Dans ce chapitre, j’ai présenté un état de l’art du modèle tel qu’il existait au début de ma thèse.
Il s’agit de la version 3.3 du modèle LMD-ZT Soufre qui a été améliorée afin de mieux représenter
les spécificités du climat polaire, ainsi que celles du climat au Dernier Maximum Glaciaire [Krinner
et al., 1997; Krinner et Genthon, 1998]. Ce modèle est couplé avec un module de chimie
troposphé-rique du soufre validé aux hautes latitudes Sud pour un climat actuel [Cosme et al., 2002]. La version
4 du MCGA LMD-ZT a été disponible dès le début de ma thèse. Dans un souci de cohérence avec
les autres utilisateurs de ce modèle, ma première contribution au développement du modèle a été de
coupler le zoom Antarctique et le modèle de chimie du soufre à cette nouvelle version. Ce
change-ment de version a entraîné des modifications des résultats de notre modèle, présentées au chapitre 3
(paragraphe 3.5.1).
Les conclusions des travaux antérieurs m’ont permis de dresser un premier bilan des sources
d’incertitudes sur le cycle du soufre présent et passé en Antarctique :
– Une première source d’incertitude vient de la définition des émissions de DMS et est
d’au-tant plus impord’au-tante que le DMS est le précurseur majoritaire des espèces soufrées aux hautes
latitudes Sud. Les cartes de concentrations océaniques de DMS de Kettle et al. [1999] sont
uti-lisées, et la prise en compte d’un effet de couvercle de la glace de mer sur les flux de DMS
est nécessaire mais pas entièrement satisfaisante pour représenter le cycle saisonnier du DMS
atmosphérique. Des données plus détaillées de la distribution spatio-temporelle du DMS dans
l’océan (cycle saisonnier mais aussi variabilité interannuelle) seraient nécessaires. De plus, le
transfert du DMS de l’océan vers l’atmosphère peut être paramétrisé de plusieurs façons. Ces
différentes formulations conduisent à des valeurs de DMS atmosphérique comprises dans un
intervalle de valeurs généralement acceptées. Cet intervalle, trop important pour permettre de
poser des arguments solides dans le choix d’une ou l’autre des paramétrisations, entraîne une
incertitude supplémentaire sur le calcul des flux d’émission du DMS.
– La connaissance incomplète du schéma d’oxydation du DMS est un facteur limitant pour une
bonne représentation des concentrations atmosphériques en espèces soufrées. Certains
proces-sus pouvant avoir un impact potentiellement important sur le cycle du soufre ne sont pas pris
en compte dans notre modèle : l’oxydation du DMS par l’ozone et le BrO, et la réaction
d’oxy-dation hétérogène du DMSO. L’intégration de ces deux dernières réactions dans un modèle
né-cessite des champs d’aérosols validés aux moyennes et hautes latitudes Sud et une modélisation
complexe de la chimie du BrO dans la troposphère. Elle demeure une perspective importante de
ce travail. En revanche, nous avons testé la prise en compte de l’oxydation du DMS par l’ozone,
en voie aqueuse et gazeuse. Elle est présentée au chapitre suivant (paragraphe 3.6).
De plus, de fortes incertitudes marquent la cinétique de certaines réactions comme l’oxydation
du DMS par OH par la voie d’addition, l’oxydation du DMSO par OH, ainsi que la dépendance
des constantes cinétiques et des coefficients de branchement des réactions avec la température.
Les résultats de travaux cinétiques récents ont permis d’améliorer nos connaissances sur le
schéma d’oxydation du DMS et une mise à jour a été réalisée. Elle est discutée au chapitre 3
(paragraphe 3.5.2).
– Les phénomènes de dépôt sont également mal connus et leur paramétrisation dans le modèle est
assurément source d’incertitudes. Les données disponibles au centre du continent Antarctique
étant uniquement des concentrations dans la neige et dans la glace, la comparaison des résultats
du modèle à ces observations est soumise aux erreurs de définition du dépôt sec et du lessivage.
Des tests de sensibilité ont été réalisés et la paramétrisation de ces processus a été ajustée
(chapitre 3, paragraphe 3.4.5).
– En ce qui concerne la simulation du cycle du soufre au Dernier Maximum Glaciaire, des
incer-titudes supplémentaires s’ajoutent dues à la faible quantité d’informations sur les changements
glaciaire-interglaciaire de paramètres climatiques ou chimiques. Le schéma de chimie du soufre
a été appliqué de la même façon que pour les simulations pour le climat actuel (émissions,
méca-nismes chimiques). Seules les concentrations en oxydants ont été adaptées à un climat glaciaire
(chapitre 4, paragraphe 4.3.1.2). De plus, si les conditions limites imposées au modèle pour
un climat actuel sont relativement bien connues, ce n’est pas le cas pour le Dernier Maximum
Glaciaire, notamment en ce qui concerne les conditions de surface des océans (températures et
couverture de glace de mer). Ces incertitudes seront discutées au chapitre 4.
En dépit de ces incertitudes, le modèle LMD-ZT zoomé sur l’Antarctique reproduit cependant
correctement la variabilité saisonnière des espèces soufrées sur la côte antarctique. L’utilisation d’un
modèle de circulation générale atmosphérique est le seul moyen de pouvoir évaluer le cycle du soufre
dans le temps et dans l’espace. Il est également indispensable pour interpréter les enregistrements des
carottes de glace et ainsi pour améliorer notre compréhension des interactions entre le cycle du soufre
et le climat.
Étude de Sensibilité liée aux Mises à Jour du
Modèle
3.1 Présentation des simulations
Le chapitre précédent a permis de décrire le modèle LMD-ZT (version polaire 3.3) ainsi que le
module de chimie du soufre, dont les résultats ont été validés pour un climat actuel par Boucher et al.
[2002] et Cosme et al. [2002].
En avril 2004, le Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD) a diffusé la version 4 du MCGA
LMD-Z. Une première étape dans ce travail de thèse a été de coupler cette version avec le module
de chimie décrit précédemment, et de zoomer le modèle sur l’Antarctique. Puis, une mise à jour de
la représentation de la chimie du soufre a été faite, en deux étapes. Une première mise à jour a été
effectuée en 2004, tant au niveau des mécanismes réactionnels et des constantes cinétiques qu’au
ni-veau de la paramétrisation des phénomènes de dépôt sec et de lessivage. Ce schéma chimique modifié
sera nommé "chimie 2004" par la suite, en comparaison avec le schéma utilisé par Boucher et al.
[2002] et Cosme et al. [2002], nommé "chimie originale". Les résultats des simulations faites alors
ont été publiés dans le cadre d’une étude sur les changements glaciaire-interglaciaire [Castebrunet
et al., 2006] (voir chapitre 4). Suite à la mise en ligne des rapports d’évaluation de l’IUPAC [Atkinson
et al., 2006] et de la NASA/JPL [Sander et al., 2006], une nouvelle mise à jour des constantes
ciné-tiques a été réalisée. La paramétrisation de la chimie dans la phase aqueuse des nuages a également
été ajustée. Dans ce dernier schéma chimique, noté "chimie 2007", les mécanismes réactionnels ainsi
que les paramètres du dépôt sec et du lessivage restent identiques à ceux de la "chimie 2004".
Dans le but d’obtenir un climat actuel le plus réaliste possible, le modèle peut être forcé latéralement
(aux moyennes latitudes Sud) à l’aide de données issues de ré-analyses météorologiques [Genthon
et al., 2002]. Cette démarche a été adoptée dans la thèse d’Emmanuel Cosme [Cosme, 2002]. Mon
travail visant à simuler le cycle du soufre au Dernier Maximum Glaciaire, pour lequel il n’existe pas
de données équivalentes, les simulations présentées ici sont réalisées sans forçage latéral.
Les six simulations de six ans pour le climat actuel, traitées dans ce chapitre, sont présentées
Tableau 3.1.
Version vMSAdep Sources
Simulations de LMD-ZT Chimie et vnssSO4
dep Tnuages anthropiques
Tlessmin
0k-orig version 3.3 chimie originale 0,25 cm.s−1 -30◦C non
pas de Tlessmin
0k-A version 4 chimie originale 0,25 cm.s−1 -30◦C non pas de Tlessmin
0k-B version 4 chimie 2004 0,05 cm.s−1 -30◦C non
Tlessmin=-20◦C
0k-C version 4 chimie 2007 (+O3) 0,05 cm.s−1 -20◦C non Tlessmin=-20◦C
0k-D version 4 chimie 2007 0,05 cm.s−1 -20◦C oui
Tlessmin=-20◦C
0k-ref version 4 chimie 2007 0,05 cm.s−1 -20◦C non
Tlessmin=-20◦C
TAB. 3.1: Présentation des simulations pour le climat actuel. Elles diffèrent de part : la version du modèle de circulation
générale atmosphérique (paragraphe 3.5.1) ; le schéma chimique utilisé (paragraphe 3.5.2) ; la vitesse de dépôt sec vdep
des aérosols soufrés MSA et nss SO4(paragraphe 3.4.5) ; la température minimale Tnuages autorisant le lessivage des
espèces chimiques Tlessmin (paragraphe 3.4.5) ; la température limite définissant un nuage de glace ou en phase liquide
(paragraphe 3.4.4) ; la prise en compte ou non des émissions anthropiques de soufre.