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Les modifications apportées pour contraindre le modèle du cycle du soufre au

4.3 Modélisation du cycle du soufre au Dernier Maximum Glaciaire

4.3.1 Les modifications apportées pour contraindre le modèle du cycle du soufre au

4.3.1.1 Les émissions de soufre au DMG

Les émissions de soufre dans l’atmosphère sont susceptibles d’avoir varié dans le passé. Dans

le but d’isoler l’effet du soufre biogénique, les sources anthropiques ne sont pas prises en compte

dans nos simulations actuelles et la source volcanique n’a pas été modifiée pour les simulations du

DMG. Deux facteurs peuvent faire varier les émissions de DMS vers l’atmosphère : un changement

des concentrations en DMS dans l’océan et un changement de l’efficacité de transfert du DMS vers

l’atmosphère. Nous avons vu (chapitre 2, paragraphe 2.2.6.2) que le modèle utilise des données de

concentrations en DMS dans l’océan et calcule explicitement le transfert du DMS vers l’atmosphère.

Ce dernier dépend essentiellement de la couverture de glace de mer, de la température et du vent à la

surface de l’océan.

L’estimation des concentrations de DMS au DMG dans l’océan nécessite un modèle de biologie

marine, car aucun paléo-indicateur de ces données n’existe. Aucun modèle de ce type n’a encore été

utilisé pour le DMG mais des études pour le futur ont été réalisées. Rappelons que d’après l’hypothèse

CLAW [Charlson et al., 1987], le climat de la Terre est en partie régulé par les émissions de DMS via

une rétroaction entre la production de DMS, les noyaux de condensation des nuages et l’albedo (voir

chapitre 1, paragraphe 1.2.3). Si cette hypothèse est vérifiée, un changement du climat devrait induire

un changement des concentrations océaniques en DMS. L’impact de concentrations en CO

2

accrues

sur le cycle du soufre a été étudié. Avec un modèle régional de l’Océan Austral sub-antarctique, au sud

de l’Australie, Gabric et al. [2001] ont proposé une augmentation des émissions de DMS de 5% d’ici

2080 en réponse à un triplement des concentrations en CO2 par rapport à la période pré-industrielle.

En couplant un MCGA avec un modèle de biologie marine capable de prédire les concentrations

océaniques de DMS, Gabric et al. [2004] ont réitéré l’expérience d’un triplement des concentrations

importante variation méridienne de cette perturbation : aux hautes latitudes Sud, entre 50 et 70

Sud,

les flux de DMS sont augmentés de 106% alors que des variations faibles sont calculées dans les

régions tropicales et sub-tropicales. Les réponses climatiques à une augmentation de CO

2

, simulées

par le modèle couplé de climat atmosphère-océan de l’IPSL [Barthelet et al., 1998], ont permis de

forcer un schéma de biogéochimie marine [Bopp et al., 2001]. La paramétrisation du DMS, issue des

travaux de Aumont et al. [2002], basée sur des fonctions non-linéaires de la biomasse de

phytoplanc-tons et de l’état trophique de l’écosystème, a été utilisée afin de prédire les concentrations océaniques

de DMS et les flux océan-atmosphère. Les résultats de Bopp et al. [2003, 2004] suggèrent une très

faible augmentation des flux de DMS pour un doublement de CO

2

mais avec de très grands contrastes

régionaux. Il faut cependant noter un défaut de validation du modèle : il ne reproduit pas les

efflores-cences phytoplanctoniques aux hautes latitudes pour le climat actuel.

En ce qui concerne le DMG, Kohfeld et al. [2005] ont étudié le rôle de la biologie marine sur

les cycles glaciaire-interglaciaire du CO

2

. Cette synthèse de paléo-indicateurs marins suggère que la

capture du CO

2

par le phytoplancton au sud du front polaire antarctique actuel (50-60

Sud) était plus

faible pendant le DMG que pendant l’Holocène. Elle était cependant plus élevée au nord du front

polaire. Cependant, les organismes phytoplanctoniques comme Phaeocystis, producteurs principaux

de DMS, ne laissent pas de trace dans les enregistrements fossiles [Wolff et al., 2006]. Par ailleurs,

une étude de rétro-transport [Cosme et al., 2005] a montré que le nss SO

4

présent dans l’atmosphère

actuelle de Vostok provient de DMS émis vers 55-65

Sud, latitudes voisines du front polaire

antarc-tique. Ainsi, aucun argument solide ne nous permet d’avancer de façon claire que les concentrations

océaniques glaciaires de DMS pourraient être différentes des concentrations actuelles.

Nous avons donc ré-utilisé pour le DMG la carte de concentrations océaniques actuelles de DMS

de Kettle et al. [1999]. Ce choix nous permet de tester en partie l’hypothèse CLAW : si elle est

véri-fiée, les flux de DMS simulés par le modèle seront sur-estimés et nous obtiendrons des changements

de concentrations en aérosols soufrés dans la glace en désaccord avec les enregistrements dans les

carottes de glace antarctiques. Les incertitudes liées à la modélisation du cycle du soufre en climat

glaciaire pour lequel les contraintes observables sont très réduites ne nous permettent de proposer

qu’avec réserve une confirmation ou une infirmation de l’hypothèse CLAW.

4.3.1.2 Les concentrations glaciaires des oxydants

En lien avec les mesures de méthane dans les carottes de glace, plusieurs études de la capacité

oxydante de l’atmophère au DMG ont été réalisées entre 1989 et 1995 [Martinerie et al., 1995, et

références associées] [Karol et al., 1995] avec des modèles simplifiés (1D, 1,5D, 2D). Des études

similaires avec des modèles 3D de chimie-climat n’ont été publiées que très récemment [Valdes et al.,

2005; Kaplan et al., 2006; Harder et al., 2007]. Leur apport majeur a été de montrer le rôle important

des émissions de composés organiques volatils (COV) par la biosphère terrestre. Les COV ayant des

durées de vie courtes, ils n’affectent pas les hautes latitudes sud. Par ailleurs, la symétrie zonale de

l’Antarctique limite les inconvénients d’un modèle moyenné en longitude. Nous avons donc utilisé

les résultats de Martinerie et al. [1995] pour contraindre le modèle LMD-ZT.

De manière cohérente avec les données du modèle IMAGES utilisées pour nos simulations actuelles,

des moyennes mensuelles de champs d’oxydants ont été calculées pour les périodes actuelle et

gla-ciaire. Dans le but de limiter les effets de changement de modèle de référence pour les oxydants, une

approche variationelle a été adoptée : les rapports entre concentrations glaciaire et actuelle du modèle

2D ont été interpolés sur la grille 3D de LMD-ZT et multipliés par les concentrations actuelles issues

du modèle IMAGES [Müller et Brasseur, 1995] :

[ox]

3Dglaciaire

= [ox]

3Dactuel

.[ox]

2D glaciaire

[ox]

2D

actuel

Cette technique a été appliquée directement pour les radicaux OH et HO2 ainsi que l’ozone. Pour

tenir compte des variations rapides de la concentration en H

2

O

2

dues à l’oxydation de SO

2

, cette

espèce est traitée comme variable pronostique (voir chapitre 2, paragraphe 2.2.6.2) ; seul le taux de

photodissociation est prescrit et il ne varie quasiment pas entre les simulations 2D d’âge actuel ou

glaciaire.

Le modèle 2D a un pas de temps de 15 jours et ne calcule pas correctement NO3. C’est pourquoi une

approche simplifiée (photo-stationnaire) a été adoptée. NO

3

est produit par :

O

3

+NO

2

ka

NO

3

+O

2

(4.1)

N

2

O

5

+M

kb

NO

2

+NO

3

+M (4.2)

et est consommé par :

NO

2

+NO

3

+M

kc

N

2

O

5

+M (4.3)

L’équation pour l’état stationnaire s’écrit :

k

a

.[O

3

].[NO

2

] +k

b

.[N

2

O

5

].[M] =k

c

.[NO

2

].[NO

3

].[M] (4.4)

M représente la notation standard pour une molécule qui absorbe de l’énergie sans participer à la

réaction chimique. En première approximation, on néglige la réaction 4.2 par rapport à la réaction 4.1.

L’équation 4.4 peut ainsi être simplifiée :

[NO

3

] =k

a

.[O

3

]

k

c

(4.5)

Les coefficients k

a

et k

b

dépendent de la température et de la densité atmosphérique. Les

concentra-tions "2D" en NO3 sont donc calculées à partir de celles de l’ozone, puis l’approche variationelle

FIG. 4.2: Rapports de mélange des oxydants, à Dumont d’Urville (lignes) et Dome C (pointillés), pour un climat actuel (en noir) et pour un climat glaciaire (en vert, les premiers calculs ; en rouge, les concentrations corrigées).

La Figure 4.2 présente les concentrations en oxydants actuelles (en noir) et glaciaires (en rouge

et vert), pour les stations de Dumont d’urville (ligne continue) et Dome C (ligne en pointillés). Les

courbes vertes représentent les oxydants tels qu’ils ont été calculés en 2003 et utilisés pour les

pre-mières simulations glaciaires publiées [Castebrunet et al., 2006]. J’ai par la suite découvert des erreurs

de codage qui sont corrigées sur les courbes rouges. L’impact de ces erreurs sur la chimie du soufre

est négligeable ; cependant ces données ayant été utilisées dans une publication, elles sont présentées

sur la Figure 4.2. Les courbes rouges représentent les concentrations d’oxydants au DMG corrigées

et sont utilisées dans toutes les simulations présentées aux paragraphes 4.3 et 4.4.

A l’exception d’une publication [Karol et al., 1995, qui ont fait une hypothèse très forte sur le

grandient vertical de température], toutes les études publiées conduisent à des niveaux de OH

aug-mentés de 10 à 30% au DMG par rapport à la période pré-industrielle. Malgré sa chimie complexe,

OH semble donc être une espèce beaucoup plus stable que le méthane dont la concentration varie d’un

facteur 2 entre les deux périodes. Á Dumont d’Urville et Dome C en été, les niveaux de OH au DMG

sont supérieurs de 55% environ au niveaux actuels. Cette augmentation résulte de la compensation de

plusieurs effets :

- La baisse des niveaux d’ozone et surtout de la vapeur d’eau diminue la production d’OH.

- La baisse des concentrations en méthane et CO (essentiellement produit par oxydation du

mé-thane aux hautes latitudes Sud) réduit la perte de OH.

En première approximation, le rapport [HO

2

]/[OH] peut s’exprimer simplement [Martinerie et al.,

1995] par :

[HO

2

]

[OH] =

a

1

.[CO]

a

2

[O

3

] +a

3

[NO]

Les valeurs de a représentent les constantes cinétiques suivantes :

a

1

: CO+OH→CO2+H

a

2

: O3+HO2→OH+2O2

a

3

: NO+HO2→NO2+OH

Si l’on néglige la réaction (NO+HO2) du fait des faibles niveaux de NOx aux hautes latitudes, le

rapport [HO2]/[OH] est approximativement proportionnel au rapport [CO]/[O3]. Les niveaux de CO

étaient fortement réduits au DMG en réponse à la forte diminution des concentrations en méthane

alors que l’ozone a beaucoup moins varié. C’est pourquoi des niveaux de HO2sensiblement diminués

sont observés au DMG.

L’ozone a une durée de vie beaucoup plus longue que OH et HO2 et est sensible au transport

(vertical et méridien). Aux hautes latitudes Sud, Martinerie et al. [1995] obtiennent une augmentation

de l’ozone entre le DMG et la période pré-industrielle (essentiellement due à l’effet du méthane) suivie

d’une diminution moins importante entre le pré-industriel et la période actuelle (l’effet du méthane

est alors compensé par l’effet des CFCs sur l’ozone stratosphérique).

Nous avons vu que pour l’atmosphère actuelle, les concentrations les plus incertaines sont

pro-bablement celles de NO3(paragraphe 2.2.6.2). Les niveaux de NO3dans l’atmosphère dépendent de

la chimie complexe des oxydes d’azote et du transport d’espèces "réservoir" à relativement longue

durée de vie. Au DMG, l’absence de sources anthropiques de NOx (très supérieures aux sources

na-turelles) a probablement conduit globalement à des niveaux de NOx et NOy fortement réduits. Avec

l’approche simplifiée utilisée ici (équation 4.5), la baisse de NO3 calculée pour le DMG en

Antarc-tique reflète uniquement la baisse des niveaux d’ozone et la dépendance importante du coefficient ka

à la température.

Ces modifications des oxydants en climat glaciaire peuvent modifier l’oxydation des espèces

sou-frées. En été, du fait des concentrations plus importantes des radicaux OH, une oxydation plus rapide

est possible. En revanche, l’effet des radicaux NO3 qui prédominent pendant la nuit polaire, tend à

rendre les processus d’oxydation moins efficaces. Les températures réduites au DMG ont également

une influence sur les constantes cinétiques des réactions. Nous avons vu que les coefficients de

bran-chement de certaines réactions du schéma d’oxydation du DMS sont très sensibles à la température

(chapitre 3, paragraphe 3.5.2).