans toute société paysanne, leur forme et leur champ d’extension varient considérablement suivant les sociétés. On peut aussi s’interroger sur la taille du groupe au-delà de laquelle la solidarité fonctionne difficilement (on parle en général de 7 à 30 membres par mutuelle de crédit, mais les expériences de crédit solidaire montrent qu’une solidarité effective fonctionne difficilement au-delà de 1O/12 personnes).

De plus, la solidarité est plus ou moins imposée de l’extérieur. Les paysans la considèrent alors plus comme une condition pour obtenir du cré- dit que comme la mobilisation d’une solidarité préexistante. Enfin, elle doit être mise en pra- tique sur la base de règles fixées au départ, acceptées et intériorisées par les paysans.

A partir d’un certain seuil (probablement autour de 15 à 20 % d’impayés), on assiste à une « solidarité perverse », c’est-à-dire une

solidarité dans le non-remboursement.

Éléments extraits de GENTIL D. et FOURNIER Y., 1993.

Ce mécanisme de caution solidaire est aussi remis en cause par des producteurs qui, du fait de leurs bons rendements, contribuent en premier à régler les impayés. La relative homogénéité du groupe est alors une condi- tion importante pour le bon fonctionnement d’opérations de crédit gérées par les organi- sations paysannes. Sur le terrain, dans les régions de production de coton, cette pra- tique amène progressivement l’éclatement

des groupements villageois (créés par les sociétés d’intervention) en groupes plus

petits. Les producteurs assument eux-mêmes la constitution de groupes de caution soli- daire et en excluent certains producteurs réputés mauvais payeurs (c’est le cas notam- ment dans les zones cotonnières du Burkina Faso et du Cameroun).

De fait, la caution solidaire correspond plus à une forme de contrôle social que le groupe s’impose pour continuer à bénéficier d’une ressource extérieure.

Cette attitude face au crédit n’est pas standar- disée et dépend en partie de l’histoire des populations et des systèmes de productions en vigueur dans la région. Au Bénin, dans la zone du Borgou, ce sont les organisations paysannes qui, contre l’avis des experts, ont imposé un mode de gestion collectif du cré- dit. Possédant une expérience conséquente du crédit, elles ont refusé la gestion indivi- duelle préférant confier au GV la charge de récupérer les crédits.

Il faut aussi parler des systèmes de crédit décentralisés qui, dans certaines situations, deviennent des organisations paysannes à part entière pouvant peser sur les choix en terme de politique agricole. C’est le cas notamment de la FECECAM (Fédération des coopératives d’épargne et de crédit agricole mutuel) au Bénin.

Le Crédit agricole mutuel au Bénin

La Fédération est comme une maison à trois étages. A la base on compte actuellement 52 caisses. Ces CLCAM (Caisses locales de crédit agricole mutuel) ont un conseil d’administration et un conseil de surveillance démocratiquement élus et renouvelés chaque année en totalité ou en partie. Au niveau de la région il y a des délégués des caisses qui vont au niveau régio- nal faire la même chose, donc il y a un CA au niveau fédération. Nous désignons nous-mêmes un Béninois pour diriger la fédération : il n’y a plus d’expatrié directeur du n° 16. Il y a un poste que nous avons dénommé « Secrétaire Exécutif », cela veut dire que « ce n’est pas un patron » tel que le conçoit le conseil d’adminis- tration des élus qui prend des décisions : avec son équipe, il est chargé d’exécuter quotidien- nement et de rendre compte.

Au niveau secondaire, les CRCAM (Caisses régionales de crédit agricole mutuel) avant étaient aussi des entités commerciales et avaient une caisse pour collecter l’épargne. Depuis la mise en place de la Fédération tout le travail se fait à la base : le travail de collecte d’épargne, de crédit, de recouvrement. Les CRCAM sont devenues des unions des CLCAM et sont juste une entité d’appui aux caisses de base. La fédération est aussi une entité d’appui aux unions et aux CRCAM. A la tête de chaque union régionale, il y a un conseil d’administra- tion et un directeur avec une petite équipe de techniciens, comptables, responsable crédit et un trésorier pour les transferts de fonds.

Extraits d’un entretien avec KOUKPONOU C., Secrétaire général de la FECECAM, La Lettre du Réseau GAO n° 19